mercredi 24 février 2010

REINETTE L'ORANAISE


Sultana Daoud alias Reinette l’Oranaise est une chanteuse et une compositrice française d'Algérie, née en 1915 à Tiaret (Algérie) et décédée le 17 novembre 1998 à Paris. Elle fut pendant plus d'un demi-siècle une digne représentante du folklore oranais, du chaâbi et l'auteur de compositions constamment réactualisées. Sa force de travail, son talent, son œuvre originale et sa bonne humeur l'ont menée à se faire apprécier, au-delà du public juif et arabophone, et fait redécouvrir en France les beautés de la musique arabo-andalouse.

Née à Tiaret, dont le père est un rabbin d'origine marocaine et d'une famille de nationalité française depuis le décret Crémieux (1870). Atteinte de cécité à l'âge de deux ans, à la suite d'une variole mal guérie Reinette fréquente l'école des aveugles d'Alger et apprend le braille et le cannage des chaises. Mais sa mère refuse qu'elle continue à exécuter ce travail qu'elle juge ingrat et qui lui abîmait les doigts. Elle intervient alors auprès de Messaoud Médioni dit Saoud l'Oranais, un juif séfarade et chanteur violoniste virtuose du style hawzi qui tenait un café à Oran, – qui était le rendez-vous de tous les mélomanes, les musiciens, les paroliers et les vedettes locales (les théâtres étaient sous contrôle des autorités et interdisaient à cette époque toute expression algérienne) – pour que le maestro initie Reinette à l'éveil de la musique arabo andalouse et l'accueille chez lui et la surnomme Reinette.
Il en sort quelque temps plus tard un 78 tours, que plus tard Reinette ose à peine écouter à cause des fautes de diction. Elle intègre l'orchestre du maestro, tout en se familiarisant avec les instruments de musique. Après la darbouka, elle s'initie au mandole puis à l'oud pour s'accompagner au chant et se constituer un riche répertoire de textes et de composer des mélodies puisées dans la tradition musicale oranaise. En 1938, Saoud Médioni émigre en France pour monter un café musical à Paris. La vie de ce dernier se termine en déportation sous la barbarie des nazis. À l'âge de 26 ans elle débute une carrière fulgurante. Elle réalise des prestations bi-hebdomadaires à Radio-Alger qui diffusait les meilleurs artistes du chaâbi algérois et du répertoire andalou et elle devient une chanteuse réputée.

Elle est accompagnée de musiciens tels que le virtuose Mustapha Skandrani au piano, Alilou à la darbouka, Abdelghani Belkaïd au violon, elle interprète avec les plus grandes voix de la chanson populaire et de la musique savante du Maghreb : Fadela Dziria, Meriem Fekkaï, Alice Fitoussi, Zohra El-Fassia, Abdelkrim Dali, Dahmane Ben Achour. Reinette l’Oranaise accompagne le maître du chaâbi, Hadj El Anka. Reinette continue à exercer son art musical à l'occasion de fêtes juives et musulmanes, mariages, circoncisions, anniversaires. Comme juive séfarade, elle sera même autorisée à chanter dans un orchestre d'hommes. Son nouveau maître de chant le cheikh Abderrahmane Belhocine lui donne des cours d'arabe classique et lui fait travailler la diction.
Oubli avant une reconnaissance tardive.
Comme la plupart des Juifs d'Algérie (plus de cent mille), Reinette quitte l'Algérie en 1962, commence alors pour elle une longue période de repli, quasi d'oubli et de grande solitude. En 1985, Reinette à l'approche de ses 70 ans ne songe plus qu'à cultiver ses souvenirs. Il faudra toute la ténacité d'un animateur de Radio-Beur à Paris et de l'appui d'une génération de mélomanes français la sollicitant pour la convaincre de remonter sur scène. En 1995, Reinette l’Oranaise vit en banlieue parisienne, aux côtés de son époux, Georges Layani, un percussionniste. Elle est alors couronnée par l'Académie Charles Cros et est reconnue par les Algériens de la tradition du style hawzi. Devenue une légende de la chanson judéo-arabe, sa voix s'éteint à Paris, le 17 novembre 1998 à l'âge de 83 ans. Son corps est inhumé au cimetière israélite de Pantin.

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