dimanche 1 novembre 2009

LE MARECHAL ALPHONSE JUIN


Alphonse Juin, né le 16 décembre 1888 à Bône ( Algérie), mort le 27 janvier 1967 à Paris, était un Français d'Algérie. L'un des grands chefs de l'armée de libération en 1943-1944, c'est le dernier général de la Seconde Guerre mondiale à avoir été élevé à la dignité de maréchal de France de son vivant
Issu d'une famille modeste (fils de gendarme), française d'Algérie, il sort major de la promotion de Fez de
Saint-Cyr en 1912 dans la même promotion que le général de Gaulle. Juin sera d'ailleurs le seul personnage à tutoyer De Gaulle quand ce dernier aura atteint un rang de chef d'Etat.
Pendant la
Première Guerre mondiale, Alphonse Juin se bat au Maroc jusqu'en 1914, puis sur le front français à la tête des tabors marocains. Grièvement blessé en Champagne en 1915, il perd définitivement l'usage de son bras droit. Il reste huit mois a l'hôpital, avant de retrouver le front comme capitaine. En 1921, il obtient de si bons résultats à l'École de guerre qu'il est maintenu comme professeur stagiaire. Il sert ensuite de nouveau en Afrique du Nord sous les ordres du maréchal Lyautey.
La Seconde Guerre mondiale
Nommé général de brigade en 1938, il reçoit à la mobilisation le commandement de la 15e division d’infanterie motorisée : couvrant la retraite sur Dunkerque, cette unité est encerclée dans la poche de Lille et combat avec le groupement du général Molinié jusqu'à l'épuisement de ses munitions. Juin est fait prisonnier et interné à la forteresse de Königstein où il participe au groupe d'études consacré aux questions économiques et sociales.
L'armée de Vichy
À la suite des accords de Paris (Voir l'article
Régime de Vichy) négociés par Darlan avec l'Allemagne, il est libéré le 15 juin 1941 sur la demande du gouvernement de Vichy comme d'autres officiers réputés pour leur connaissance de l'Afrique[3]. Juin est donc intégré à l'Armée de Vichy et nommé commandant en chef des forces d'Afrique du Nord où il remplace le général Weygand dans ses fonctions militaires, mais non dans toutes ses fonctions de proconsul.
Le
20 décembre 1941, avec le ministre Fernand de Brinon, il est convoqué à Berlin par Göring. L'historien Robert Paxton parle de cette rencontre comme d'un dialogue de sourds. Göring demande que les Français explicitent « clairement leur intention » de laisser l'Axe utiliser la base de Bizerte en Tunisie et accordent à Rommel, alors en campagne en Libye, « une liberté de mouvement de nature à lui faciliter la poursuite des combats, peut-être avec les Français à ses côtés ». Juin insiste pour que les Allemands autorisent les troupes françaises à renforcer leur armement en Afrique pour mieux défendre l'Empire français, particulièrement au sud de la Tunisie. Juin promet que les forces de Rommel ne seront pas retenues le long de la frontière tunisienne. En fin de compte, Göring, loin d'être satisfait indique que les demandes françaises d'augmenter l'armement de l'Armée d'Afrique resteront conditionnées à la satisfaction des demandes allemandes en Tunisie.
Juin a signifié à son ministre de la guerre
Bridoux qu'il « ne souhaite pas entrer dans la voie vers laquelle tendent les Allemands des commissions d'Afrique du Nord et qui pourraient mener la France à la collaboration militaire ». En Algérie, personne ne doute que dans son for intérieur, Juin n'admet pas l'occupation de la Métropole par les Allemands et qu'il voudrait éviter un tel destin à l'Empire. Le consul américain à Casablanca est informé de ces probables sentiments de Juin. On lui dit que Juin « ne tiendrait probablement pas sa parole » si les Allemands envahissaient l'Afrique du Nord.
Ainsi, lorsque le
8 novembre 1942, l'ensemble des officiers de l'Armée d'Afrique sont surpris par le débarquement allié en Afrique du Nord, Alphonse Juin est tiraillé entre ses sentiments anti-allemands et son sens de la discipline vis-à-vis des autorités de Vichy. N'a-t-il pas également déclaré à Bridoux en juillet 1942, que ses troupes « feraient loyalement leur devoir contre tout agresseur, quel qu'il soit. » ? Par l'intermédiaire de son subordonné le commandant Dorange, Juin, qui ne se doute pas qu'un débarquement américain est imminent, est rentré en contact avec le consul américain d'Alger Robert Murphy pour demander comment, en cas d'agression allemande, les États-Unis réagiraient à une demande d'aide massive de la part de la France. À cette occasion, il avertit également Murphy qu'il donnerait l'ordre à ses troupes de résister si les États-Unis attaquaient en premier, sans provocation allemande.
Les premières nouvelles du débarquement atteignent Juin dans les premières heures du 8 novembre, peu après minuit, lorsque les hommes du
général Mast, un de ses subordonnés impliqué dans les préparatifs de l'opération avec les Américains, prennent le contrôle des points forts de la ville. Sa résidence est encerclée par un groupe de jeunes lycéens commandés par l'aspirant de réserve Pauphilet, agissant avec un groupe de 400 résistants mal armés.

Juin, destinataire d'une lettre de Roosevelt lui demandant d'accueillir les troupes alliées en amies, rejette cette demande présentée par le consul Murphy, et se retranche derrière l'autorité de l'amiral Darlan, ancien vice-président du Conseil resté commandant en chef des forces militaires et qui est présent à Alger. Libéré au matin par la garde mobile, il organise la reconquête de la ville contre les résistants, mais, convaincu que la partie est jouée, ne fait rien ou ne peut rien faire pour rejeter les alliés. À 17 h 30, il signe avec l'accord de Darlan, une suspension d'armes limitée à la place d'Alger, où l'on dénombre 13 morts français[8].
Juin et Darlan doivent décider quels ordres ils donnent aux troupes placées sous les ordres de Juin. Le même 8 novembre
1942, en effet, à Oran et au Maroc, les généraux Boisseau et Noguès subordonnés de Juin, qui n'ont pas été neutralisés comme à Alger, accueillent les alliés à coups de canon. Pour les observateurs américains, Juin semble désireux d'aider les Alliés, mais il est tenu d'obéir à son supérieur. Il ordonne aux forces françaises de maintenir « un contact élastique, sans agressivité ». Dans l'après-midi du 8 novembre, à 17 h 35, Darlan décharge Juin de son autorité en-dehors de la région d'Alger et charge Noguès de la défense du Maroc et le général Barré de la défense de la Tunisie .Juin rend compte à Paris qu'il « s'efforcera d'exécuter les ordres du maréchal, mais qu'étant entre les mains des Américains, il ne peut que laisser l'entière initiative aux commandants des théâtres est et ouest ». Le 11 novembre, après avoir appris, vers midi, l'invasion de la zone libre par les Allemands, il fait savoir à ses subordonnés que « dès réception du présent message, la position de neutralité vis-à-vis de l'Axe cesse.
La reprise des combats contre l'Allemagne
Juin donne enfin, le 14 novembre, l'ordre à l'armée de Tunisie repliée sur la frontière algérienne, de faire face aux Allemands, mais son chef, le général Barré, attend jusqu'au 18 novembre pour reprendre le combat. L'armée de Tunisie renforcée par des éléments alliés allait alors se battre très courageusement, mais le coût humain des six mois de guerre nécessités ensuite pour reconquérir la Régence qui n'avait pas été défendue allait être très élevé.
Juin, sous l'autorité de
Darlan, autoproclamé Haut commissaire de France en Afrique, puis du général Giraud[10], se rallie enfin aux Anglo-Américains et reçoit le commandement des forces françaises engagées en Tunisie. Celles-ci, qui ne demandaient qu'à se battre, contribuent, au prix de lourdes pertes à l'anéantissement des forces d'occupation de l'Axe et de l'Afrika Korps de Rommel.
En
1943, nommé par de Gaulle à la tête du corps expéditionnaire français en Italie, qui comprend quatre divisions (en tout 120 000 hommes), Alphonse Juin se couvre de gloire en prenant le Belvédère de Monte-Cassino, à l'assaut duquel se lancent les tabors marocains du général Guillaume et le 4e régiment de tirailleurs tunisiens.
La bataille de Monte-Cassino révéla le génie militaire du général Juin qui en lançant un assaut d'infanterie légère pour déborder la position allemande sur ses flancs remporta un succès total, au contraire du général américain Clarke qui en tentant un assaut frontal d'infanterie lourde précédé d'un catastrophique bombardement du monastère envoya à la mort sans aucune utilité près de 1700 GI.
En
1944, Juin fit adopter par les Alliés un plan de manœuvre audacieux. En effet, il brisa la ligne Gustav en enveloppant le mont-Cassin. La prise du Belvédère, aux prix de lourdes pertes reste un grand moment. Ensuite, Juin repousse les Allemands de la tête de pont sur le Garigliano et descend dans la plaine avec ses troupes. Il prend une part active dans l'offensive sur Rome, bien que lui-même eût préféré une ultime bataille à l'Est pour anéantir les Allemands. Il libère les faubourgs Est de la Cité Éternelle et entre dans la capitale aux cotés de Clark. Puis, Juin prend Sienne. En juillet, appelé à Alger comme chef d'État-Major de la Défense nationale, il transmet le commandement de ses troupes au général de Lattre, qui les conduira durant le débarquement de Provence. En 1944-1947, en tant que chef d'État-Major, il est en communication avec de Gaulle et le SHAEF bien que Koenig soit le principal représentant français au SHAEF. Le 25 août 1944, il entre aux côtés du général de Gaulle dans Paris libéré[11].
Juin dans l'après-guerre
1947-1951, résident général au Maroc il s'oppose au sultan Mohammed V ben Youssef et au parti nationaliste, en s'appuyant sur Thami El Glaoui, pacha de Marrakech. Son bras droit est alors Marcel Vallat (1898—1986).
1951-
1956, commandant en chef du secteur Centre-Europe de l'Organisation atlantique (dont le commandant suprême est le général Eisenhower).
14 juillet 1952, élevé à la dignité de maréchal de France.
1954-1955, cautionne la politique libérale de Mendès France en Tunisie,
1955, s'oppose à l'indépendance du Maroc, ainsi qu'à l'abandon en
Algérie française.
Sa conception du patriotisme l'éloigne de De Gaulle à qui il signifie son désaccord sur la question algérienne lors d'une entrevue orageuse à l'Élysée. Pour autant, il ne participe pas au
putsch des Généraux en 1961. Mais son refus de suivre ce qu'il estime être une politique d'abandon incompatible avec la loi et l'honneur lui vaut une mise à l'écart totale de la vie publique par son ex-camarade de Saint-Cyr . Ainsi est-il démis de sa place de droit (du fait de son titre de maréchal) au Conseil supérieur de la Défense nationale, ceci par une décision du chef de l'État. Le maréchal Juin est également écarté de toute manifestation commémorative des deux guerres mondiales et privé des prérogatives et avantages dus à son rang (bureau, secrétaire, voiture, chauffeur, etc.).
De
1955 à sa mort, président d'honneur de la SNAAG (Société nationale des anciens et des amis de la gendarmerie).
Alphonse Juin a été élu à l'
Académie française le 20 novembre 1952, au fauteuil 4, succédant à Jean Tharaud. Sa réception officielle sous la Coupole a lieu le 25 juin 1953. Il était également membre de l'Académie des sciences coloniales.