Avant d’entrer dans
l’appartement, Sidney prit Eva à bout de bras à hauteur de la mézouza fixée au
chambranle de la porte d’entrée. Afin de témoigner de sa révérence envers ce passage
biblique enfermé dans un petit boitier, il lui demanda de la toucher du bout des doigts et de les embrasser. Symbole de la protection que D.ieu accorde à la
maison, à ses habitants et à ses invités, la mezouza reçoit cet hommage à
chaque entrée ou sortie de l’appartement. Bien que ses certitudes
fussent ébranlées par le décès de son épouse, il ne désirait pas que cette
tradition israélite soit minimisée aux yeux de la
petite Eva.
Il avait vu défiler
plus d’une femme lors de l’embauche de celle qui saurait adoucir le chagrin
d’Eva et apporter l’affection et la compréhension d’une nounou. Son choix
s’était arrêté sur une femme d’une cinquantaine d’année qui semblait avoir les
qualités d’écoute recherchées. Hélas, en fait de nounou, ce fut un commandant
qui se révéla et, au bout d’une journée, elle fut congédiée.
--Elle n’était pas gentille, ta nounou, chérie ?
--Elle ne me parlait pas comme maman !
Sidney comprit
alors que long serait le chemin qui mènera Eva
au bonheur.
Il aménagea son travail
d’écrivain-correcteur en fonction de son amour en attendant la rentrée
scolaire. Il se mit en quête d’une autre nounou avec plus d’exigence mais
la perle rare tardait à se révéler.
Au fil des jours,
il s’aperçut que la journée n’était pas élastique et que ses heures suffisaient
à peine à remplir son nouveau rôle de papa gâteau.
Eva entra à l’école
maternelle sans la présence rassurante de la main douce de sa maman. Sidney
accompagna ses premiers pas dans la
classe déclinée par une maitresse qui la prit sous son aile.
--Dis au revoir à ton papa mon ange ! Pria avec délicatesse la jeune femme qu’elle côtoiera toute l’année.
Rassuré, il partit
avec tout de même l’ombre de Suzy devant les yeux. Tout à ses pensées, il
entendit bien distinctement sa douce lui murmurer :
--Je suis là, tout près de toi et de notre petite
chérie !
Rêvait-il ou son
subconscient lui jouait-il la mélodie du bonheur pour le consoler ? Il se
retourna, tendit l’oreille mais autour de lui, ce n’était que parents heureux,
soulagés de les voir réintégrer l’école afin de bénéficier de leur temps libre.
Il erra dans son
nouveau quartier à la recherche d’un café où poser sa solitude. Trouver une
nounou devint son unique obsession. Choyer sa petite chérie, poser un onguent
sur sa peine qui ne manquera pas de surgir à chaque fête des mères, répondre avec
doigté et intelligence aux questions d’une petite orpheline, telles étaient les
qualités demandées à cette perle rare
qu’il avait un mal fou à dénicher. Il resta toute la matinée à feuilleter Nice
matin, à regarder deux jeunes amoureux échanger tendres promesses et rires
insouciants, à écouter les commentaires sportifs de pseudo-techniciens en
attendant l’heure de la sortie de la maternelle. Deux petits bras s’agrippant à
son cou, une petite menotte cherchant la sécurité chaleureuse de la main de son
père, et la vie lui parut belle ! Le
jour pour rire avec Eva, la nuit pour
pleurer Suzy, telle était son ambition !
En franchissant le
seuil de l’entrée de son immeuble, il devança une vieille femme qui portait un
couffin bien trop lourd pour elle.
--Laissez madame ! Je vais vous aider!
--Oh, monsieur, vous êtes gentil.
Sidney s’effaça
pour laisser passer la dame dans l’ascenseur.
--Comment tu t’appelles joli petit cœur ?
--Je m’appelle Eva Azoulay ! répondit-elle avec aplomb.
Sidney, en souriant,
questionna avant d’appuyer sur les boutons de l’ascenseur.
--A quel étage ?
--Au cinquième !
--Mon papa et moi, on habite aussi au cinquième
étage !
--Alors, on est voisins !
L’ascenseur stoppa
et toujours aussi galant, Sidney
ouvrit les deux portes battantes. La vieille dame proposa à Eva de la devancer
et, à son tour, sortit sur le palier.
--Je ne veux pas vous ennuyer mais je voudrais vous
remercier en donnant un petit quelque chose pour Eva.
--Vous êtes gentille mais elle n’a pas beaucoup de temps
pour déjeuner. Ce soir, si vous voulez…….
--C’est tout au fond, famille Bénichou ! Précisa- t-elle en appuyant bien sur le nom.
Sidney, complice,
sourit et promit :
--Elle viendra vous voir à 17 heures ! Bon appétit,
madame Bénichou !
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