mardi 25 octobre 2011

LE DESTIN FABULEUX DE LEON JUDA BEN DURAN " SIEUR DURAND D'ALGER" de Hubert Zakine

UNE COULEUR=UN OUVRAGE
N° 6
Sur le chemin du retour, le regard posé sur un paysage rendu capricieux par la route cahoteuse, David DURAN se fit la promesse d'atténuer la souffrance de son peuple en le sortant de la condition moyennageuse dans laquelle l'avait enfermé le joug ottoman. Le statut de "Dhimmi" qui, à l'inverse de " l'infidèle", était censé le protéger et lui ouvrir le droit de jouir de tous les privilèges, le cantonnait dans une position de citoyen de dernière catégorie, lui interdisant, entre autres brimades, de monter un animal aussi noble que le cheval, de porter des vêtements verts ou rouges, couleurs du drapeau turc, d'enfiler des babouches recouvrant les talons qu'une loi ubuesque obligeait à toucher le sol à chaque pas afin d'en salir l'extrémité, de baisser les yeux face au regard du musulman et, à fortiori, d'un ottoman.

Quiconque transgressait cette charte dite d'OMAR, du nom du calife, successeur de MAHOMET, qui rédigea ce texte, était exécuté sur-le-champ

Les douze règles de cette loi très stricte et rigoureuse interdisaient toutes, de parler, d'écrire, de commenter, de railler le CORAN, le PROPHETE et l'ISLAM ou de concurrencer, dans quelque domaine que ce soit, un musulman et valaient, à son auteur, sans autre forme de procès, la peine de mort par pendaison ou décapitation.

Cela offrait aux Deys et autres caïds, mille et une possibilités de se débarrasser d'un juif encombrant et, aux musulmans de se livrer à la chasse aux enfants d'ISRAEL, sans redouter les foudres du pouvoir ou de quelque dignitaire étranger.

Parvenu à destination, David DURAN se plongea dans un bain chaud préparé par la petite mémé. Il ôta ses vêtements européens pour une tenue à l'ancienne qui sentait bon l'Orient, le persil arabe, la jeunesse de sa vie, ses parents, sa terre natale. Il effaçait un maquillage, un déguisement, une deuxième peau qu'il s'obligeait à porter afin de paraître aux yeux des ottomans et des dignitaires européens. Tout, en lui chantait la "kasbah", les trouées de ciel bleu échappées des ruelles étroites, les mélopées judéo-arabes qui parlaient à son âme, le voisinage grandiloquent, les légendes des vieux conteurs musulmans encerclés par la multitude d'enfants aux pieds nus, les odeurs et les saveurs orientales, le mystère de ce peuple pauvre, besogneux, maltraité et pourtant, si bon enfant.

Il enfila un ample saroual bouffant, serré aux chevilles, laissant apparaître des hautes chaussettes noires ou blanches selon la saison, une chemise à col ras du cou, un caftan de tissu précieux, finement brodé de fils d'or, la "relila" jetée sur les épaules et les sempiternelles babouches aux pieds. Il prit place dans son fauteuil puis laissa vagabonder ses pensées vers les évènements de juin qui bouleversèrent la communauté et entraînèrent cette promotion pour le moins inattendue.

YYY

Après deux tentatives avortées, son prédécesseur au poste honorifique de Chef de la Nation Juive, Nephtali BUSNACH ( 3-2-1800 / 28-6-1805 ), avait été assassiné au mois de juin à EL DJEZAIR par un "janissaire" dans le bureau du représentant de son ami, le Bey de CONSTANTINE.

Suivirent deux journées d'émeutes spontanées, encouragées, il est vrai, par la mansuétude des autorités locales et par le vieux réflexe de rendre les juifs responsables de toutes les exactions ou calamités subies. En l'occurrence, le prétexte s'enchaîna à une famine qui sévissait, alors, en EL DJEZAÏR dont Nephtali BUSNACH, exportateur de grains pour le compte de la Régence, fut  rendu responsable et le détonateur ressembla fort à une collusion entre les janissaires, la multitude et le dey.

Les musulmans brûlèrent les magasins et les échoppes tenus par des juifs, ignorant, sans doute, que les propriétaires étaient, pour la plupart, fils d'ALLAH. La synagogue SARFATI fut saccagée et, plus grave, quatorze fidèles y furent assassinés. La "Thora" fut lacérée et la meute de pillards tua tous les juifs qu'elle croisa dans les rues d'une capitale en folie.

Le Grand RABBIN, dépassé par les évènements, obtint, malgré tout, du Consul de France DUBOIS-THAINVILLE qu'il hébergeât les cibles de cette sauvagerie. Grâce à sa vigoureuse intervention, plus de deux cents vies furent ainsi préservées.

De leur coté, les notables de la communauté se mobilisèrent pour soustraire un grand nombre de victimes potentielles, en versant une taxe à la milice qui installa, alors, un semblant de protection  réussissant, néanmoins, à dissuader les "chasseurs de juifs".

Attaqué de toutes parts, le Dey MUSTAPHA PACHA, qui avait échappé à un attentat le 17 mars 1805, brava le corps des Janissaires en nommant, le 30 juin 1805, Chef de la Nation Juive, Joseph COHEN-BACRI, associé, oncle et beau-père de Nephtali BUSNACH.

Loin de calmer les esprits, cette distinction inattendue qui ressemblait fort à une provocation, fut reçue comme telle par les Janissaires qui reprochaient au clan BUSNACH-BACRI de profits illégaux sur le dos de la population ottomane . La révolte qui grondait dans les rangs de l'"Odjac" s'embrasa et le 31 AOUT 1805, MUSTAPHA PACHA fut étranglé et projeté hors les murs de la porte BAB AZOUN  par l'homme qui allait lui succéder à la Régence d'EL DJEZAIR, AHMED BEN ALI (1805-1809).
YYY
A SUIVRE.............................

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