La
Macta
A ALGER, les
soixante dix ans du Comte DROUET D'ERLON ne rêvaient que de paix,
n'aspiraient qu'à une douce quiétude qui lui permettrait de couler
des jours heureux sous le ciel pervenche de la blanche cité. A ORAN,
LE Général TREZEL, nommé Gouverneur d'Oranie par DROUET D'ERLON
possédait un caractère bien trempé. Soldat de devoir, il tenait,
par dessus tout, à faire respecter l'image de la FRANCE et
s'étonnait du comportement d'ABD EL KADER qui marchait sur MEDEA
après avoir pris MILIANA et MASCARA.
Le 22 Avril,
DROUET D'ERLON tenta de le raisonner :
--" Le
Sieur DURAND m'a donné l'assurance qu'il( ABD EL KADER ) craignait
beaucoup de me déplaire et qu'il arrêterait dès que je
l'exigerais."
La parole
d'un officier est sacrée.Celle du Prince des Croyants doit l'être
également. Aussi, dés qu'ABD EL KADER transgressa cette charte
morale en s'attaquant aux tribus dont la FRANCE se devait d'assurer
la protection, le sang du Commandant de la Place d'ORAN ne fit qu'un
tour. Il s'allia, contre l'avis du Comte DROUET D'ERLON, aux tribus
"maghzen", ennemies jurées de
l'Emir au cours d'une "convention du figuier" qui mit le
feu aux poudres
A la tête
de vingt trois mille hommes, le Général français sortit en armes
d'ORAN. Son but avoué était de détruire la puissance et l'aura de
son adversaire, de l'isoler des tribus qui le vénéraient et
renforçaient son prestige.
Le choc fut
terrible. Des deux cotés, les pertes furent lourdes. Le Général
OUDINOT figura parmi les victimes.
Le 26 Juin
1835, TREZEL campa avec ses chasseurs d'Afrique sur la route
ORAN-MASCARA qui enjambait le SIG.
Du haut de
la colline qui dominait la rivière, l'Emir des Arabes était partagé
entre l'admiration envers cette armée ennemie très impressionnante
par la discipline qui s'en dégageait et l'étonnement de voir des
unités si lourdement chargées, si chaudement vêtues, si
terriblement ralenties.
TREZEL
évita, à grande peine, la catastrophe. Entre la forêt de MOULAY
SMAÏL et la plaine où il se réfugia, se découpaient les gorges de
l'Habra et les marécages de la MACTA. C'est le chemin qu'il choisit.
Route plus accessible pour ses encombrants convois mais piège idéal
pour une embuscade mortelle. De la colline déboulèrent des arbustes
en feu sur les français encerclés. Tirés comme des lapins, les
chasseurs chantèrent une Marseillaise sanguinolente pour se donner
du coeur au ventre. Pendant ce temps, TREZEL et quelques hommes
s'emparèrent d'un mamelon pour y installer deux pièces d'artillerie
qui crachèrent un feu intense sur les arabes fanatisés. Une
pagaille monstre régna sur la Macta. Le terrain jonché de cadavres,
de matériel abandonné, d'étendards arrachés à l'ennemi et jetés
au sol, la folie des hommes avait fait son oeuvre.
Une armée
française en déroute rejoignit ARZEW en évoquant "l'heureux
désastre de la MACTA" tandis qu'ABD EL KADER, forces décimées
mais prestige tutoyant les sommets, demeurait, aux yeux de ses
fidèles, le vainqueur de MOULAY SMAÏL et de LA MACTA.Léon Juda,
fine silhouette se détachant sur la colline, abasourdi par tant de
cruauté, assista à la curée d'une paix sincèrement espérée par
son ami, le Comte DROUET D'ERLON.
Sa liberté
de manoeuvre retrouvée, après avoir été "l'hôte" de
l'armée française, en représailles de l'arrestation du consul
français BOU ABDALLAH, il conseilla à ABD EL KADER de jouer la
carte de la diplomatie et de temporiser, en attendant des nouvelles
de DROUET D'ERLON. Celles-ci parviendront aux oreilles de l'Emir,
quelques jours plus tard, révélant sa désapprobation de
l'entreprise de guerre de TREZEL qu'il jugea "intempestive
et contraire aux vues du gouvernement."
Par
l'entremise diplomatique de Léon Juda , ABD EL KADER accusa TREZEL
d'être le détonateur de cette situation conflictuelle.
Convaincre
était un art que maniait avec subtilité "Sieur
DURAND". DROUET D'ERLON lui demanda
d'accompagner, alors, le Commandant Louis JUCHAULT DE LA MORICIERE,
responsable des bureaux arabes, rompu aux négociations, dont l'image
d'homme droit et plutôt arabisant, offrait plus de garantie pour une
éventuelle entrevue de paix avec ABD EL KADER. En agissant de la
sorte, le Gouverneur Général semblait blâmer TREZEL et, pour le
moins, le désavouer.
Le
gouverneur d'ORAN sera du reste révoqué et remplacé par le
Général D'ARLANGES à la mi-Juillet
Léon Juda,
"Sieur DURAND d'ALGER",
pût reprendre sa politique du chaud et du froid. Pour se faire bien
voir des autorités françaises autant que par conviction
personnelle, il demanda que soit stoppée la livraison de deux cents
fusils promise à l'Emir par DROUET D'ERLON qui apprécia ce geste à
sa juste mesure. Il l'écrira au Ministre de la guerre le 18 Juillet:
--"
J'avais envoyé à l'Emir 200 fusils et de la
poudre. Le bâtiment porteur du chargement étant arrivé au moment
de la " levée des boucliers " entre TREZEL et ABD EL
KADER, le Sieur DURAND, "oukil"
d'ABD EL KADER, vint demander que les
fusils ne soient point remis entre les mains d'ABD EL KADER..
C'EST UNE MARQUE DE DEVOUEMENT A NOTRE CAUSE QUE PEUT ETRE BEAUCOUP
DE NEGOCIANTS FRANCAIS NE NOUS AURAIENT PAS DONNEE."
*****
Objet de
multiples sollicitudes émanant du Gouverneur Général et de l'Emir
des arabes, Sieur DURAND se vit alors confronté à une campagne de
calomnie de la part des dignitaires français et des bourgeois
musulmans. Mauvaise conseillère, la jalousie révèle parfois de
coupables instincts.
Certains ne
se contenteront pas de regretter cet excès de popularité. Ils
n'hésiteront pas à tenter de le discréditer aux yeux de ses deux
protecteurs et amis, soulignant les commissions exorbitantes
encaissées par le "juif DURAN"
sur chaque transaction menée à terme.
Pour toute
réponse, "Sieur DURAND"
affirma :
--"Si
l'argent est le nerf de la guerre, il contribue parfois à arrêter
les combats. Quant aux affaires traitées par ma maison, elles le
furent à la satisfaction de mes commanditaires.
N'oublions pas que Messieurs les Français qui
accusent, ignorent les us et coutumes commerciaux de ce pays. Quant
aux notables arabes, forts instruits de nos moeurs, ils désirent,
par-dessus tout, éliminer un concurrent direct sur la route du grand
négoce. "
Ces
médisances n'entamèrent nullement son prestige et ses profits se
multiplièrent. Il ne négligea pas, pour autant, son action au sein
des affaires israélites du conseil municipal.
L' épidémie
de choléra qui s'abattit sur la ville et emporta au royaume des
regards disparus plus de cinq mille malheureux, lui permettra de
donner la pleine mesure de son dévouement.
C'est le
Ministre de la Guerre qui le confirmera dans une lettre adressée au
Maréchal CLAUZEL successeur du Comte DROUET D'ERLON le 8 juillet : "
.....J'ai vu, du reste que, depuis l'invasion
du choléra, le Sieur DURAND a prêté à l'administration une
assistance efficace et que sa conduite l'a rendue digne aux yeux de
Mr l'intendant et aux ........ d'être maintenu dans les fonctions de
Chef de la Nation Juive."
L'épidémie
du choléra sera le dernier fléau à combattre pour le vieux
Gouverneur Général rappelé à PARIS après une lettre " trop
courtoise " adressée à ABD EL KADER à la suite de la campagne
malheureuse du Général TREZEL à ORAN.
Léon Juda
BEN DURAN rebaptisé "Sieur DURAND"
sous l'administration de DROUET D'ERLON ira saluer une dernière
fois celui qui restera pour l'histoire le premier Gouverneur Général
des Possessions Françaises d'Afrique du Nord. Il développa pour ce
vieil homme une certaine affection, l'assurant de sa profonde
reconnaissance pour la confiance qui lui fût accordée.
Afin de
mettre en conformité ses paroles et ses actes, il offrit sa
démission de ses fonctions municipales passées sous l'autorité du
Maréchal CLAUZEL."oukil" d'ABD
EL KADER et ambassadeur de DROUET D'ERLON, Léon Juda se comporta
durant le règne du premier Gouverneur Général, en véritable
conseiller politique des deux autorités du pays.
A SUIVRE...........................
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire