Ba ba ba, la classe !
Mieux que Clark Gable, dé ! Les copains ouvrent des yeux comme des ballons
de foot tellement Alain y leur décrie le baiser du siècle. Les
« Aouah » y succèdent aux « Putain de sa race », moi, j’écoute,
je fanfaronne et j’attends jeudi
prochain pour me faire payer la place de cinéma que j’ai gagnée en embrassant
Nicole.
Tiens la revoilà.
Chof, j’agis déjà comme si
elle était ma propriété.
--Où tu étais passée ?
--il fallait que je me montre ou sinon ma mère elle
serait allée à ma recherche.
Putain, en plus, elle est
futée mon amoureuse.
*****
Quelle soirée que j’ai
passée. D’abord, j’ai pris ma revanche à la ronda devant mes frères médusés, ensuite, ma mère, elle nous a
proposé à la fin du souper, des cigares aux amandes (des remchets ) que rien tu les regardes, tu meurs. Et
pour terminer la soirée, tout en pensant au baiser de Nicole, j’ai écouté
« Les Maitres du mystère » à la TSF avec mes frères et ma mère qui
prenait le frais sur la chaise longue. Elle est pas belle, la vie !
Purée, j’ai à peine neuf ans
et je suis amoureux de ma petite
blondinette. Je dis que je suis amoureux mais c’est vrai, qu’est-ce qui
me dit que c’est ça l’amour, après tout ! A savoir, d’où je sais,
moi ? C’est vrai quand je la vois, j’ai les jambes en coton, le soir, quand je m’endors rien que je pense
à elle, que j’aimerais me balader main dans la main, et tout, et tout quand on
sera plus grands. Ma mère, elle m’a appris à ne pas mettre la charrue avant les
bœufs mais quand même ! La vérité, est-ce
que d’autres filles, elles vont pas me faire tourner la tête avec leurs tétés,
leurs démarches etc….….. ? La seule chose dont je suis sûr, c’est que mon
premier baiser avec la langue, c’est à Nicole que je l’ai donné et à personne
d’autre. Chi va piano, va sano comme
y disent les italiens.
Aujourd’hui, je descends à
Padovani. Les zigomars, mes amis y vont jouer les Tarzans pour épater les
minettes. Moi, je vais à la plage pour taper le bain parce que, la vérité, j’ai
pas envie de faire le zazou pour une autre fille que Nicole. Comment vous dire,
ma blondinette, c’est ma seule préoccupation. Je trouve pas les mots pour vous
la décrire……..elle a les mêmes cheveux que ma cousine Hélène que vous
connaissez pas alors ne faites pas semblant de chercher ! Comme
Roland qui fait celui qui sait sa leçon total, il a appris que dalle Enfin,
tout ça pour dire que Nicole, elle est pas fadasse comme une tranche de jambon !
Putain, qu’est-ce que c’est difficile de décrire une fille bouznika ! J’suis pas Christiane Delacroix, moi ! Gina
Lollobrigida, je saurais en parler parce qu’elle est plein de bosses partout
mais une petite fille………
Ma mère, rien qu’elle me
questionne.
--Qui c’est, cette petite ? Quand je rentre de
chez tata Félice, toujours je te vois avec elle. Aille, mon fils, tié pas
amoureux au moins ? …….. mon fils, pense
à tes études, va ! Tu veux que je meure de mauvais sang ?.......
Même ma mère elle s’y
met ! J’ai pas le droit d’être amoureux. Pas assez les amis qui me caguent
une pendule ! Si j’étais plus grand, je l’enlève sur mon beau destrier
blanc et je pars en Amérique ! Ouais, je déconne mais ya de quoi !
Bientôt, je vais me cacher pour vivre mon histoire d’amour et comme ça, je
l’embrasserai à tout bout de champ. Purée, c’était bon, son baiser. En plus,
elle avait mangé un beignet italien de Pasquale, sa bouche elle avait un goût
sucré qui sentait bon la vanille…….hum,
je me suis régalé !
Peut-être c’est ça être
amoureux ? Ouais, mais la vérité, ça rend un chouïa nœud-nœud, vous
trouvez pas ? Un bon plongeon dans l’eau bleue de Padovani pour remettre
les idées en place, y a rien de mieux.
Les copains sont déjà là. Dès
qu’ils me voient, y m’énervent:
--Oh, l’amoureux
transi !
--Tié toujours amoureux de
Sophia Loren ?
Tous les baigneurs, y
comprennent rien ! Moi, même pas je fais cas ! Je m’enlève la
cuissette, le chandail et, en avant nous autres ! Je tape le plongeon du
siècle. Les amis, obligé, y m’imitent mais eux c’est le plongeon à la
mords-moi-l’nœud. Roland y me rejoint le premier.
--Alors, et tes amours ?
--Mes amours, c’est du solide ! Ca a l’air de t’embêter ?
Les autres arrivent sur le
petit rocher.
--Oh, vous allez pas commencer, hein ?
Comme par enchantement, tout
le monde se calme. Et vous savez pourquoi ? Parce que sur le sable, Nicole
elle est en train d’arriver avec sa smala.
--Tu savais qu’elle venait ? Y me demande Capo comme si j’étais devin.
--Eh non !
Je m’demande pourquoi j’me
défends.
--Zarmah, tu savais pas !
--Sur TA vie, j’savais pas ! en appuyant bien sur le pronom personnel (j’suis
érudit hein ?). Et puis, y a toute
sa famille !
Je leur dis ça pour qu’ils
croient pas que je vais leur faire un coup de sminfin couffin et les laisser
tomber comme un paquet de linge sale.
Quand même, quand même, je
fais celui qui est fatigué.
--Bon, je rentre sur la plage ! Vous venez ? Je leur lance en priant le bon dieu qu’ils
restent toute la journée dans l’eau comme ça, je pourrais parler à Nicole. Mais
ces pourris, ces faux frères, comme un fait exprès, ils me suivent sur le
sable.
Ca y est, elle m’a vu.
Seulement, sa mère aussi elle m’a vu. Putain les yeux qu’elle me lance !
Même plus je la regarde tellement j’ai la rouf de sa mère. Putain, qué j’ai
fait au bon dieu pour qu’il m’en veuille à ce point ? Pourtant, plus
gentil que moi, y’a pas comme elle dit ma mère !
Et puis, la vérité, pourquoi
sa mère elle m’aime pas ! C’est pas elle que j’ai embrassée. Et je vais
jamais demander sa fille en mariage…………pour le moment ! A savoir si elle a
pas un don de double vue ? Hamdoullah, elle parle avec des baigneuses et,
comme toutes les femmes, quand elle commence, elle s’arrête plus. Nicole, elle
vient vers moi. Man, si j’étais Egyptien, je rentrerais dans mon sarcophage. Je
lâche pas des yeux la mère de Nicole qui me tape un sourire Golgate haleine
fraiche.
--Tu as peur de ma mère ? Elle me demande.
--J’ai pas peur, je tremble ! Pourquoi, elle me
regarde avec des yeux assassins.
--Mais, elle te regarde parce que je lui ai parlé de
toi ! Et en plus, elle a pas ses lunettes de soleil.
Je pose la question et après,
je meurs !
--Tu lui as parlé de moi ?
--Oui et elle voudrait te voir!
O putain, Je déraille
complètement ou je rêve.
--Pourquoi, elle sait qu’on s’est embrassés ?
--Non, mais elle veut te voir !
Les amis chuchotent en se marrant. Je sais ce qu’ils
pensent ces bâtards ! Y doivent se dire que j’étais plus tranquille quand
je jouais aux noyaux ou à la toupie. Qu’est-ce qu’ils en savent ces parotes qui se sauvent dès qu’une fille
les regarde. C’est vrai, tout ce qu’ils connaissent, ils l’ont lu sur le
journal ou ils l’ont vu au cinéma ! Alors, hein, doucement, les
basses ! (ma parole, cette expression, elle est sortie toute seule de mon
cerveau, à savoir si moi aussi, je vais pas trop au cinéma ?)
En fait, ils me comprendront
quand ils seront amoureux, un point, c’est tout !
A part les commissions que
j’me tape tous les jours, je pense qu’aux distractions de mon âge. Bien sûr,
comme je suis un enfant modèle (je plaisante), si ma mère me demande de faire mon
lit, je le fais de mauvaise grâce, mais
je le fais. Mes frères, y sont plus grands, alors, rien qu’ils profitent de
leur droit d‘ainesse. Je veux bien
faire le chaouch pour ma mère mais pas
pour mes frères. Je fais même les commissions pour les voisines mais elles,
elles me récompensent par de la menue monnaie (zarmah, je parle français). Ca
me permet d’aller au cinéma sans rien demander à ma mère. C’est que un sou
c’est un sou à la maison, hein !
L’autre jour, je me suis
fendu d’une barbe à papa que j’ai offert à Nicole. Elle était toute chose. Elle
sait très bien que je roule pas sur l’or et bien, non seulement, je fais cas
d’elle mais en plus, je lui fais des cadeaux. Et vous savez pas ce qu’elle a
fait le lendemain, ma parole d’honneur si je vous mens. Vous pouvez
demander à Alain qui était là : elle m’a apporté un beignet italien de la
bonbonnière qui appartient à son oncle. C’est pour dire que tous les deux, on a
des petites attentions qui prouvent soit qu’on est amoureux, soit qu’on est des
babaos ! c’est en tout cas ce
que prétendent mes amis qui sont de moins en moins mes amis. Mon cousin il a
une philosophie (zarmah, je connais madame philosophie) spéciale : pour
lui, un ami, c’est celui qui te soutient quoi qu'il arrive. Alors que eux, ils me mettent les yeux sur moi et Nicole.
C’est des amis, ça ?
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