Nathan André Chouraqui naît à Aïn Témouchent, en Algérie, le 11 août 1917. Ses parents, Isaac Chouraqui et Meleha Meyer descendent tous deux de familles juives espagnoles qui comptent, dès le XVI ème siècle, des juges, des théologiens, des rabbins, des poètes, des savants, attachés au développement du judaïsme nord africain.
Ses études de Droit le conduisent à Paris en 1935, où il entame également des études rabbiniques. Pendant la guerre il participe activement à la Résistance dans le maquis du Centre de la France (1942 - 1945). Avocat, puis juge dans le ressort de la Cour d'Appel à Alger (1945 - 1947), il est promu, en 1948, Docteur en Droit international public à l'Université de Paris.
Secrétaire général adjoint de l'Alliance Israélite Universelle (1947 - 1953), André Chouraqui en deviendra le Délégué permanent, sous la présidence de René Cassin (1947 - 1982). Il voyagera dans le monde entier, pour donner des conférences, dans plus de 80 pays. De Jérusalem, où il s'est établi depuis 1958, il reste le porte-parole de la culture française en Israël et devient un ambassadeur d'Israël et de la paix à travers le monde.
Vice-président de la Commission des Organisations non Gouvernementales auprès de l'UNICEF-UNAC (1950 - 1956), il propose et fait adopter le projet de lutte contre le trachome, programme qui a sauvé la vue de millions d'enfants dans le monde entier.
Directeur de la Collection Sinaï (Presses Universitaires de France), A.Chouraqui publie en français des textes fondamentaux de la culture juive, tels que Luzzato, Buber, Kaufmann, Halkin, Maïmonide.…
En 1958, il se marie avec Annette Lévy, fille du Docteur et de Madame Gaston Lévy. Ils auront cinq enfants : Emmanuel, Elisabeth, Yaël, David et Mikhal, et onze petits-enfants.
Installé à Jérusalem dès 1958, il devient le conseiller du Président du Conseil, David Ben Gourion, (1959 - 1963), pour les problèmes d'intégration des juifs originaires des pays musulmans et pour les relations intercommunautaires.
Dès son installation en Israël il est l'inspirateur et le fondateur des comités de cooperation inter-religieuse groupant des représentants des autorités juives, chrétiennes et musulmanes. Ces comités représentaient alors une innovation qui jetait un pont en Israël et dans le monde, entre des religions et des confessions séparées par des siècles de conflits. A. Chouraqui a été le cofondateur et le président de l'Interfaith Committee en Israël et dans le monde, après avoir été l'un des cofondateurs de l'Amitié Judéo-Chrétienne et de la Fraternité d'Abraham en France, puis membre des conseil de la World Conference on Religions and Peace (W.C.R.P.)
Dans le cadre de la déclaration Nostra Aetate, André Chouraqui rencontre le Cardinal Daniélou. De cette rencontre naîtra un mouvement réunissant les adeptes des religions abrahamiques, La Fraternité d'Abraham, en collaboration avec le Recteur de la Mosquée de Paris, Hamza Boubakeur, et le Père Riquet.
En 1965, André Chouraqui est élu vice-maire de Jérusalem, sous le mandat de Teddy Kollek. Il est chargé des affaires culturelles, des relations interconfessionnelles et internationales de la ville de Jérusalem. De 1969 à 1973, il est réélu conseiller municipal et président de la Commission de la Culture et des Affaires extérieures de Jérusalem.
Il sera membre du tribunal de l'Organisation Sioniste Mondiale, président fondateur de l'Alliance française à Jérusalem, président du Comité interconfessionnel à Jérusalem, président de l'Institut israélien du film (Fondation Reginald Ford) et président du Mouvement pour une Confédération proche-orientale.
En qualité de membre du Comité exécutif du Congrès Mondial des Religions pour la Paix, André Chouraqui prend une part active dans les mouvements interconfessionnels et milite pour le développement de l'amitié entre Juifs, Chrétiens et Musulmans.
En plus de ses livres, il rédige des centaines d'articles dans la presse mondiale, donne de nombreuses conférences, écrit plusieurs livres sur les problèmes politiques et spirituels soulevés par la résurrection de l'Etat d'Israël. Universelle dans son essence, son œuvre s'étend à divers domaines, tels que la poésie et le théâtre, la philosophie et la fiction, l'histoire et la sociologie, le droit, et plus particulièrement la traduction et l'exégèse de l'Ancien et du Nouveau Testament et du Coran.
Ses œuvres, traduites en vingt langues, ont obtenu de nombreux prix littéraires :
André Chouraqui est nommé Commandeur de l'Ordre national de la Légion d'Honneur en 1994, Commandeur des Arts et des Lettres (France 1996), Officier de l'Ordre National de Côte d'Ivoire (1970), Combattant contre le nazisme et Combattant pour la Renaissance de la Nation (deux décorations israéliennes), et promu Citoyen d'honneur de la ville de Jérusalem (1996) (Yakir Yérushalaïm).
André Chouraqui est le premier et le seul écrivain à avoir traduit et commenté tous les livres de la Bible, du Nouveau Testament et du Coran. Son oeuvre répandue à travers le monde inspire une nouvelle lecture des Ecritures, plus proche des sources, antérieures aux guerres de religions.
La méthode suivie dans cette oeuvre unique a été de restituer au texte son sens originel, déterminé par les significations des racines à l'époque où les Ecrits sacrés ont été proclamés. Il a réalisé cette oeuvre dans la conscience qu'il n'y aurait pas de paix sur terre sans en finir avec les guerres constantes entre les grandes religions dont la paix devrait entraîner et soutenir celle du monde.
Ainsi, parti d'Algérie et de France, a-t-il fait de sa route, un lieu de convergence des peuples et de leurs spiritualités. Fidèle à ses racines hébraïques ainsi qu'à ses origines françaises et maghrébines, André Chouraqui appartient à cette catégorie d'écrivains, dont la pensée a, par son essence, un rayonnement universel.
EXTRAITS DE "L'AMOUR FORT COMME LA MORT"
(...) Dès mon plus jeune âge, lorsque mes yeux commencèrent à s'ouvrir sur le monde, je voyais bien que nous étions d'ailleurs. D'un autre lieu cette Jérusalem qui occupait nos pensées se trouvait fort loin d'AïnTémouchent, puisque nous tournions nos regards vers le Levant en disant nos prières. Aussi loin que nous regardions, nous ne réussissions pas à l'apercevoir. Parmi nous, jamais personne n'avait même pensé à visiter cette ville dont on disait qu'elle avait eu le privilège d'abriter la Maison d'Adonaï Elohim et que, lui absent, elle demeurait Sa ville.
Du pays de nos ancêtres nous ne savions à peu près rien sinon qu'il nous serait rendu un jour que nous espérions prochain depuis deux millénaires: nulle épreuve ne sut jamais décourager notre longue patience.
Car cet ailleurs d'où nous venions était encore plus éloigné de nous dans le temps que dans l'espace. En ce premier quart du XXe siècle, nous étions en fait, par grâce biblique, les contemporains d'un monde aboli qui peuplait ainsi nos jours et nos nuits, imprégnait nos pensées, formait notre sensibilité beaucoup plus sûrement que le milieu où nous vivions dont notre condition de juifs nous séparait.
Etre juif, géographiquement et chronologiquement, c'était être d'ailleurs. Notre lieu n'était ni un pays ni un temps déterminés, mais plus gravement un Livre que nous étions à peu près les seuls au monde à savoir lire dans la langue où il fut écrit : l'hébreu et, pour quelques-uns de ses versets, l'araméen. Cette langue, aucun de nos voisins arabes ou chrétiens n'était en mesure d'en comprendre un mot. Nous, c'était avec elle que nous apprenions à lire(....)
La culture qui nous était transmise par cet enseignement prenait racine en nous d'autant plus impérieusement que tout était prévu pour l'implanter dans nos esprits : l'enseignement des maîtres d'école et des rabbins, celui de nos mères, de nos pères, de nos parents proches ou lointains, de nos amis enfin, tous juifs et formés selon les mêmes disciplines, tout concordait et tout nous convainquait de la vérité de ce qui nous était enseigné.
Enfants, nos mères nous préparaient des gâteaux pétris en forme de lettres hébraïques. Trempés dans du miel, ils présageaient les délices que nous connaîtrions en ingurgitant la Tora.