Louis Gardel, auteur notamment du « Fort Saganne », nous replonge dans son adolescence, en Algérie, à l’aube des « événements » qui deviendront une "guerre".
Né à Alger en 1939, il voit les premières fissures et les premières haines s’installer dans cette société. Une société dans laquelle il est intégré et qu'il pense unie. De ses yeux de jeune homme de 15 ans il ne peut et ne veut prendre partie, pour une Algérie française. Seulement en ces temps, l’entre deux n’est pas tolérable et il sera taxé alternativement de colonialiste ou de gauchiste, sans jamais pencher véirtablement pour un camp. Il hait simplement la violence.
Mais « La baie d’Alger » c’est aussi la fin de l’adolescence pour le narrateur avec ses doutes, ses découvertes, l’approche des femmes, de la sexualité, de la littérature ... Il apprend beaucoup auprès de sa grand-mère, Zoé, qui l’élève puisque ses parents sont en métropole. Une grand-mère haute en couleur, généreuse et profondément humaine qui aime la vie et sa ville. Car malgré le départ inévitable, ce pays est en eux, comme si « la géographie résisteait à l’histoire ».
Le narrateur est né en Algérie quand elle était française. Il sort de l’adolescence alors que la guerre d’indépendance commence. Un soir, davant la baie d’Alger, il est traversé par la certitude que l’univers où il a grandi est condamné à disparaître. Mais, à quinze ans, la lucidité est une vertu encombrante. Il préfère les élans de son âge. tenter de séduire les filles. Discuter avec Solal, camarade de classe et frère d’élection. S’enflammer pour Proust grâce à un éblouissant professeur qui mène, hors du lycée, de mystérieuses activités. Pêcher avec Bouarab sur la plage de Surcouf. Découvrir que les gens ne sont jamais ce qu’on croit qu’ils sont. Cependant, la violence des événements s’accélère. Comment résister ? Dans cet apprentissage, Zoé, sa grand-mère, l’accompagne. Généreuse, elle reste aussi proche du président Steiger, le meneur des colons, que du garçon arabe avec qui elle partage son café du matin. Elle avance, avec sa force de vie, sans gémir sur le paradis perdu."
C'est aujourd'hui seulement qu'il évoque son adolescence dans une ville qu'il n'a jamais réussi à oublier. Ce roman autobiographique ressuscite les murs éclatants de blancheur, le soleil glorieux, les parfums entêtants du Sud. Pause sur le présent. ‘La baie d’Alger » de Louis Gardel, entre dans un passé que je n’ai pas connu, un Alger que mes parents et grand parents m’ont conté avec nostalgie, amertume et douleur. Quelque chose du paradis, un coin de soleil et de fraicheur, une mer et des plages magnifiques, une ville à taille humaine, des soirées au bord de l’eau, des relations simples entre les communautés, des gouts et des saveurs, des ballades à cheval dans les forêts de pins, des pique-niques au bord de l’eau. Un coin de paradis sur la côte nord de l’Afrique. La guerre n’est pas le propos de ce livre magnifique qui ajoute une couche de douleur au syndrome du pied noir par des souvenirs enfin contés. Il y a le ciel bleu, l’adolescence, l’énergie, les envies de justice et de pureté, l’ignorance de l’existence des autres. L’ignorance et l’envie de continuer de vivre sa vie douce et caressante sans en savoir plus, sans comprendre ce qui pourrait tout détruire, dans son petit monde; ce qui a tout détruit. Sans avoir le temps de se retourner. Il est déjà si tard.
Il y a ceux qui sont lésés depuis le début, qui se battent et se débattent pour récupérer un peu de vie et de bonheur; et il y a ceux qui avaient la vie et le bonheur, la ville et la baie, et qui, du jour au lendemain, ne peuvent plus ni en jouir, ni même la partager.
Il y a cette tournure radicale : la baie d’Alger, c’est blanc, ou c’est noir; et c’est un coup de pied au cul pour trop de monde depuis trop longtemps.
Alger idéale, où tout le monde vit ensemble, dans le respect des uns et des autres, profitant tous de cet air frais, de ce soleil de plomb et de l’air de la mer : quelle belle utopie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire