mardi 18 octobre 2011

LE DESTIN FABULEUX DE LEON JUDA BEN DURAN " SIEUR DURAND D'ALGER" de Hubert Zakine N° 6

La valse des Deys
En cette chaude matinée de septembre 1805, l'été se laissait glisser nonchalamment vers un automne peu pressé d'endosser sa parure d'or et de pourpre. Les éventails des palmiers-balancelles frissonnaient imperceptiblement. La mer, attentive et câline, fredonnait la chanson de ses noces avec la ville endormie. Sur les coursives encore surchauffées, les femmes roulaient la graine dans la "kesrah" de bois, en une gestuelle transmise de génération en génération. S'échappaient de ces théâtres enluminés, de ces paliers enfumés, des senteurs de thé à la menthe et des relents de recettes de grands-mères. La citronnade fraîche rameutait les enfants assoiffés qui buvaient si goulûment que le délicieux nectar  débordait de chaque côté de leurs lèvres avides.

Les grands négociants préparaient activement leur saison d'hiver en s'approvisionnant de denrées alimentaires et de vêtements chauds destinés aux populations des régions froides du pays.

David DURAN, à l'image de cette fin de saison, ralentit son pas aux abords du Palais  de la "JENINA" situé à la croisée des artères principales de la blanche cité, les rues BAB AZOUN, BAB EL OUED et BAB EL DJEZIRA.

Installation très ancienne datant de la fin du XVème siècle, résidence de Selim ETTEUMI,  Roi d'EL DJEZAÏR et vassal du Roi d'Espagne, le Palais de la "JENINA" abritait, à présent, le nouveau maître des lieux, AHMED BEN ALI qui invita David DURAN à l'attendre dans le patio d'été où le chant de six tourterelles, enfermées  à l'intérieur d'une cage de style arabo-andalou, accompagnait la rumeur limpide d'une fontaine perpétuelle. 

Le  nouvel homme fort du pays était de corpulence moyenne, arrondi à la taille, offrant une impression de bonté qui contrastait, singulièrement, avec le regard d'acier et le ton péremptoire employé. Impression fugitive qui ne résista point à la réalité d'un AHMED BEN ALI, annonçant dans un sourire enfantin qui illumina son visage joufflu barré d'une moustache dessinée en accent circonflexe, la nomination de David DURAN au poste honorifique de Chef de la Nation Juive en remplacement de Nephtali BUSNACH.

La coutume voulait que le nouveau  maître de la régence, sitôt entré en fonction, désignât des collaborateurs indépendants de l'ancien régime, renforçant, ainsi, un pouvoir pourtant quasi monarchique.

Interloqué, David DURAN ne dit mot. "Drogman" du Dey précédent, il aurait dû, selon les critères de sélection en vigueur, disparaître de l'entourage ottoman. Il dévisagea l'homme rondouillard et lut dans son regard gris qu'un refus serait interprété comme une offense, voire, une insulte.

Il accepta la charge en prenant le soin de laisser transparaître un manque d'empressement qu'AHMED BEN ALI rattrapa au vol, laissant deviner à son tour, une finesse d'analyse qui tranchait avec la lourdeur d'esprit de son prédécesseur MUSTAPHA PACHA.

" Le pouvoir est toujours trop lourd à porter, mon ami ! C'est en toi que je place ma confiance ! Ne me déçois pas !"

YYY

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