LE CHAT NOIR DE SAINT-EUGENE
Au stade de Saint Eugène, derrière les buts, les architectes y z’avaient prévu de construire une tribune en dur. Seulement, y avait un hic car derrière le but y s’élevait une petite maisonnette qui appartenait, parait-il, à Boret, avant centre buteur de l’ASSE. Mon oncle, toujours y me racontait qu’il l’avait vu marquer un but qui avait transpercé les filets imitant en cela, De Villeneuve qui avait une sacrée réputation de bombardier.
Les travaux y z’avaient commencés et Boret il habitait plus la maison sans doute en raison de la poussière de tuf que les machines elles soulevaient. Dans ce petit logement, quelques chats y z’avaient élu domicile le week-end quand le calme il était revenu.
Un dimanche, le club local, l’ASSE y recevait le Red Star Algérois de Pierre Ponsetti, l’une des gloires du football Nord Africain et international français comme il y en eu tant. Comme d’habitude, Tonton Léon y m’emmenait au stade avec ses fils et la tonne de casse-croutes. (Je crois qu’on disait pas encore sandwiches ! A savoir !). Le stade, il était noir de monde quand on est arrivé tout excités comme des supporteurs de chez nous. Le match des réserves, il a débuté pendant les retrouvailles des uns et des autres, les mabouls qui préparaient leur attirail pour faire la bamboula, style crécelles et sifflets, les morfals y se tapaient leurs casse-croutes, des autres qui leur mettaient les yeux, des autres encore qui z’avaient pas emporté de quoi manger, enfin, c’était pareil tous les dimanches.
Quand le match des premières (c’est ainsi qu’on appelait les équipes phares) il a commencé, on s’est rendu compte qu’y fallait presque se cotiser pour acheter un maillot décent aux joueurs du Red Star. On s’est dit que leur maillot, y z’avait dû l’acheter au marché aux puces de Bab El Djidj. Plus vieux, plus délavé et plus raccommodé que ça, ya pas, ça existait pas. Peut-être qu’y voulaient prouver que c’était le maillot d’un club communiste ! Parce que Red Star pour ceux qui le savent pas, ça veut dire Etoile Rouge ! Nous, on s’en foutait comme de notre première chemise que ma mère elle avait repassée souâ-souâ. Et, le Red Star y marque pas le premier but à la stupéfaction générale !
On se fait pas trop de mauvais sang parce qu’on est sûr d’égaliser avant cinq minutes. L’ASSE, elle domine de la tête mais pas des épaules parce que Archimbaud, l’avant centre du Red Star y tape une olive à toute la défense des « rouge et blanc » et y marque le deuxième but. La consternation, j’vous dis pas ! Le temps de respirer et drop ninette, les « Etoilés » y plantent un troisième pion au gardien Saint Eugénois.
3 à 0, tain la tannée ! Le temps y défile sur notre désillusion. (Purée, le poète ! On se console comme on peut !). Tonton Léon y commence à quitter la tribune, dégouté de la vie. Nous z’autres, même plus on regarde le match, on va aller taper une bonne belote pour cacher la honte qui nous mange la figure. Les Gallistes, y vont en faire des gorges chaudes tellement y vont être contents que l’ASSE y se sont tapés une de ces tléras à s’en souvenir toute la saison.
C’est là, que le chat noir, il entre en jeu. Le chaton, comme un fait exprès, y sort de la maison et sur l’instant, Vuillet, l’ailier droit de Saint-Eugène y marque. Mon oncle y revit. « Illié !Illié ! Illié ! ».
Tonton Léon y remonte à sa place et, alors que le chat noir y se promène devant la maison, Vuillet y récidive ! Re illié 3 fois ! Les supporteurs de l’ASSE y reprennent des couleurs. Purée, c’est pas vrai, y sont déchainés les « rouge et blanc ».
Y reste dix minutes pour faire l’olive aux hommes de Ponsetti. Diehl, le goal y sort tout dé ! Les minutes, elles défilent et Tonton Léon y cherche le petit chat qui a de nouveau disparu. La poisse ! Vite, minet reviens ou sinon mon oncle y va attraper une attaque. Ya plus un spectateur qui regarde le match. Toutes les têtes, elles sont toutes tournées vers la maisonnette de Boret et pas de chaton à l’horizon. Mais, au moment où on veut tous se jeter au kassour, le p’tit chat noir y réapparait et Landel y reprend un centre de Constantin et il le met au fond des filets. AYA ZOUMBO ! L’ASSE elle a égalisé, on peut rentrer à la maison et on bénira les chats noirs jusqu’à la saint gliglin. Alors qu’on est hilares du bon tour qu’on a joué au Red Star, Serre de l’ASSE y marque le quatrième but. 4 à 3 c’est la folie qui s’empare du stade. L’arbitre monsieur Nieto y siffle la fin et comme pour narguer le grand monsieur qu’était Pierre Ponsetti, le petit chat noir, presqu’on lui demande de faire un tour d’honneur. Mieux que celui de Marcel Cerdan quand il a été champion du monde.
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