Pourquoi le prononcer, ce nom de la patrie ?
Dans son brillant exil mon cœur en a frémi ;
Il résonne de loin dans mon âme attendrie,
Comme les pas connus ou la voix d’un ami.
Sur des bords où les mers ont à peine un murmure,
J’ai vu des flots brillants l’onduleuse ceinture
Presser et relâcher dans l’azur de ses plis
De leurs caps dentelés les contours assouplis,
S’étendre dans le golfe en nappes de lumière,
Blanchir l’écueil fumant de gerbes de poussières.
Tout m’y parle une langue aux intimes accents,
Dont les mots, entendus dans l’âme et dans les sens,
Sont des bruits, des parfums, des foudres, des orages,
Des rochers, des torrents, et ces douces images,
Et ces vieux souvenirs dormant au fond de nous,
Qu’un site nous conserve et qu’il nous rend plus doux.
Là mon cœur en tout lieu se retrouve lui-même ;
Tout s’y souvient de moi, tout m’y connait, tout m’aime.
Mon œil trouve un ami dans tout cet horizon,
Chaque arbre a son histoire et chaque pierre un nom.
Ces lieux encore tout pleins des fastes de notre âme,
Sont aussi grands pour nous que ces champs du destin
Où naquit, où tomba quelqu’empire incertain :
Rien n’est vil ! rien n’est grand ! l’âme en est la mesure.
Un cœur palpite au nom de quelqu’un humble masure
La vie a dispersé, comme l’épi sur l’aire,
Loin du champ paternel les enfants et la mère,
Et ce foyer chéri ressemble aux nids déserts,
D’où l’hirondelle a fui pendant de longs hivers.
Là, sous des cieux connus, sous les collines sombres
Qui couvrir jadis mon berceau de leurs ombres,
Plus près du sol natal, de l’air et du soleil,
D’un sommeil plus léger j’attendrai le réveil.
Là ma cendre, mêlée à la terre qui m’aime,
Retrouvera la vie avant mon esprit même,
Verdira dans les prés, fleurira dans les fleurs ;
Boira des nuits d’été les parfums et les pleurs ;
Et, quand du jour sans soir la première étincelle
Viendra m’y réveiller pour l’aurore éternelle,
En ouvrant mes regards je reverrai des lieux
Adorés de mon cœur et connus de mes yeux,
Nos voix diront ensemble à ces lieux pleins de charmes
L’adieu, le seul adieu qui n’aura point de larmes !
Lamartine (Milly ou la terre natale)
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