VOICI MON NOUVEAU ROMAN
ALGER, AU FIL DE MA MEMOIRE
Ce matin, je sais pourquoi, j’ai une folle envie de faire la grasse matinée. J’entends ma mère dans sa cuisine vaquer à ses occupations, mon frère ainé se préparer à partir travailler rue de Lyon à Belcourt et mon cadet prendre sa douche avant d’aller à la CASIDA avenue du 8 novembre où il occupe un emploi de bureau saisonnier depuis une semaine. Zarmah, un emploi de bureau total, il a été embauché comme garçon de courses. Un chaouch, quoi! Lui qui rouspéte toujours quand ma mère elle l’envoie chez le moutchou faire des commissions, à présent, raïeb, rien qu’il monte et y descend les étages.
--Mon chef, y m’a promis de me faire muter à la comptabilité. Houlà !
L’espoir fait vivre ou plutôt fait survivre. Mais quand même, quand même, je suis sûr qu’il va se débrouiller. Ho, mon frère c’est pas le frère de n’importe qui,hein!
--Baba, lève-toi mon fils ! Tu dois monter chez tata Lisette !
Oh purée, j’avais oublié. Y faut que j’me tape les escaliers du boulevard Guillemin jusqu’au Collège que je porte pas dans mon cœur, que je grimpe la rampe Valée, que je passe devant le jardin Marengo où m’emmenait ma mère quand j’étais minus, puis j’obliquerais vers la Medersa pour me diriger vers le 31 de la rue Marengo où ma tante elle occupe l’appartement de la famille Durand où est née ma mère. Rien que d’y penser, je suis mort de fatigue. En plus y fait une de ces chaleurs ! Sûr que j’vais être en nage. La vérité, je suis pas mieux dans mon lit qui sent bon même que ma mère elle se fait un plaisir de parfumer les chambres avec des petits bouquets de lavande.
Je sais, vous vous dites pourquoi sa mère elle l’appelle Baba ? Attention, je suis pas le fils d’Ali. Depuis que mon frère Paulo, y m’a donné ce surnom quand on était petits, y me poursuit comme une sangsue. Baba par-ci, Baba par-là, alors, à force ma mère, mes frères, toute la famille, les voisins, les amis, le président de la république, tout le monde y m’appelle Baba. Vous avez compris, ouais ? Tout y faut vous expliquer !
Paulo y sort de la salle de bain où mon père il avait fait installer une douche qu’elle coulait quand elle avait envie. Zarmah, eau chaude à volonté, total eau froide traitresse qui nous faisait attraper la crève vite fait. Paulo il est en colère et en cinémascope.
--Purée, Jacky il a pris toute l’eau chaude !
--Calme-toi mon fils ! A peine, il a utilisé la douche !
A entendre ma mère, Jacky y s’est pas lavé afin que ses petits frères, les pauvres chéris à leur mère, y tombent pas dans un lit. Y faut dire que cette douche de malheur, sara, sara, elle change d'avis.
A peine, la température elle était soua-soua, qu’on se croyait au bain maure de la rue Boulabah, que châ-châ, on se prélassait comme des nababs que les chutes du Labrador elles nous stalagtisaient. Ça c’est un mot que j’ai inventé car, dans la langue française, il existe pas un mot pour décrire ce qu’on ressent quand la température de l’eau elle passe en une fraction de seconde de +30° à -30°. J’exagère un chouïa mais c’est pour dire.
Tout ça c’est bien joli mais qui c’est qui va se taper tout le travail ? Chaque fois qu’une corvée elle se pointera, qui c’est l’esclave qui va jouer les Ben Hur pour faire le sale boulot ? C’est bibi. Ou Baba ! Les commissions chez madame Bazas notre seconde mère nourricière à mes frères et moi. Allez, vous avez pas compris que mon épicière, elle nous fait crédit jusqu’à la fin du mois et drop ninette, le premier du mois suivant, on la paye en pleurant misère. Ya même des mois, où la paye de ma mère –elle est retoucheuse, la pauvre– elle est toute mesquinette. Alors, dites-moi comment on fait ?
On envoie Baba avec le petit carnet et ma seconde mère nourricière, elle défalque la somme que je lui donne et en avant nous autres, on repart pour un tour. Et même si le mois précédent, il est pas effacé, hein ! Ma mère, la pauvre, elle a été veuve à trente-six ans ! Comme elle disait ma voisine qu’elle avait qu’un lointain rapport avec miss Univers, c’est pas pêché, belles comme on est, on n’a pas de mari
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