vendredi 25 novembre 2011

HORIZONS BLEUS de Hubert Zakine

........................ Derrière nous, la bande de babaos, elle suit tant bien que mal en ahanant à qui mieux-mieux sauf Bernard qui personnalise à lui tout seul l'endurance physique.  En gymnastique à l'école, on  le voit que de dos. C'est notre Mimoun à nous. Ma petite sirène, déjà elle repose sur le rocher plat et nous autres, on se débat avec les quarantièmes rugissants. A bout de souffle, j'atteins la terre promise où m'accueille, suprême récompense, le sourire de Colette. Dans un dernier effort, je me hisse sur le rocher. Zarmah! Je fais cuilà qu'il est pas fatigué! Tellement je suis bon comédien, si j'me voyais dans une glace, j'me croirais! Au moment où je m'apprête à lui sortir le baratin que j'avais apprivoisé pour Carmen, Luc qui semble avoir compris mon intérêt pour sa cousine y  me coupe mon élan en m'apostrophant avec un sourire narquois au coin de ses lèvres de baboin:

--" Tu sais pourquoi Colette elle a voulu venir cette année au cabanon?"
Qu'est-ce qui m'énerve çuilà avec sa tête de tchic-tchic à trois faces.
--" Ya r'mar que tch'es! Hier encore j'la connaissais pas! Et tu veux qu'je saches pourquoi  elle est venue cette année? » 
 Mais ce bâtard de la cuisse gauche même pas y se démonte. Au contraire, ses yeux, sa bouche, ses oreilles y jubilent. Je suis sur, y va me sortir la nouvelle qui va me démolir, me couper en morceaux, la tête d'un côté et le cœur à l'opposé. Y bave de plaisir ce coulo et moi j'attends l'épée de Damoclès qui va me niquer le moral.
--" Parce que son fiancé, il a un cabanon aux Bains Romains!"
Instantanément, je redeviens zombi. L'envie de me noyer, elle me tape le coup de la séduction. Mais la vérité, c'est difficile de se noyer quand on sait nager! Ce rocher, en plus, il est tellement fréquenté que j'arrive même pas à me concentrer sur mon malheur. Pourtant, par moment, je me sens sur une île déserte. Robinson Crusoë c'est moi! Allez! Y faut que je me ressaisisse! Ma mère, toujours elle dit : " Tant qu'il y a de la vie, y'a d'l'espoir!" 
D'abord, où il est ce fiancé qu'je le dobze? Ch'uis sur qu'il est vilain qu'il en peut plus! Quand y va voir comme je suis beau et tout et tout, y va déclarer forfait. A savoir même  si y va pas partir pour une terre lointaine? Exilé volontaite y va devenir! Raïeb! J'ai jamais voulu ça mais à la guerre comme à la guerre, hein!
--" C'est vrai que tch'as un fiancé qui t'attend à Bains-Romains?"
Purée, mon cœur y s'prend pour Big Ben! Alger y sonne les douze coups de midi à dix heures moins le quart.
--" Fiancé? Tu es fou! je connais un garçon qui nage avec moi aux Groupes Laïques et ses parents ont un cabanon à Bains Romains, c'est tout!"
--" Mais tu marches avec lui ou non?"
Ma bouche elle se demande encore comment elle a eu le courage de lui poser une question aussi indiscrète et aussi lourde de conséquences. Quant à mes oreilles, à cet instant, elles seraient truch, je serais le plus heureux des babaos de la planète. Qu'on aille vite me chercher des boules Quies et qu'on me les enfonce dans les oreilles comme elle fait ma mère avec les cotons imbibés d'huile chaude quand je toussote un chouïa et qu'elle me croit à l'article de la mort.
--" Un peu!"
Sidéré, je reste. Le zombi, y meurt une deuxième fois! Qué, un peu! Ou elle marche ou elle marche pas! Qué ça veut dire un peu. Elle fait quand même pas dix mètres et elle l'envoie chez sa mère, quand même? Purée, cette journée, ces vacances, j'en ai marre! Le karse y va me pourrir la vie comme ça jusqu'à ma mort ou quoi? Qué j'ai fait au Bon Dieu pour qu'il m'en veuille à ce point. Amman, pourtant, j'ai fait tous mes devoirs avant de venir au cabanon. Et aussi, j'ai tapé une année scolaire carabinée même que mon maître il a recompté dix sept mille fois mes notes avant de me féliciter tellement il était surpris. Aouah! Comme il a dit le poète, y'a pas d'amour heureux! Deux filles dans la même journée, je perds! Carmen et Colette. Qui dit mieux! Une corde pour me pendre, voilà c'qui me faut. La pauvre, ma mère! Toute la peine qu'elle va se taper. Et aussi c'est de sa faute! Pourquoi elle a pas donné naissance à un mélange de Robert Taylor et de Steward Granger? Beau et musclé comme un dieu j'aurais été! Ba!Ba!Ba! Toutes les filles j'aurais tombé! Et c'est pas ce petit nageur des Groupes Laïques qui aurait pu jouer dans la cour des seigneurs. Deux calbotes, une botcha et j'aurais emporté Colette sur "La Perle Noire". Ma mère elle aurait pu écrire comme dans le film : " Tous mes fils étaient vaillants" ! Tan tan tan!
Total, elle va écrire :" Mon fils c'est le roi des badjej! La honte à la figure, y me fait!"
--"Et comment y s'appelle? Tarzan?" je questionne méchamment.
--" Bobby!"
Bobby? Qu'est ce que c'est qu'ce genre? Zarmah, il est américain! Bobby! Total y doit s'appeler Antoine ou Raymond! Yen a, j’vous jure !
Luc, gomme arabique comme  pas deux, y rajoute une couche:
--" Quand c'est qu'on va  voir Bobby?" y lance faussement innocent.
--" Demain le Bon Dieu il est grand!"  elle répond sa cousine que, mon ami, elle a été élevée à bonne école. Parce que les femmes d'ici, toujours elles lâchaient cette phrase quand elles refusaient de prendre une décision immédiatement. Les hommes eux, ils utilisaient cette expression quand la flemme elle les empêchait de lever le petit doigt. Alors y remettaient au lendemain ce qu'y pouvaient faire le jour même.
Peut-être que Colette elle meurt d'impatience de revoir ce Bobby de malheur mais elle feint l'indifférence pour pas que j'me suicide aujourd'hui. Mainant, peut- être mon charme oriental il a déjà fait des ravages. A saoir! A peine je me remonte le moral que Colette elle se rétracte pas!
--" Remarque! On peut y aller cet après midi!"
Elle souffle le chaud et le froid comme une grande courtisane qui jongle avec ses prétendants. Purée de comédienne! Toujours est-il que "la flèche brisée" décochée au moment où je m'attendais le moins, elle m'atteint en plein cœur. James Stewart même pas y vient à mon secours.. Mais aouah, seul avec mes tourments, je reste.
Pour ajouter, y me faut m'encourager à regagner la plage qu'elle me paraît à des milliers de kilomètres tellement ch'uis mort de fatigue et d'énervement. Allez va! J'me jette à l'eau comme un sac de pommes de terre. Je nage à la dégouttée en espérant rencontrer deux ou trois crocodiles affamés mais à part ceux qui habillent les polos Lacoste, des bestioles de ce genre y'en a pas bezef dans notre Méditerranée. C'est bien ma chance!
A SUIVRE....................

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