mardi 12 octobre 2010

HISTOIRE DE L’ ÉCOLE NORMALE D’ALGER BOUZAREAH

d’après l’ouvrage de Monsieur Aimé DUPUY, directeur de l’ ENIB en 1934.

En 1865, le Gouvernement Général de l’ Algérie sollicite auprès de l’ empereur Napoléon III, la création d’une École Normale pour les européens et les indigènes.
Le 4 Mars 1865, un décret impérial fonde la première École Normale d’Algérie, sur un site situé à Mustapha Supérieur (actuel Parc de Galland). Elle comprend une maison mauresque et des jardins.
1866/1877 : Les débuts difficiles à Mustapha
Le 16 janvier 1866, Monsieur Leduc (ancien directeur de l’ EN des Basses-Pyrénées) inaugure cette école avec un effectif de 30 élèves.. A noter que cette école est mixte du point de vue religieux avec présence d’un abbé, et d’ un taleb.
Les troisième et deuxième années viennent d’Écoles Normales de métropole .La première année a été recrutée en Algérie après un concours ayant réuni 36 candidats (14 européens et 22 indigènes). Malgré l’arrêté du 3 août 1865, qui spécifiait qu’une promo devait comprendre un musulman pour deux européens, il fallut une très grande indulgence au jury pour admettre trois indigènes dans cette première promotion.
Enseignement:
Instruction morale et religieuse, pédagogie, écriture, lecture et rédaction, langue française, arithmétique, calcul et système métrique, notions d’algèbre et géométrie, dessin, histoire, géographie, notions élémentaires de mécanique et d’industrie, physique, chimie, histoire naturelle. Il faut y rajouter agriculture et horticulture, administration et état civil, chant et orgue, gymnastique et hygiène. Très rapidement on y adjoindra l’étude de l’arabe
Journée d’un élève en 1866 :
Réveil à 4 heures et demie. Toilette literie et descente "en silence et en ordre" dans les salles d’études pour cinq heures moins dix. Prières. Préparation des cours du matin " dans le silence le plus rigoureux " jusqu’à sept heures et demie.
Une heure pour petit déjeuner, récréation et service d’ appropriation.
Cours de huit heures et demie à midi et demie sans aucune interruption sauf changement de classe.
12 heures 30: Repas. Celui ci doit durer 18 à 20 minutes et doit comprendre un potage gras ou maigre, un plat de viande ou de poisson accompagné de légumes, un fromage ou un fruit
Récréation jusqu’à 13 heures trente ou "rires bruyants, clameurs et chants sont interdits" Récréation souvent occupée par des travaux de jardinage.
De 13 heures 30 à 15 heures 30, étude surveillée, suivie de cours jusqu’à 18 heures 30.
Ensuite une heure pour le souper, la récréation et quelques travaux de jardinage.
Étude de 19 heures trente à 21 heures trente, puis retour "en ordre et en silence" dans les dortoirs surveillés par les maîtres-auxiliaires. Extinction des feux à 22 heures.
Tenue des élèves : « En uniforme tunique en drap bleu foncé avec liseré bleu clair, palmes en soie blanche aux collets de la tunique cravate noire et chéchia ou casquette en drap bleu foncé.
Année scolaire en 1866 :
Les Normaliens restaient dix mois et demi à l’ École. Il n’y avait que six semaines de vacances en août/ septembre. Article 7 du règlement :
" Aucun congé, aucune sortie ne peut être acceptée pendant la durée normale d’étude, sauf circonstance exceptionnelle".
Le jeudi après midi entre deux études libres, le normalien peut recevoir sa famille dans un parloir aménagé, ou faire sa correspondance.
Le dimanche matin, revêtus de leur uniforme, et encadrés par le directeur et les maîtres adjoints, les élèves maîtres vont à la messe de ….. Ensuite étude libre, repas et de nouveau à l’église pour les vêpres. Retour à l’ École pour prendre les indigènes pour une promenade en rangs et en silence.
Dés 1877, il avait fallu, à la suite de mouvements de terrain, envisager l’évacuation des bâtiments. De plus les locaux étaient insuffisants pour les 54 élèves de l’époque.
Début 1888, suite à une menace d’épidémie de typhoïde et de glissements de terrain très sérieux, l’École est transférée en toute hâte et dans l’affolement général, dans des bâtiments inachevés et inutilisés de l’asile d’aliénés de Bouzarea. Très rapidement les élèves baptisèrent ce lieu : Maboul ville
Des l’installation, le corps enseignant et le personnel, émettent un avis défavorable sur le lieu choisi:" Installation malsaine et dangereuse" " Assise peu solide (schiste) Orientation et situation défavorables par rapport aux vents dominants" " Eau, grêle et neige dans les dortoirs et les salles d’études. Façades exposés aux vents d’ouest et d’est entraînant, hivers très rigoureux et étés brûlants" " Trop grand éloignement des centres intellectuels et artistiques" " Fréquentation trop irrégulière de l’école annexe vu le nombre d’habitants de la Bouzarea". " Difficultés de logement pour les professeurs".
Malgré tous ces obstacles, l’École va se développer peu à peu dans ses nouveaux locaux : nouvelles installations, ateliers, laboratoires, dortoirs, bibliothèques, agrandissement des cuisines et création de jardins.
Avec la création en 1891, de la section spéciale, l ‘effectif va passer à 90, puis 209 en 1892 et 248, l’année suivante. Le directeur pourra alors déclarer :  « L’ École Normale de Bouzarea est devenue la clef de voûte de l’édifice scolaire en Algérie ». Elle devenait en cette année la plus importante des Écoles Normales Françaises.
A cette époque, les élèves allaient tous les matins chercher l’eau à un puits situé au fond du ravin à environs 800 mètres de l’ École. Elle était éclairée par des lampes à huile.
L’eau courante et l’électricité arrivèrent en 1914, à la veille de la grande guerre.
En 1888 l’École s’étendait sur un domaine 23 hectares, constitué en plus des bâtiments de broussailles et de friches.
En 1891, grâce au travail des élèves et de leurs professeurs, on comptait 4 ha de vignes, 3 de fourrages,3 de jardin potager et 2 ha de champs d’expérimentation. Il y avait aussi « le fameux petit bois ».
L’École devenait autonome en approvisionnement de fruits et légumes. En 1895, on y adjoignit un cheptel de 2 vaches, 2 bêtes de trait et 40 porcs. Le rendement de ce cheptel fut assez décevant et l’école se débarrassa rapidement de ces animaux.

Pendant la guerre de 14/18 :
-71 anciens Normaliens furent tués à l’ennemi,
-39 Élèves Maîtres en cours d’étude tombèrent au champ d’honneur,
-12 sectionnaires ou EM indigènes périrent à l’ennemi,
-5 professeurs furent tués au combat.
De 1865 à 1885, le recrutement local posa des problèmes et il fut nécessaire d’avoir recours à des candidats métropolitains. La situation ensuite s’améliora mais ce n’est qu’à partir de 1923, que tous les candidats furent recrutés sur place.
Les difficultés de recrutement des élèves indigènes, amenèrent l’ouverture d’une section spéciale, destinée aux indigènes, et d’un niveau inférieur à l’enseignement européen. Cette situation perdura jusqu’en 1928, date à laquelle le concours d’entrée fut le même pour tous les élèves. Les cours suivis et les examens étaient également identiques.
L’École annexe de Mustapha comptait 50 élèves à l’ouverture en 1866. L’année suivante ses effectifs étaient doublés. Malheureusement, il n’y avait aucun indigène. Ce problème sera résolu à Bouzarea qui fonctionna avec une classe indigène, une classe mixte et deux classes européennes.
De l’ouverture de l’ École à juin 1937, c’est plus de quatre mille maîtres de l’enseignement public qui furent formés.
Pendant la seconde guerre mondiale, l’École fut un moment occupée par les Américains et en particulier par l’ État Major de l’Amiral HEWITT
C’est à Bouzarea que furent conçus les plans de débarquement en Sicile et en Provence. Après la guerre on trouvait dans les sous-sols de l’École des cartes de cette époque.
Pendant ces années de guerre, les enseignants et les élèves furent dispersés dans les établissements scolaires d'Alger et des environs. Les Normaliens impressionnèrent par leur connaissance et surtout leur capacité de travail.
Fin 1944, tout le monde réintégra Bouzarea, et jusqu'en 1962, l' École Normale continua sa mission première: la formation des enseignants. En 1959, il y avait 550 élèves dans les Écoles Normales d' Alger (garçons et filles)

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