A LIRE ET A RELIRE
Un être humain, voyez-vous, est une bien petite chose, perdue dans l'humanité. Un individu, pour vivre heureux, a besoin de s'accrocher à des êtres semblables à lui. C'est bien pourquoi il existe la famille et la patrie. Certes, le monde de notre planète est peuplé de frères, mais j'avoue qu'un Lapon me semble un parent bien lointain. Je me sens Européen par raison, et parce que je souhaite l'abolition des guerres...
Un être humain, voyez-vous, est une bien petite chose, perdue dans l'humanité. Un individu, pour vivre heureux, a besoin de s'accrocher à des êtres semblables à lui. C'est bien pourquoi il existe la famille et la patrie. Certes, le monde de notre planète est peuplé de frères, mais j'avoue qu'un Lapon me semble un parent bien lointain. Je me sens Européen par raison, et parce que je souhaite l'abolition des guerres...
Mais... Mais comment se fait-il que d'incontestables Français ne vibrent profondément qu'en retrouvant un Breton s'ils sont de Quimper, un Corse s'ils sont d'Ajaccio, un Lillois s'ils sont du Nord, ou un Bordelais s'ils sont nés en Guyenne ?
C'est qu'on est bien à l'aise qu'avec des gens ayant les mêmes habitudes que soi, s'éclairant au même soleil, buvant les mêmes boissons, et se nourrissant des mêmes cuisines. Vous voyez peut-être où je veux en venir...
Pauvres Français d'Algérie, cruellement arrachés à la province natale bâtie par leurs ancêtres, et dans laquelle ils ne retourneront jamais, parce que tout ce qu'ils y avaient édifié s'est écroulé le jour de leur départ !
Je souris - tristement - en me souvenant de ces associations qui pullulaient en Algérie : " Les Corses d'Oran ", " Les Parisiens d'Alger ", " Les Gascons de Constantine " ! C'était un jeu charmant, prétexte à réunions joyeuses, à sauteries et à banquets... Ah ! comme on était fier de se réclamer de Paname, de Toulouse ou de Bastia !
Ils ne se doutaient guère, alors, ces Parisiens, ces Corses, ces Gascons, que rejetés brusquement dans la métropole de leurs ancêtres, ils s'y sentiraient presque étrangers parce qu'ils étaient avant tout des Français Pieds-Noirs.
Aujourd'hui; ils cherchent fébrilement à retrouver leurs compatriotes et l'on ne serait pas surpris de voir éclore à l'inverse d'autrefois des sociétés appelées " Les Oranais de Nice ", " Les Constantinois de Strasbourg ", ou " Les Algérois de Paris " !
Aujourd'hui; ils cherchent fébrilement à retrouver leurs compatriotes et l'on ne serait pas surpris de voir éclore à l'inverse d'autrefois des sociétés appelées " Les Oranais de Nice ", " Les Constantinois de Strasbourg ", ou " Les Algérois de Paris " !
Ces associations d'ailleurs exîstent dans une forme plus large. Et puis il y a les cafés pieds-noirs, les restaurants pieds-noirs où des petits centres se forment, des groupes d'habitués se constituent. J'y vais souvent boire l'anisette ou manger un plat de chez-nous-zotres.
L'odeur d'anis me transporte miraculeusement rue d'Isly, boulevard d'Alsace-Lorraine ou place de la Brèche... Les accents me font chaud à l'oreille et au coeur... Ah ! elle se retrouve bien là, notre Algérie, car les Pieds-Noirs l'ont emportée tout entière ! De l'autre côté de la mer, je crains qu'il n'en reste qu'un misérable cadavre.
Ce qui est touchant c'est que ces petits clubs pieds-noirs ne sont point fermés. Des métropolitains s'y agglomèrent, charmés par une atmosphère qu'ils découvrent... un peu tard, hélas ! Le couscous, à peu près inconnu à Paris il y a vingt ans, est devenu plat à la mode. Après CENT TRENTE ANNEES de labeur, c'est tout ce qui nous reste de l'Algérie. Au moins, profitons-en !
Ce qui est touchant c'est que ces petits clubs pieds-noirs ne sont point fermés. Des métropolitains s'y agglomèrent, charmés par une atmosphère qu'ils découvrent... un peu tard, hélas ! Le couscous, à peu près inconnu à Paris il y a vingt ans, est devenu plat à la mode. Après CENT TRENTE ANNEES de labeur, c'est tout ce qui nous reste de l'Algérie. Au moins, profitons-en !
Ils ont du reste bon appétit, les Rapatriés, comme ils ont bonne santé et bon courage. Oserai-je ajouter : bonne gaieté ?
Jamais on ne rendra assez grand hommage à la manière dont ils ont fait leur rétablissement. Imaginez seulement, Monsieur Dupont (de Neuilly), Monsieur Durand (de Grenoble), Monsieur Duval (de Rennes), qu'un beau matin on vous annonce : votre boutique n'est plus à vous ; votre cinéma est nationalisé ; votre terre ne vous appartient plus. Imaginez qu'après cela on vous rende la vie tellement impossible à Rennes, à Grenoble, à Neuilly, que vous soyez contraint de partir en abandonnant tout ce que vous avez gagné, tout ce qui vous était cher, tout ce qui constituait votre vie...
Jamais on ne rendra assez grand hommage à la manière dont ils ont fait leur rétablissement. Imaginez seulement, Monsieur Dupont (de Neuilly), Monsieur Durand (de Grenoble), Monsieur Duval (de Rennes), qu'un beau matin on vous annonce : votre boutique n'est plus à vous ; votre cinéma est nationalisé ; votre terre ne vous appartient plus. Imaginez qu'après cela on vous rende la vie tellement impossible à Rennes, à Grenoble, à Neuilly, que vous soyez contraint de partir en abandonnant tout ce que vous avez gagné, tout ce qui vous était cher, tout ce qui constituait votre vie...
Que feriez-vous alors, Messieurs Dupont, Durand et Duval ? Vous suiciderez-vous ou trépasseriez-vous de chagrin ? Peut-être trouveriez-vous au fond de votre âme une énergie du désespoir qui vous permettrait. de reprendre la vie à zéro.
C'est cela que les Pieds-Noirs ont fait. Seule solution noble, sans doute, mais courage devant lequel ceux qui n'ont jamais quitté leurs pantoufles doivent s'incliner avec beaucoup de respect.
Les mois ont passé. Des enfants de Cagayous sont déjà nés sur le sol métropolitain, et bientôt Bab-El-Oued ne sera pour cette génération qu'une vieille légende. Leurs parents leur parleront d'Alger comme jadis les premiers colons alsaciens parlaient de Colmar à leurs rejetons de la Mitidja. Mais la famille pieds-noirs demeurera longtemps unie, malgré sa maison détruite. C'est avec émotion que je vous le présente, puisqu'on m'a fait l'honneur de m'en charger.
Les mois ont passé. Des enfants de Cagayous sont déjà nés sur le sol métropolitain, et bientôt Bab-El-Oued ne sera pour cette génération qu'une vieille légende. Leurs parents leur parleront d'Alger comme jadis les premiers colons alsaciens parlaient de Colmar à leurs rejetons de la Mitidja. Mais la famille pieds-noirs demeurera longtemps unie, malgré sa maison détruite. C'est avec émotion que je vous le présente, puisqu'on m'a fait l'honneur de m'en charger.
A chaque ligne correspond un coeur qui bat sur la terre de France. Et tous ces coeurs réunis forment le grand coeur fidèle de notre Algérie bien-aimée.
FELLAGHA
Quand ma pensée s'en va vers l'Afrique du NordJe me sens tout à coup bourrelé de remords.Que l'Algérie soit une province françaiseC'est évident bien sûr... bien qu'à tous ça ne plaise.Que des hommes aient fait, d'un bled qui n'était rienCe beau pays algérien,Nul ne peut dire le contraire...Ces gens-là étaient nos grand-pères.Seulement, ces temps-ci, il faut compter là-basAvec un mécontent... un certain fellagha.Et, petit fellagha, c'est à toi que je pense,En voyant ta rancune à l'égard de la FranceJ'ai beaucoup réfléchi, et ma méditationMe décide à venir te demander pardon.Oui, pardon fellagha, pardon pour mon grand-père
Qui vint tracer la route et labourer la terre.Il est tombé chez toi et a tout chamboulé :Où poussaient des cailloux, il a foutu du blé,Et mettant après ça le comble dans l'ignoble,Où poussaient des cactus il a fait un vignoble!Pardon cher petit fellagha.Oh pardon, pour tous ses dégâts.
Et mon affreux grand-père, il faut qu'on le confesse,N'était pas seul de son espèce.Ces autres scélérats ont bâti des cités.Par surcroît de férocitéIls y ont installé l'eau, l'électricitéEt tu n'en voulais pas, c'est la claire évidence,Puisqu'avant qu'arrive la FranceTu n'avais, en dehors de la casbah d'Alger,Que la tente ou bien le gourbi pour te loger,
Et que tu t'éclairais à l'huile.Nos maisons, mais bien sûr, pour toi c'était la tuileEt l'électricité, là encor, soyons francs,Tu ne demandais pas qu'on te mette au courant.Tu t'es habitué à ces choses infâmes,Mais à regret, la mort dans l'âme...Stoïquement d'ailleurs ; supportant ces malheurs,Avec courage et bonne humeur.Même tu engraissais, mais de mauvaise graisse,Car tu prenais le car : une invention traîtresse...Ce même car que, pris d'un délire divinTu devais, un beau jour pousser dans les ravins.
Je comprends ta rancœur, je comprends ta colère.Tu n'es pas au niveau des Arabes du Caire ;Tu gagnes et vis mieux qu'un fellah égyptien !A quoi Nasser ?... Nasser à rien.Nous avons massacré tes lions, tes panthères,Nous avons asséché tes marais millénaires,Les moustiques sont morts... les poux... de profundis !Nous avons tout tué, jusqu'à la syphilis.Ah ! pardon fellagha, pour de pareils carnages.Nous avons fait tout ça... C'est bougrement dommage.
Car si d'autres Idiots l'avaient fait, inspirés,C'est nous qui, maintenant viendrions " libérer "Et bouffer les marrons cuits par ces imbéciles.Ç'aurait été moins long... et beaucoup plus facile.
Bien pardon, fellagha, de t'avoir mieux nourri ;De t'avoir vacciné pour le béribéri,Et d'avoir, à tes pieds nus, mis, ô maladresse,Ces souliers... dont tu voudrais nous botter les fesses
Quand ma pensée s'en va vers l'Afrique du NordJe me sens tout à coup bourrelé de remords.Que l'Algérie soit une province françaiseC'est évident bien sûr... bien qu'à tous ça ne plaise.Que des hommes aient fait, d'un bled qui n'était rienCe beau pays algérien,Nul ne peut dire le contraire...Ces gens-là étaient nos grand-pères.Seulement, ces temps-ci, il faut compter là-basAvec un mécontent... un certain fellagha.Et, petit fellagha, c'est à toi que je pense,En voyant ta rancune à l'égard de la FranceJ'ai beaucoup réfléchi, et ma méditationMe décide à venir te demander pardon.Oui, pardon fellagha, pardon pour mon grand-père
Qui vint tracer la route et labourer la terre.Il est tombé chez toi et a tout chamboulé :Où poussaient des cailloux, il a foutu du blé,Et mettant après ça le comble dans l'ignoble,Où poussaient des cactus il a fait un vignoble!Pardon cher petit fellagha.Oh pardon, pour tous ses dégâts.
Et mon affreux grand-père, il faut qu'on le confesse,N'était pas seul de son espèce.Ces autres scélérats ont bâti des cités.Par surcroît de férocitéIls y ont installé l'eau, l'électricitéEt tu n'en voulais pas, c'est la claire évidence,Puisqu'avant qu'arrive la FranceTu n'avais, en dehors de la casbah d'Alger,Que la tente ou bien le gourbi pour te loger,
Et que tu t'éclairais à l'huile.Nos maisons, mais bien sûr, pour toi c'était la tuileEt l'électricité, là encor, soyons francs,Tu ne demandais pas qu'on te mette au courant.Tu t'es habitué à ces choses infâmes,Mais à regret, la mort dans l'âme...Stoïquement d'ailleurs ; supportant ces malheurs,Avec courage et bonne humeur.Même tu engraissais, mais de mauvaise graisse,Car tu prenais le car : une invention traîtresse...Ce même car que, pris d'un délire divinTu devais, un beau jour pousser dans les ravins.
Je comprends ta rancœur, je comprends ta colère.Tu n'es pas au niveau des Arabes du Caire ;Tu gagnes et vis mieux qu'un fellah égyptien !A quoi Nasser ?... Nasser à rien.Nous avons massacré tes lions, tes panthères,Nous avons asséché tes marais millénaires,Les moustiques sont morts... les poux... de profundis !Nous avons tout tué, jusqu'à la syphilis.Ah ! pardon fellagha, pour de pareils carnages.Nous avons fait tout ça... C'est bougrement dommage.
Car si d'autres Idiots l'avaient fait, inspirés,C'est nous qui, maintenant viendrions " libérer "Et bouffer les marrons cuits par ces imbéciles.Ç'aurait été moins long... et beaucoup plus facile.
Bien pardon, fellagha, de t'avoir mieux nourri ;De t'avoir vacciné pour le béribéri,Et d'avoir, à tes pieds nus, mis, ô maladresse,Ces souliers... dont tu voudrais nous botter les fesses
Cher compatriote,
RépondreSupprimerje découvre votre blog. Rien à redire: BRAVO.
J'aimerais enregistrer vos textes; le pourrais-je?
regisguillem@hotmail.fr
CELA ME RAPPELLE DES SOUVENIRS D'ENFANCE SUR RADIO ALGER
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