dimanche 1 novembre 2009

DEFINITION DU MOT " PIED NOIR"


« Pied-noir » désigne précisément un habitant des départements français d'Algérie, des descendants d'Européens jusqu'aux rapatriés en métropole de 1962, date de l'indépendance de l'Algérie.
Dans l'usage courant, « pied-noir » est un quasi synonyme de rapatrié d'
Algérie. « Rapatrié » fait référence à un statut administratif qui a concerné, à partir de 1962, essentiellement les Français venus d'Algérie au moment de l'indépendance, puis qui a été étendu à d'autres populations venant du Maroc et de Tunisie, voire d'anciennes colonies françaises.
Parmi les rapatriés d'Algérie, qui étaient tous de nationalité française, sont englobés les arabes et les berbères, plus souvent désignés par le terme de
harkis, c'est-à-dire ceux des militaires, anciens supplétifs de l'armée française, et leurs familles qui ont pu trouver asile en France.
Les rapatriés comptent aussi les Pieds-Noirs de culture chrétienne, des étrangers venus d’Espagne, d’Italie, de Malte ou d’Allemagne, car exclus de ces pays ou invités par la France à peupler l'Algérie, et leurs enfants vont donc être déclarés Français par la
loi du 28 juin 1889.
Le terme « pied-noir » concerne également les populations
juives établies en Algérie avant la colonisation, à qui la nationalité française avait été accordées en 1870 (Décret Crémieux).
« Pieds-noirs » s'applique donc à ces deux dernières catégories ainsi que, par extension, aux citoyens français originaires des deux
protectorats qu'étaient le Maroc et la Tunisie, jusqu'à leur indépendance vis-à-vis de la France en 1956.

L'apparition de ce terme pour désigner les Français d'Algérie est datée, selon Paul Robert, qui était lui même pied-noir, de 1955.
Pour d'autres, ce terme aurait déjà été en usage vers
1951-1952, dans les casernes en Métropole, bien avant de parvenir en Algérie, pour désigner les recrues françaises originaires d'Afrique du Nord.
Il n'y avait en Algérie, avant la
guerre d'indépendance, aucun sobriquet d'usage courant pour désigner les Français d'Algérie eux-mêmes, si ce n'est les appellations d' « Algériens » ou de « Nord-Africains », désignant alors seuls les Français d'Algérie ou d'Afrique du Nord, alors que les autochtones étaient désignés comme « Arabes », ou « musulmans ». Avant et durant la guerre de 14-18, le terme péjoratif d'arbicot était utilisé dans les casernes à l'encontre des Français d'Algérie et celui de bicot à l'encontre des musulmans ; ce dernier est resté dans un certain langage raciste et il convient de noter qu'il ne fut pas pratiqué par les Français d'Algérie ; Les Français d'Algérie, au contraire, utilisaient de leur côté plusieurs surnoms pour désigner les Français de Métropole (« Français de France », « Francaoui », « Patos » ).
Le surnom de « pieds-noirs » semble n'être parvenu en Afrique du Nord, qu'après
1954, peut-être apporté par les soldats métropolitains venus en nombre. Toutefois son usage ne s'est vraiment répandu en Algérie que dans les toutes dernières années de la présence française et surtout en France, après le rapatriement. Quoi qu'il en soit, les premières attestations certaines de ce terme, dans cette acception, sont à ce jour les suivantes :
en
1957, dans un roman de Georges Damitio intitulé les Pieds-Noirs, publié par les éditions Albin Michel ; en juin 1960, dans le « Bloc-Notes » de François Mauriac dans l'Express ;
en septembre
1961, dans une étude intitulée « les Pieds-Noirs » parue dans La Revue des Deux Mondes.

Des explications plus ou moins crédibles, probablement imaginées après coup, ont alors été avancées : allusion aux souliers supposés vernis ou aux bottes noires des premiers immigrants ou aux brodequins noirs des soldats de l'armée d'
Afrique, aux jambes des colons, noircies en défrichant les marécages, etc. Certains évoquent même les amérindiens pieds-noirs (Black-Feet) d'Amérique, qui auraient été présents dans les contingents américains qui débarquèrent en Afrique du Nord en 1942. Toutes ces explications sont probablement fausses puisque, si elles étaient vraies, la dénomination de « pieds-noirs » aurait été connue en Algérie, bien avant la guerre d'indépendance.
Selon d'autres attestations, exprimées elles aussi après coup, le terme aurait désigné, vers
1901, des « Arabes », chauffeurs sur les bateaux à vapeur traversant la Méditerranée. Selon un article récent « Vous avez dit pieds-noirs », paru dans le magazine Pieds-Noirs d'Hier et d'Aujourd'hui de janvier 1999, on explicite l'origine de ce sobriquet utilisé dans le jargon de la marine, mécanisée dès la fin du XIXe siècle : les marins d'Algérie habitués aux températures torrides auraient été affectés aux machines à charbon, comme les « gueules noires » des mines, tandis que les marins métropolitains, armés de l'écouvillon pour graisser les canons, se seraient vu baptiser bouchons gras puis à terre : les patos » de l'espagnol « canard », à cause de leur démarche chaloupée acquise sur le pont par suite du roulis. Une photographie de 1917, portant cette mention, y est insérée. Cette dernière explication est peut-être valable pour le mot « patos », très utilisé sur place avant 1949, mais vraisemblablement pas pour le terme « pied-noir » qui était rigoureusement inconnu à Alger jusque vers la moitié des années cinquante. Précisément une explication moins connue concorde avec cette datation. C'est celle d'un article de l'Express naissant, dans laquelle l'auteur se livre à une vive diatribe contre les habitants français d'Algérie, les comparant aux indiens de la tribu des Pieds-Noirs tels qu'ils sont montrés de façon caricaturale par Hergé dans Tintin en Amérique, oisifs profiteurs du pétrole découvert sous leurs terres. Le cliché dénoncé par Albert Camus du colon milliardaire fumant cigare à bord de sa Cadillac viendrait de ce même article.
Mais alors, les intéressés eux-mêmes, à l'heure où leur destin était menacé, s'en sont saisi, au tout départ les étudiants d'Alger, pour en faire l'étendard de leur identité, comme en témoignent les noms de nombreuses associations.