EXTRAIT DE "HORIZONS BLEUS" de hubert zakine
Le dimanche suivant, alors que l’odeur du brûlé elle commence à se dissiper et que tout le monde il est à peu près remis de ses blessures, de ses coups de soleil ou de ses émotions, d’un commun accord avec nous z’autres, on prend la décision unilatérale de taper la revanche au foot sur le terrain des Horizons Bleus. Purée l’engouement, j’vous dis pas. Y manque que Tony Arbona, le roi des speakers sportifs d’Afrique du Nord et des z’alentours.
Les jeunes, les vieux, les manchots, les boiteux, les unijambistes, les culs de jatte, les aveugles, les sourds, les muets, tous y veulent participer au match du millénaire. (j’exagère un chouïa !) Ceux qui z’en touchent pas une au foot, ceux que le Bon Dieu du football il a posé les yeux et la main sur eux, ceux qui cassent toutes les jambes qui se présentent, ceux qui se prennent pour des professionnels, ceux qui dribblent même leurs partenaires, ceux que les règles du football c’est du chinois et de l’hébreu réunis, ceux qui perdent leurs savates au moindre tir, ceux qui rouspètent sans arrêt, ceux qui tapent le match que pour rigoler, ceux qui croient que c’est la coupe du monde et que sara-sara, y crient « péno » comme si leur vie elle en dépendait, ceux qui font mine de quitter le terrain si on leur donne pas raison, ceux qui arrêtent la partie pour discuter les décisions de l’arbitre qu’il a d’arbitre que le nom et même pas le sifflet, ceux que leur « cuissette » elle tient pour l’amour de Dieu et qu’y jouent en tenant la ficelle qui leur sert de ceinture, ceux que la loubia du midi elle leur remonte et qui réclament à leurs femmes de leur apporter du bicarbonate citronné, ceux qui se foutent du résultat comme de leur première leçon de géographie, ceux qui ahanent comme une locomotive à vapeur du siècle dernier, ceux qui crachent leurs poumons, ceux qui tapent le zbérote en se roulant parterre à la moindre poussette dans le dos, ceux qui saluent la foule chaque fois qui tapent un coup de temeniek, ceux qui sont tellement nuls que personne y leur fait une passe, ceux qui se prennent pour un autre, comme Pons qu’il est fartasse et qui joue avec un bandeau autour de la tête zarmah pour se tenir les cheveux, ceux qui commentent avec humour « ô Pons, pourquoi tch’as pas mis la gomina ? » ou « Pons ! pourquoi tu mets le bandeau ? tch’as la migraine ! », ceux qui regardent courir les autres, ceux qui regrettent leurs vingt ans « pour montrer à ces petits merdeux comment on jouait avant ! », ceux qui évoquent Allah, Moïse, Jésus ou Tartempion à cause de la malchance qui les poursuit, ceux qui…ceux quoi…. Tout çà pour passer une après midi hors de commun.
Après l’homérique rencontre de foot-pataouète à nulle autre pareille, tous les héros et même les zéros, acteurs et spectateurs, on a tapé la pancha dans la méditerranée qu’elle était calme comme une assiette de soupe de fèves.
Cette journée, elle raconte au plus près de la vérité la mentalité de ces gens simples et heureux. Dans un décor apocalyptique d’une forêt calcinée, chacun avait fait abstraction de ce drame de la bêtise humaine qui avait mutilé le magnifique décor du littoral algérois. Cette journée, elle demeure comme le témoignage de la naïveté de ce peuple qui puise dans la difficulté de la guerre, la force d’aimer la vie.
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