CHAQUE JOUR, JE VOUS INVITERAIS A LIRE MON OUVRAGE QUI RETRACE L'HISTOIRE DE MON QUARTIER QUI FUT FRANCAIS DE 1830 A 1962
1830
- 1962
Etude
historique, sociologique et nostalgique d’un monde disparu
«
La sueur de l’homme dessine la trace d’un indicible amour pour la
chose entreprise »
à ma mère, à mes frères, à ma famille
à tous
ceux qui, là-bas, ont traversé mon enfance.
à tous
ceux qui, sur une terre d’exil, n’ont pas oublié.
PREFACE
La
parution de l’oeuvre de mémoire que voici, précède de quelques
semaines le quarantième anniversaire de notre exil.
Hubert
ZAKINE, fils de BAB EL OUED nous offre aujourdh’ui le plus bel
hommage rendu à notre quartier, à notre faubourg, à notre cité
qui berça nos plus belles années.
Sous
sa modestie et sa discrétion apparente, Hubert cache une humanité
et une fraternité sincères.
Le
fait est que nous voici en présence d’une oeuvre remarquable,
écrite d’une plume trempée dans la sève de l’émotion
poétique. L’auteur nous propose l’héritage de notre fortuné
quartier, brossant à la manière des impressionnistes, les couleurs
d’une amitié régnant en maîtresse absolue sur BAB EL OUED.
Son
art consommé de la description des scènes pittoresques de la rue a
su nous émouvoir grâce à des phrases empreintes de sensibilité
et de nostalgie.
En
nous invitant, par la lecture de ce magnifique ouvrage, à revivre la
prodigieuse histoire des gens de chez nous, Hubert ZAKINE nous
entraîne dans un tourbillon émotionnel, nous aidant à revisiter
nos quartiers, nos cités, nos jardins, nos cafés.... le décor de
notre exceptionnel destin.
Cependant,
c’est le souvenir et l’hommage rendu aux habitants de BAB EL OUED
qu’il faut surtout relever ; l’auteur ayant su éviter la
mode et le snobisme des mots pour faire revivre dans nos mémoires
endolories un BAB EL OUED qu’aucune loi, qu’aucun référendum ne
pourra effacer.
Jean
Pierre GARGUILO
Président
de l’A.B.E.O.
(
Amicale de Bab El Oued )
CHAPITRE
1
HISTORIQUE
La
Régence - La conquête - La naissance - la mort
CHAPITRE
2
ACTIVITES
INTELLECTUELLES
les
arts et lettres - l’enseignement - la médecine - la politique -
CHAPITRE
3
L’ECONOMIE
le
commerce - le marché - les transports - l’urbanisme
CHAPITRE
4
MŒURS
ET TRADITIONS
les
cimetières - les communautés - le langage - les personnages - les quartiers
- la religion - des hommes, des femmes, des enfants
CHAPITRE
5
LA
VIE QUOTIDIENNE
’amitié
- l’avenue - les cafés - le cinéma – les haut-lieux - les
jardins -
la musique – plages et cabanons - la rue - les saisons - le sport-
-poèmes
de nostalgie.
CHAPITRE
PREMIER
HISTORIQUE
LA
REGENCE
Bab
El Oued n’existe pas encore. La porte de la rivière, si! La
rivière M’kacel dévale les pentes du Birtraria ( Frais Vallon )
à chaque automne détruisant tout sur son passage et sa colère ne
connaît pas de limite. Bab El Oued est un lieu-dit, une zone
géographique, un repère sur les cartes, hors les murs de la
citadelle, qui n’a d’autre existence que le nom de son souk, de
son fort et de sa porte.
La
porte de Bab El Oued est très basse et en chicane. C’est un long
passage voûté fermé par une poterne aux deux battants renforcés
d’arceaux de fer. Le fossé d’enceinte est comblé et l’on
accède de plein pied aux constructions extérieures de la ville.
Devant
la porte, sur un piton rocheux battu par les vagues, s’élève le
Fort Neuf que certains affublent du sobriquet irrévérencieux, Bordj
El Zoubia, en raison des immondices déversées à ses pieds. Il fut
édifié par Mustapha Pacha en 1802. Un peu plus éloigné du
littoral, le Fort des 24 Heures, Bordj Bab El Oued, commencé sous la
régence de Mohamed Pacha en 1567 et achevé en 1569 sous le règne
de Ali El Euldje. Il sera démoli pour construire l’arsenal de
l’artillerie situé à l’emplacement du futur square Nelson.
Au-delà
de la porte Bab El Oued qui sera rasée en 1846 pour être rebâtie
à l’extrémité de l’Esplanade où s’étageront les cinq
jardins Guillemin, s’étendent les « fahs », petites
agglomérations formées d’habitations, d’ateliers, de fondouks,
de cimetières et d’édifices religieux. Une fonderie de canons
datant du XVIII ème siècle côtoie les fours à chaux, les
carrières, les tuileries, les briqueteries.
Les
carrières de Bab El Oued exploitées par le Beylick représentent la
principale industrie de la ville d’Alger. La pierre extraite sert à
la construction d’habitations mais aussi et surtout à
l’édification et au renforcement des enceintes et des six portes
de la forteresse qui défend la ville. Quant aux fours à chaux qui
côtoient les luxuriants jardins du Dey où sera édifié l’hôpital
Maillot, ils laisseront pour la postérité une appréciation amicale
dans le vocabulaire pataouète "fourachaux" qui désigne
un homme malpropre ou manquant de finesse d’esprit
/////
Les grottes de Bab El Oued, à l’orée de la campagne environnante, abritent des kabyles et des berbères qui ne travaillent qu’épisodiquement aux carrières et à la fonderie dont les emplois sont « réservés » aux captifs chrétiens.
L’eau
est domestiquée par la création à la fin du XVI ème siècle d’un
aqueduc de style romain qui capte les sources du BIRTRARIA pour
alimenter les quelques cent cinquante fontaines et puits que compte
Bab El Oued, assoiffé par les nuisances dégagées des carrières
et des fours à chaux.
Sur
un petit promontoire que prolongent les cimetières juifs et
musulmans, un mausolée abritant les dépouilles de sept deys de la
régence d’Alger regarde la mer aux côtés de deux tombeaux de
rabbanim judéo-espagnols chassés par l’inquisition médiévale de
Pierre le Cruel en 1391 et réunificateurs du judaïsme algérien.
Ainsi
se présente Bab El Oued à l’arrivée des français en 1830.
/////
CHAPITRE
PREMIER
HISTORIQUE
LA
CONQUÊTE
Nous
sommes en 1830. L’empire ottoman capitule. Le Général De BOURMONT
entre dans la capitale sous les acclamations des juifs qui prennent
en marche le train de l’émancipation française sous le regard
indifférent des Maures circonspects en attendant des jours
meilleurs.
A
l’emplacement du futur lycée BUGEAUD se dresse l’austère porte
de Bab El Oued qui, à l’instar des cinq autres portes de la ville,
constitue une forteresse inexpugnable pour tout envahisseur
terrestre. Au-delà, le cimetière israélite accueille les
suppliciés mis à mort par une Régence sanguinaire pour laquelle la
vie d’un juif est moins importante que celle d’un cheval ou d’une
bête de somme.
Contrairement
à la porte Bab Azoun qui s’ouvre sur un fondouk côtoyant les
commerces de nuisance établis hors la citadelle, la porte Bab El
Oued, inondée à chaque automne par les débordements de l’impétueux
Oued M’Kacel rayonne vers la colline de la Bouzaréah d’où
émergent de gracieuses « djenans », demeures de style
hispano-mauresque blanchies à la chaux, autour des « fahs »
de la campagne d’El Djézaïr.
Entre
les deux portes, séparant un labyrinthe de ruelles étroites et
parfois nauséabondes, s’étire une longue zébrure aux abords du
Palais de la Jénina où réside le Dey. Cette artère commerçante,
la rue des souks, Souk El Kébir, se veut la délimitation
entre la haute et la basse ville.
L’armée
ignore tout ou presque du pays et de ses habitants. Mais l’intendance
trouve les ruelles trop étroites, les habitations insalubres et
dégradées. Aussi, encourage t-elle les démolitions et la casbah
voit ainsi son visage travesti par des architectes français et
italiens ignorant l’importance de l’ombre en ce pays.
On
perce, dès 1832, les rues Bab Azoun et Bab El Oued sur l’emplacement
de la caserne des Janissaires « Salik Pacha », la plus
belle d’El Djézaïr, posant ainsi sans même le savoir, le premier
jalon de ce qui deviendra le populaire, populiste et populeux
quartier de Bab El Oued.
La
rue Bab El Oued prend son envol sur une place aérée où trône dans
sa parure éclatante de blancheur, la mosquée Djamâa El Djédid,
« la mosquée neuve », érigée en 1660 grâce à la
générosité des janissaires turcs. Cette place s’appellera, tour
à tour Place Royale sous Louis Philippe, Place Nationale en 1848 et
Place du Gouvernement en 1870. Elle demeurera dans l’esprit des
enfants d’Alger, la Place du Cheval en hommage à la statue
équestre du Duc D’Orléans.
On
construit un « Hotel de Malte » rue de la Marine et des
cabarets à chaque coin de rue. En 1837, on en dénombrera près de
cent soixante qui feront le bonheur de tous les buveurs
d’absinthe, " la fée verte ". Quant à
la rue de Bab El Oued, elle se pare de nombreuses boutiques, damant
le pion à la rue des Consuls et son réputé " Hôtel des
Ambassadeurs " ainsi qu’à la rue de la Marine, visitée
pour le chic de ses commerces, son " Hôtel d’Europe "
qui sera le lieu de résidence d’Alphonse DAUDET en 1862, sa " cour
des miracles ", hôtel borgne qui sera démoli quelques
années plus tard sur ordre de la préfecture pour " inconfort
et insalubrité " et ses " bas fonds "
tentateurs. Les premiers habitants de la rue Bab El Oued sont des
juifs de la " hara1 "
amputée par les autorités françaises de sa partie la plus délabrée
afin d’ouvrir les rues de Chartres et de la Lyre sur l’emplacement
de l’ancienne mosquée Mezzo Morte affectée depuis 1830 à un
hôpital militaire.
Bien
à l’abri sous ses massives arcades, elle offre aux promeneurs le
visage d’une artère commerçante où s’échelonnent des brodeurs
d’or sur soie, des tisserands, des tailleurs d’habits, des
orfèvres d’art, des passementiers, des luthiers, des savetiers et
toutes sortes de petits boutiquiers d’artisanat. Pour la plupart
israélites, ces travailleurs manuels opèrent devant une clientèle
médusée de tant de savoir-faire. Plus tard, les Bazars Salomon,
d’Orléans, du Diwan et de Rovigo attireront la curiosité des
touristes par la diversité des marchandises importées par les
négociants israélites, grands voyageurs devant l’Eternel.
Place
Royale, le Café d’Apollon devient le lieu privilégié de
nombreuses et douteuses transactions immobilières, cadencées par la
musique militaire des concerts de fin d’après-midi qui se
déroulent sur l’estrade d’un kiosque similaire à ceux des
villes de France, curiosité de toute une foule de promeneurs qui
prennent « la fraîche ».
Déjà,
l’intendance s’aperçoit de la vétusté des deux grandes artères
Bab Azoun et Bab El Oued. Aussi, décide t-on de tracer une route en
contournant le vaste cimetière qui s’étend de la place où
s’élèvera le Grand Lycée, plus tard Lycée BUGEAUD, à
l’esplanade de l’arsenal militaire où seront aménagés à la
demande de Napoléon III, les jardins GUILLEMIN. Ces lieux ombragés,
dont l’impératrice EUGENIE, déplora l’absence lors de sa visite
à Alger en 1861, verront le jour au début du XXème siècle.
Ces
espaces verts qui offrent une ouverture sur la colline toute proche
de la Bouzaréah annoncent, déjà, le futur développement de Bab El
Oued.
A SUIVRE........................
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