L'enfance
refusée par le judaïsme mais portée par son identité patronymique, assise entre
deux chaises, à mi-chemin de deux religions monothéistes, héritière de deux
cultures se retrouve, pourtant, orpheline, en plein désarroi, ni tout à fait
juive, ni pleinement adepte de la religion maternelle. Démunie de toute
appartenance cultuelle, déboutée du droit élémentaire à regarder l'Eternel dans
les yeux, paria dans une synagogue comme dans une église, une mosquée ou
quelque temple que ce soit, elle est la victime d'un crime d'amour commis par
ses parents. L'intransigeance du judaïsme la condamne à errer vers un
hypothétique dieu qui lui ouvrirait son cœur. Les sectes y puisent la sève, la
source vive de leur fanatisme car le dépit amoureux de cette enfance rejetée,
les pousse dans les bras de quiconque saura flatter et recueillir ces
déshérités de Dieu.
Alors, face à l'iniquité dont est
victime son enfant, le père juif, sans renier son choix, porte sur ses épaules
la douloureuse interrogation qui brûle ses lèvres et se résume en une phrase :
--" Ai-je, par mon choix, coupé
le cordon ombilical qui relie le judaïsme au patronyme que m'ont confié mes
aïeux ?"
La réponse à cette question qui
prend toute sa dimension lors d'une fête religieuse, d'une veillée de shabbat,
d'une Bar Misvah ou d'un mariage béni par le judaïsme se révèle à l'ombre du
conservatisme hébraïque.
LES TROMPETTES DE JERICHO
Il est utile d'observer l'antinomie
et parfois l'antagonisme qui régit les formes de la pensée juive. A la quête
intellectuelle de tous les courants universels des droits de l'homme, le juif,
savant ou quidam, devance tous les combats menés au nom de la liberté, de
l'égalité et de la fraternité. Déjà, en 1830, lorsque les unités françaises
débarquèrent en Afrique du Nord, sur les rivages de Sidi-Ferruch, les Chefs de
la Nation Juive, Jacob BACRI et Léon Juda Ben DURAN, offrirent leurs services et
ceux de la communauté aux troupes du Général De BOURMONT, avec au fond des
yeux, le serment de la Révolution Française. De nos jours, les plus grandes
voix qui s'élèvent dans le désert de la misère humaine, telles les trompettes
de Jéricho, résonnent au nom d'un judaïsme ardent, investi d'une mission sacrée
de lutte contre toutes les formes d'injustice. Prêtes à lever les boucliers,
elles utilisent tous les moyens mis à la disposition des temps modernes.
Jouissant d'une grande réputation en accord avec leur grande valeur, ces hommes
et ces femmes juives sont, parmi bien d'autres, les baromètres de la pensée
française. Hélas, ces hautes personnalités politiques, scientifiques,
artistiques ou civiles semblent se désintéresser du problème préoccupant des mariages
mixtes et de l'enfance sacrifiée. Pourtant, leurs voix ne prêcheraient pas dans
un désert d'immobilisme et la réflexion de leurs intelligences, combinée à
celles des différentes composantes du judaïsme, converserait avec les voix du
passé. Loin de s'appauvrir, le débat ne pourrait qu'enrichir les options
modernes même fortement ancrées dans la tradition. Car, qui peut prétendre,
aujourd'hui, que le débat n'est pas d'actualité.
A l'heure où se perdent les us et
coutumes d'hier qui demeuraient, jusqu'alors, les repères indispensables à la
survivance d'une communauté, à l'heure où la drogue se substitue à la parole du
père, où le dialogue se noie dans les brumes existentialistes, où la corruption
des médias falsifie les valeurs d'antan, où le mauvais exemple s'auréole
d'impunité, seul, le retour aux sources de la vie est porteur d'avenir.
Les anciens prétendaient que l'acte
solennel du mariage était affaire trop sérieuse pour la confier à la jeunesse.
La sagesse dictait leur conduite et les marieuses quêtaient les jeunes gens
afin de les présenter aux familles. Après une étude approfondie sur la
respectabilité de la personne, elle "arrangeait" une réunion au cours
de laquelle, parents et enfants faisaient connaissance. Tant d'épousailles
suivirent cette procédure que le "métier" de marieuse connut un essor
considérable au XVIIIéme, XIXéme et moitié du XXéme siècle. Basé sur la
confiance et le respect, l'édifice familial se bâtissait, alors, pierre à
pierre, auréolé de complicité et de cris d'enfants. Ces pratiques que d'aucuns
jugent d'un autre âge, bénéficiaient de la permanence des rencontres entre
familles, du manque d'espace à conquérir, faute de moyen de locomotion, des
relations privilégiées entre membres d'un même quartier. Les synagogues, les
cafés, les stades, les jardins, les terrasses, les balcons, les marchés, mille
lieux servaient de tribune à l'amitié, de passerelle au voisinage.
Avec un dénominateur commun, le
bonheur des enfants qui passait obligatoirement par un mariage avec le fils ou
la fille d'une famille "bien comme il faut" dont on connaissait les
parents.
Hélas, les distances se sont
allongées et les dispersions ont encouragé le melting-pot et sa conséquence: le
mariage mixte.
Le choix est laissé à la discrétion
d'une jeunesse séduite par l'immédiat éblouissement de l'amour. Faisant fi des
conventions, aveuglée par la passion, elle occulte le devoir de mémoire imposé
par sa judaïté qui la pousse à "se marier dans sa rue".
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