Les Français prennent la ville en 1830 à Hussein, dey Turc, gouverneur de la Régence d'Alger pour le compte de l'Empire Ottoman de 1818 à 1830.
Cette entrée donc, allait ouvrir un formidable chapitre de l’Histoire de France, mais aussi de l’Histoire de la Méditerranée.
Très rapidement, l’atmosphère de l’ancienne ville pirate change du tout au tout, se substitue, non sans une certaine pagaille, un esprit que l’on peut qualifier de cosmopolite : que l’on en juge ! Aux autochtones évoquées, dont ceux qui avaient le plus à souffrir de la rudesse turque ont accueilli les soldats français en libérateurs se joignent ces soldats, en provenance de toutes les provinces ; s’y ajoutent très rapidement, pour les besoins de l’intendance et du génie militaire, mais aussi poussés par tous ces instincts puissants que suscite un Monde nouveau, jusqu’alors terrifiant et qui semble s’ouvrir à la vie des hommes d’Europe Continentale et du pourtour méditerranéen : négociants marseillais, ouvriers de toutes origines, notamment des Piémontais, des Sardes, des Allemands, des Suisses, des Mahonnais qui vont fonder les premiers villages, enfin, et parmi les premiers : des Maltais.
Plusieurs projets dessinent l’espace public, mettent en scène les espaces de représentation, instaurent une hiérarchie des voies en repensant la ville par fragments. Le manque d’argent amène l’État - qui donne les grandes orientations de la politique urbaine - et la Ville - qui contrôle l’espace public et la maîtrise de la forme urbaine - à utiliser leur domaine foncier pour faire construire l’Alger moderne par les fonds privés.
À partir de 1840, la ville sortant des limites des fortifications ottomanes et des logiques de défense, le Génie élabore en 1841 un projet d’ensemble de fortifications modernes. L’architecte Pierre Auguste Guiauchain rédige en 1845 un schéma général de voirie et d’alignements concernant les terrains à édifier à l’intérieur de la nouvelle enceinte. Il installe les nouveaux bâtiments publics, Hôtel de Ville, palais du Gouverneur, théâtre, palais de justice, hôtel des postes et du trésor... dans les meilleurs emplacements dominant la mer et prévoit une série de percées transversales destinées à faciliter la liaison entre les nouveaux quartiers du nord et du sud de la ville.
Ce plan qui sera publié en 1848 par Delaroche, esquisse les rampes et les escaliers destinés à relier les quais à la ville, quelques 15 mètres plus haut, de même que les liaisons avec la place du Gouvernement au sud.
Par étapes successives cette idée aboutira, en 1860, au projet de Frédéric Chassériau, architecte de la ville, qui dessine l’ensemble de la structure soutenant le boulevard et les rampes entre les quais et la ville. Il prend le nom de boulevard de l’Impératrice en honneur de l’épouse de Napoléon III qui l’inaugure en 1865 (avant son achèvement) et accueille, au fil du temps, d’importants édifices publics : la Préfecture, le Palais des Assemblées, le Casino, l’Hôtel de ville...
C’est sous le Second Empire qu’Alger prendra définitivement l’empreinte d’une ville française, même si les projets de Viollet-le-Duc à la gloire de l’Empereur ne sont pas réalisés.
La création du port et du boulevard de l’Impératrice, alliant infrastructures et composition monumentale, aboutit à la création d’un paysage urbain dont l’empreinte unique aura une grande influence sur les projets et aménagements du XXe siècle. Les grands édifices publics se succéderont sur le front de mer, avec la Préfecture et le palais consulaire d’Henri Petit, le palais des Assemblées de Gabriel Darbéda, les sièges de la Banque de l’Algérie de Gustave Umbdenstock, et au moment du Centenaire, le casino/hôtel Aletti de Bluysen et Richard, et l’Hôtel de Ville des frères Niermans. Deux gares maritimes sont construites dans le port, par Petit en 1929 ), et par Urbain Cassan, Pierre Renaud et l’entreprise Perret en 1948. Le quartier d’Isly abritera aussi des édifices devenus mythiques pour certains, dont le Bon Marché et son Milk Bar et les Galeries de France (tous deux de Petit), sont les plus importants.
Les hauts d’Alger
Le dispositif d’une ville de corniches et de vallées, tournée vers la mer, variée et aérée à l’image de Naples, se construit par touches successives.
Programmes religieux et grandes institutions culturelles s’installent sur les hauteurs, dans un paysage de plateaux arborés, qu’envahit un tissu plus bas de villas. Le contraste qu’offre cette collection diversifiée d’édifices ne parvient pas totalement à nier l’harmonie du site d’Alger.
Les hauts d’Alger étaient d’abord occupés, principalement, par les maisons de campagne (fahs) des dignitaires algérois, durant la période précoloniale. C’est un réseau de grandes demeures dont le plan est souvent proche de celui de la maison urbaine, mais dont les espaces s’ouvrent plus nettement sur de grands jardins et sur les paysages de la baie. Après les premières occupations du milieu du XIXe siècle, une grande part de ces maisons a servi à la promotion de l’activité touristique et de l’hivernage, notamment pour les clients anglais, alors que certains palais étaient considérablement remaniés pour accueillir des institutions ou administrations (Palais d’été, musée du Bardo, villa Abd el-Tif, orphelinat Saint-Vincent de Paul, pensionnat de jeunes femmes qui deviendra l’hôtel Saint-George...).
Certains architectes se spécialisent dans cette activité de réhabilitation/reconversion des demeures ottomanes ainsi que dans la construction de demeures de style néo-mauresque, tel Georges Guiauchain, ou le disciple traducteur anglais de Viollet-le-Duc, Benjamin Bucknall, associé aux entrepreneurs de la commune d’El-Biar, les Vidal.
Jusqu’aux années 1920, ce réseau continuera à occuper les sites des hauts d’Alger, dont l’infrastructure sera adaptée à ses nouvelles fonctions comme en témoigne la reconversion de l’aqueduc du Télemly en boulevard. Des édifices religieux ponctuent certains sommets, comme Notre-Dame d’Afrique, le séminaire de Kouba, ou l’église anglicane qui occupe le site initial de la Grande Poste, alors que certains villages se constituent autour des carrefours de la périphérie comme à El-Biar, Kouba ou Birmandreïs.
Avec la croissance démographique et le fort développement de la construction de l’entre-deux guerres, les hauts d’Alger deviennent un terrain d’extension important de la ville qui s’adapte à une topographie difficile par les moyens les plus divers.
Tout en élaborant le plan régional d’Alger, l’urbaniste Henri Prost, fort de son expérience d’aménagement de la côte varoise, étudie les moyens par lesquels les potentialités du site exceptionnel de la baie peuvent être utilisées et sauvegardées avec son extension. Tony Socard propose un système de parcs qui libèrerait toutes les pentes boisées pour concentrer les constructions sur les hauteurs du Sahel. D’autres architectes participent à cette réflexion, notamment Le Corbusier qui propose l’immeuble Ponsich et l’immeuble viaduc qui seront réinterprétés par Louis Miquel, Pierre Marie ou Tombarel. Ces idées seront également reprises par Paul Guion dans une étude d’immeubles au Parc Malglaive qui inspirera l’Aérohabitat de Miquel et Bourlier.
Sur les hauteurs du boulevard Laferrière, le parc des sports et la bibliothèque nationale de Tombarel sont, surmontés de la caserne des gardes mobiles (qui deviendra ministère de la Défense en 1962), auxquels s’ajouteront plus tard, l’Institut d’études nucléaires de Michel Luyckx, bien intégré dans la pente, puis l’hôtel Aurassi qui bloquera la perspective dans les années 1960. Le boulevard du Télemly dont certaines boucles sont régularisées par des viaducs habitables accueillera l’immeuble administratif de l’EGA de Christofle, le Foyer universitaire de Bienvenu, l’Aérohabitat, le Centre d’accueil Icosium (actuel Institut Goethe) de l’ingénieur Celles et des frères Perret, et l’École des Beaux-arts de Claro et Darbéda. Plus loin, le boulevard Bru, théâtre des expériences corbuséennes, servira à la construction de la Maison de la Radio et de la Télévision de Tournon, Joly et Claro, alors qu’à son extrémité sud Pouillon implante la cité Diar el-Mahçoul qui domine le Hamma.
Des grands ensembles aux grands équipements
La politique du logement d’après 1945, qu’accélère pendant la guerre d’indépendance le plan de Constantine (1960), transforme la physionomie de la périphérie d’Alger, dont la densité était restée faible et le paysage parfois intact. Le pouvoir met en place une nouvelle politique urbaine définie par le Plan Régional d’urbanisme et après 1954 par l’action de l’Agence du Plan. Un horizon de grands immeubles se constitue ainsi, dans lequel les idées de Le Corbusier sont reprises sous la forme héroïque de l’Aérohabitat ou sous celle des ponts construits, ou encore sous celle des maisons à voûtes de Roland Simounet dévalant les pentes.
Les opérations conduites par Zehrfuss, Miquel ou Pouillon marquent une nouvelle étape dans l’aménagement du site d’Alger et aboutissent, pour certaines, à la création d’espaces urbains attachants. S’ils offrent un confort intérieur certain, les immeubles de Zehrfuss et Sebag au Champ de manœuvres, conçus en 1952, constituent une rupture dans l’échelle de l’espace urbain, heureusement absorbée par la disponibilité d’espace, alors que les opérations de Pouillon (Diar el-Mahçoul, Diar es-Saada, Climat de France) s’attachent, à l’inverse, à contrôler la qualité de leurs espaces extérieurs.
C’est à partir de 1948 que les premières opérations de grands ensembles sont planifiées par les services d’urbanisme de Maisonseul et Wattez, à El-Harrach et aux Annassers, seule cette dernière étant poursuivie. Reprise par l’Agence du Plan en 1955, elle connaîtra un début de réalisation avant d’être détournée de ses objectifs de quartier satellite urbain par le Plan de Constantine. Pour rattraper le retard en matière de logement des populations « musulmanes », les opérations de grands ensembles construits selon le principe de la rentabilité maximale se multiplieront dans tous les quartiers périphériques, de Ben Aknoun à El-Harrach, Hussein-Dey ou Birmandreis, ponctuant le paysage de barres dont beaucoup resteront inachevées à l’indépendance.
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