Et bien, oui, j’ai frappé sur des casseroles « ALGERIE FRANCAISE », et bien oui, j’ai écrit « OAS » et, collé, à dix ans, les affiches de Salan ! Et bien oui !
Je suis fière de cette petite fille militante qui défendait la cause des Français d’alors, de ses parents. L’OAS n’était-il pas le revers de la médaille du FLN et de l'abandon de la "mère patrie"? Abandonnés de tous, nous ne pouvions compter que sur nous-mêmes !
Trop longtemps un voile lourd est tombé sur ce drame comme le couvercle d'une tombe. Je revendique mon droit à la parole ! N’en déplaise à quiconque. Ne serions-nous plus déjà, en démocratie ?
Le drame que nous avons vécu, que notre pays nous a condamnés à vivre, et sur lequel tant et tant de nos compatriotes observent encore un pudique silence quand ils n'ouvrent pas la bouche pour nous accuser, pousse la petite fille, à travers la femme d’aujourd’hui, à se dire impérieusement, à raconter tout l’inimaginable abandon de la France à cette époque.
« Et ce n’est pas joli du tout » dirait la petite Rosalind, à laquelle sa famille a épargnée la vue de bien des horreurs. Mais peut-elle pour autant oublier tous ces magasins éventrés, laissant choir des chaos d’objets, comme ces cigarettes qu’elle ramassait avec son petit panier en plastique en croyant à un nouveau jeu
Mais comment ne pas être, pour toujours, bouleversée, lorsque vous avez vu, à portée de main, tout un désordre trivial dans votre ville, la plus belle du monde : l’impressionnante pyramide des ordures, les « nuits bleues », grimpant à l’extérieur jusqu’au deuxième étage des immeubles, dans une odeur nauséabonde, un grand cafouillage empirant de jour en jour et faisant place à un somptueux chaos !
Et par dessus tout, les échos des meurtres… et, résultats du désordre, les accidents comme celui de cette petite fille arabe ayant mal glissé sur la rampe de l’immeuble d’à côté, et dont la tête bouclée avait explosé sur le sol dans une mare de sang !
Qu'as-tu fais, toi, France, de mon oncle que je sais avoir été torturé sur toutes les parcelles de son corps…et puis écrasé, plusieurs fois, sous les roues de sa propre voiture ?…
Et de Pierrot, le collaborateur de mon grand-père qui disparut mystérieusement du jour au lendemain ?…
Et de mon grand-père arrêté par le FLN, retenu toute une soirée et que nous attendions fébrilement ?…
Et de la fusillade fratricide de la rue d’Isly massacrant furieusement des amis, des femmes et des enfants, toute une population sans défense, durant plus d’une demi-heure sans que tu interviennes pour y mettre fin ?…
Et, de nos tombes profanées…
Et, de nos désespoirs…
Et de nos biens…quarante ans d’une vie de travail évanouis pour mon grand-père et pour bien d’autres…
J’allume pour vous tous ici la petite flamme du souvenir afin que perdure votre mémoire que je ne saurais laisser à l’abandon.
N’avez-vous donc pas honte de nous avoir jetés dans ce cataclysme ? De nous avoir dépossédés de nos biens et nos âmes, avec tant de brutalité et de cruauté ? Vous, qui étiez en position suffisamment forte, vous, qui aviez gagné dans cette innommable guerre, le droit de faire valoir LE DROIT et triompher la JUSTICE et la RAISON , vous qui aviez le droit, enfin, d'imposer" la paix des braves", sauvant notre Algérie de la misère et nous de la haine et de la colère ?
A quels misérables intérêts avez-vous sacrifié pour perdre ainsi la face et précipiter les peuples, dont vous aviez la confiance et la charge, dans le plus noir des chaos.
Avec ses frères de sang ou de sol, injustement martyrisés moralement et physiquement, c'est Rosalind, l'enfant d'Alger, qui demande réparation sans restriction aucune !
Brûle ardente, flamme du souvenir !…
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