lundi 24 octobre 2011

SQUARE GUILLEMIN -26 -de Hubert Zakine


L’alliance, le catéchisme des juifs, y reprend le quinze septembre. C’est le début de la fin des vacances avec le cours du jeudi matin pour tous les enfants qui préparent leur communion. Heureusement, tous les copains on est de 1944. Alors, à la rue, à l’école ou à l’alliance, on est toujours les mêmes babaos sur les bancs. Rien qu’on rit et qu’on déconne même si nos maîtres de la rue Suffren, y sont plus sévères. Y sont tellement convaincus de la bonne parole et du bien fondé de l’enseignement prodigué à la synagogue, que personne y renâcle avec la discipline. C’est comme ça et tout le monde y se tient à carreau. Alors, nous les enfants, on se fait un  devoir de réussir l’examen qui nous permet de faire notre Bar Misvah et le tour il est joué. Tous les matins, on tape le bain et l’après midi, on se retrouve au jardin. Là, avec Nicole et ses copines, on coule les derniers jours de vacances à faire semblant d’être sages mais sage n’a qu’un œil. On va voir plus souvent qu’à notre tour si Toututil il est toujours là. On frotte un maximum mais sans se dévergonder. On sait que plus tard, on se rattrapera et, à ce moment là, attention les yeux, Mani y risquera d’attraper des compères loriot à chaque œil.
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C’est le mois des fêtes juives Roch Hachana et Yom Kipour, le nouvel an et le grand pardon. Pour la première fois depuis trois ans, Capo y va manquer à l’appel du Grand Pardon. Capo, par solidarité avec ses amis juifs, il a l’habitude de faire le jeûne avec nous. Le quartier, il est le symbole de l’entente judéo-chrétienne. Les Abergel, Lévy, Sayag, Bellaloum, Atlan  y sont amis avec les Vuolo, Dumanois, Riquelme, Capomazza, et autres Pappalardo. Et tout ce beau monde y s’entend comme larrons en foire. Sitôt qu’un enfant est malade, on lui demande pas sa religion pour se faire du mauvais sang, ma mère en tête. Et quand une communion ou un mariage il embrase le quartier, c’est la fête dans les coeurs chrétiens, juifs ou arabes.

Pour Roch Hachana, on mange des mets sucrés pour que l’année elle soit douce. On mange les grenades en signe d’abondance et pour le Grand Pardon, on fait un bon repas, le seder, pour tenir les 25 heures du jeûne. Il est interdit de travailler durant Yom Kippour, de se laver et de se frictionner le corps, d’avoir des relations intimes et de porter des chaussures en cuir. Pour les relations intimes, ça me concerne pas mais avoir l’interdiction de se laver, quand on a douze ans, quel pied de répondre à sa mère quand elle nous envoie nous laver : c’est péché ! Toute la journée, avec les copains et les amis, on traîne dans les rues et quand Nicole elle nous rejoint, on se fait plaindre un maximum. Plus question de se faire embrasser, de se faire payer un beignet italien, de faire la bagarre ou de jouer au foot. Rien qu’on veut se faire plaindre. Moi, je veux que Nicole elle  s’émerveille de ma résistance à la faim, à la soif et à la souffrance. La classe ! Quand elle sera partie, avec les amis on se rendra à la synagogue de la rue de Dijon pour participer aux derniers instants de la fin du jeûne avec la sonnerie du shoffar. Le lancer des dragées y provoque la ruée des gobieux puis, bras dessus, bras dessous, la jeunesse elle remonte l’avenue de la Bouzaréah. Pour les femmes qui sont restées à la maison, c’est le signal d’allumer les lumières pour accueillir les hommes de la synagogue. Un bon chocolat pour casser le carême et un coucous au beurre termine cette journée. Touts les juifs y sont pardonnés et tant qu’on y est, tous les catholiques aussi parce qu’à leur manière, soit en allumant le gaz, soit en accompagnant leurs amis dans le jeûne, y se sont rendus utiles. En prouvent tout simplement leur attachement à leurs amitiés. Malheureusement, ce jour y dure qu’un jour et le lendemain, y faut encore se laver derrière les oreilles, faire le petit yaouled pour ma mère et préparer la rentrée des classes. 

C’est la vie d’un enfant de Bab El Oued que la vérité, y préfère se taper un bain dans la méditerranée plutôt que de se noyer dans les problèmes de mathématiques. Aouah, chaque été, y nous prouve que l’enfant du faubourg, comme un cheval fou lâché dans la prairie verdoyante de le jeunesse, il est fait pour l’insouciance et le bonheur de vivre, là où sa mère elle lui a donné le jour, pauvre peut être mais riche d’une multitude d’agréments que seuls les humbles gens sont capables de découvrir et d’apprécier : la richesse du cœur, le rire à gorge déployée, le bonheur tout simple de manger une mouna dans une clairière, de taper cinq avec un ami d’enfance que l’on garde toute la vie. Putain, je suis devenu philosophe tout au long de ce livre que je me suis régalé à écrire. L’été algérois, mes amis d’enfance que j’ai conservé malgré l’outrage de l’indépendance, des visages qui ont traversé mes souvenirs pour revivre un instant parmi les méandres de ma mémoire, d’autres qui se sont éloignés à pas lourds pour rejoindre le grand ciel de l’éternité, ma petite fiancée de Bab El Oued que j’ai conservé tout au fond de mon cœur d’éternel adolescent, Tout m’était bonheur en ce temps là ! Je n’oublierais jamais!
FIN
CETTE HISTOIRE EST PUISEE DANS LE GRENIER DE MES SOUVENIRS. LES AMIS, LES VOISINS, LE PETIT PEUPLE DE BAB EL OUED, TOUT EST VRAI! MAIS CHACUN SAIT QUE LA MEMOIRE EMBELLIT LES SOUVENIRS. ALORS......................................

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