vendredi 18 mars 2011

IL ETAIT UNE FOIS BAB EL OUED - CHAPITRE 21 - de hubert zakine

CHAPITRE QUATRIEME
LES COMMUNAUTES
LES GITANS
Ils arrivent d’Andalousie via l’oranie dans leurs roulottes bringuebalantes transportant leurs tireuses de bonne aventure, leurs vendeuses de dentelles, leurs vendeurs d’oublis et de guimauve. Ils tondent les chiens. Ils rempaillent les chaises. Leurs femmes posent comme modèles d’artistes sous la surveillance des mâles de la famille. Les peintres sont fous de leurs chevelures grasses comme des plantes, richement habitées, onduleuses et libres qu’elles laissent flotter au vent sur leur dos luisant comme un symbole de liberté. Dès leur plus jeune âge, les gitans dansent, jouent de la mandoline et chantent des airs mélancoliques rapportés de nombreux pays traversés.
Leur mauvaise réputation les précède et s’ils vendent des volailles, ils sont traités aussitôt de « voleurs de poules ». Ils installent leurs roulottes sur des terrains vagues, à la lisière des grands axes de Bab El Oued à l’intérieur d’un périmètre qui part de la future rue Montaigne et se termine au Climat de France via CONDORCET, VASCO DE GAMA et LIVINGSTONE.
Plus tard, leur besoin d’espace et leur rejet de la sédentarisation les amènent dans les métiers de la fête foraine et plus particulièrement des manèges pour le plus grand plaisir des enfants.
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CHAPITRE QUATRIEME
VIE ET MŒURS
LE LANGAGE
LE PATAOUETE
Quand naît la langue pataouète? Dieu seul le sait. Toujours est-il que du brassage des populations apparaît un dialecte méditerranéen à nul autre pareil. Il s’enracine dans la rue, au sein des cafés, sur les stades et les places avant de convoler en justes noces avec le succès grâce à des journalistes et des auteurs littéraires ou artistiques. Cette langue nouvelle, cueillie sur les branches de l’arbre grammatical français si difficile à appréhender pour les étrangers, ce langage, support de toutes les influences méditerranéennes, objet de tous les atermoiements, de toutes les déformations originales et creuset de tous les apports linguistiques s’enroule autour du faubourg et s’immisce entre la langue maternelle, l’arabe, le juif et le français pour s’imposer comme le langage universel de Bab El Oued.
C’est à la fin du XIX ème siècle que Cagayous se révèle à la population d’Algérie. Musette, de son vrai nom Auguste ROBINET, ouvre les portes de la littérature spécifiquement « pied noir » en offrant à la curiosité du public un feuilleton tiré d’un personnage qui jongle avec les particularismes de ce peuple issu de tous les pays de Méditerranée. L’innovation et le bouillonnement de ce langage « ralota » exprime avec force et humour l’amalgame et le brassage des différences existantes entre l’espagnol et l’italien, le juif et l’arabe, l’alsacien lorrain et le provençal, le corse et le mozabite. Une langue nouvelle naît d’une race nouvelle. L’écriture rejoint le parler de la rue. Un peuple nouveau entre dans la ronde littéraire.
Paul ACHARD, GAbriel AUDISIO, Roland BACRI, Geneviève BAÏLAC, Louis BERTRAND, Edmond BRUA, Fernand BUS, Ferdinand DUCHENE, Gilbert ESPINAL, Liana PRIOLI, Robert RANDEAU, Jean SIMONNET, Charles-André MASSA, Robert CASTEL et beaucoup d’autres s’engouffrent dans la brèche afin d’immortaliser le Pataouète dans le paysage culturel français. Edmond BRUA réécrit LE CID dans une parodie où l’auteur laisse libre cours à son délire verbal, Roland BACRI après le LITTRE, le LAROUSSE et le ROBERT estime nécessaire d’offrir le « RORO « à la réflexion des académiciens, Louis BERTRAND crée « Pépette et Balthazar », Geneviève BAÏLAC fait applaudir Bab El Oued et « La famille HERNANDEZ « jusqu’au Nouveau Monde. Le pataouète devient une langue universelle. Pour la postérité.
Allez va, j’arrête là mes tchalefs oussinon j’me prends une calbote, tout colbate je deviens! Mais entention, çuilà qui me la donne, ma parole d’honneur, « une figue à l’œil », j’lui en mets une que le mur y lui donne une autre! Cha!
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QUELQUES EXPRESSIONS PATAOUETES

- Quand y s’en va, on dirait qu’y revient : celui qui marche à la six- quatre-deux.
- Mais de qui y tire celui-là : la mère qui se posait cette question chaque fois que son fils y faisait une bêtise, elle connaissait la réponse, va : DE SON MARI !
- Va te faire un amant : attention, on envoyait toujours l’interlocuteur mais jamais l’interlocutrice se faire voir par quelqu’un d’autre ! Faut pas exagérer, on savait vivre à Bab El Oued !
- Je te connais comme si j’t’avais fait : tellement que le soleil y nous avait fait semblables, qu ‘on se ressemblait. La palice elle aurait pas dit mieux ! Alors on savait ce que pensait l’autre.
- Cinq dans tes yeux : la main bien ouverte face au mauvais œil pour enlever la schkoumoune.
- Bourricot de la montagne : le même que le bourricot espagnol sauf qu’y parlait pas ibérique alors forcément il était moins intelligent. En fait, y se tenait une couche, j’vous dis pas !
- Que dieu y nous en préserve : une autre manière de se préserver du mauvais œil.
- Va te faire une soupe de fèves : la vérité, tout le monde y préférait la loubia s’il était pas content.
- Tu t’es fait la raie comme le tournant Rovigo : Pour ceusses qui connaissent pas (y doit en avoir deux) le tournant Rovigo, que des virages il avait. Et obligé ou sinon y s’appellerait autrement. Tout y faut vous dire alors ?
- Attache toi et fais du vent : cuilà, le pauvre y croyait qu’il était le sosie de Tyrone POWER et Robert TAYLOR à lui tout seul que total, sans être mauvaise langue, Quasimodo à côté, c’est un Adonis.
- Ferme les fenêtres, y va s’envoler : cuilà, c’est le frère du précédent.
- Avoir les côtes en long : le fainéant, rien que sa mère elle lui reprochait cette anomalie physique. Comme si c’était sa faute ! tssssi !
- Il a la tête comme un tchic-tchic à trois faces : il est vilain qu’il en peut plus.
- Tu es un plein de vent : çuilà rien qu’y raconte des tchalefs.
- Taper la sérénade à Magali : quand le « patos » y dit « Germaine, le petit pleure ! », le pataouète y rouspète "« Finette ! Cà fait une heure que ton fils y nous tape la sérénade à Magali ! »
- Attaquer ses parents en dommages et intérêts : la vérité, faire des enfants aussi vilains que les frères k......, ( je dis pas le nom, j’ai pitié quand même) çà mérite pas de passer au tribunal ?
- Une figue à l’œil, je le dobze : tellement ch’uis plus fort, ya pas photo. Les yeux bandés, je gagne. Quel fanfaron ch’uis !
- J’te donne une, le mur y t’en donne une autre : deux contre un on est. Le mur il est avec moi.
- Y lui reste que les yeux pour pleurer : nu et cru, le pauvre y reste.
- Elle l’emportera pas au paradis, va : toute sa vie elle a été mauvaise ; mais cette fois, çà va pas lui porter chance, c’est moi qui t’le dis !
- Descendre le lit à la rue : la rue c’est la deuxième maison. Les mères, rien qu’elles se lamentaient pace que les petits y restaient en bas la rue au lieu de monter souper.
- Faire Pâques avant les Rameaux : les garçons pataouètes (et quelques filles) rien qu’y voulaient inverser les dates du calendrier. Asaoir si le Vatican il était d’accord ? Jamais avant le mariage, espèce de gros sans-gêne !
- Le ménage y se fait pas tout seul : alors mieux vous traînez pas dans mes jambes. Comme çà, elles nous parlaient nos mères, vous vous rendez compte !
- Les yeux de merlan frit : une autre version des yeux « balala » de ceux qui restaient babao devant une nouvelle qu’elle les laissait pantois.
- Comment tch’étais, comment tch’es devenu : la vérité ! est-ce utile de vous fournir la traduction. Comme je suis révérencieux avec les femmes, je m’adresse rien qu’aux hommes. « regardez vous dans une glace ». Bou, je vais me faire lyncher. Oh, moi aussi, j’étais le plus beau du monde et des alentours ! aujourd’hui, ch’uis seulement le plus beau du monde. Je plaisante ! ! ! ! !
- Çà sent le renfermé : Les femmes pataouètes elles aiment pas la poussière alors elle aère un maximum ; le courant d’air c’est leur ami le plus proche pace qu’elles aiment pas le renfermé. A Barberousse, qué çà doit sentir ? Man yafourah !
- J’ai pas la bourse de ROTSCHILD : qui c’est qui l’a à part Rotschild ?
- A la six-quatre-deux : à la babala, à la va comme j’te pousse.
- Changer l’eau des olives : moi, c’était au pissoire du jardin Guillemin que je changeais l’eau des zitounes. Et vous z’autres ?
- Ce garçon, c’est une canule à lavement : franchement, l’impact d’une canule à lavement il est pas plus fort qu’un enquiquineur ? La vérité. En plus, l’image elle est plus forte. Pour résumé, une canule à lavement c’est un enquiquineur puissance mille !
- Taper une olive : taper une olive au sens propre (encore que..) c’est toucher les fesses d’une femme ( les tapettes, très peu pour moi, merci ). Au sens figuré, c’est taper un coup de téméniek à quelqu’un, une feinte.
- Oh ! Ton père il est vitrier ?: toujours tu restes devant moi, alors plus rien je vois !
- Je peux pas le voir en peinture : même avec un beau cadre et tout et tout, il est quand même vilain ! je l’aime pas !
- Y me sort par les yeux : y’en a qui sortent par la porte, d’autres de la cuisse de Jupiter, alors obligé, on en a marre de les voir et de les entendre.
- Une moins que rien : une fille perdue. Pas pour tout le monde, va. Y’en a j’vous jure !
- Partisan du moindre effort : le pataouète, il est pas fainéant, il est partisan du moindre effort ! Nuance !
- Boire du petit lait : cuilà qu’il était heureux, cha! cha ! ou alors qu’il avait fait une couillonnade en bâton et qu’y voulait se faire pardonner. Un babao, quoi !
- Garder ses forces pour tirer la chasse : recommandé à tous les « partisans du moindre effort ».
- Demain le bon dieu il est grand : la version pataouète de « à chaque jour suffit sa peine » sauf que nous z’autres on avait des escuses à cause de la chaleur qu’elle nous obligeait à « taper la sieste », et alors !
- Son manteau, c’est un cache-misère : un beau pardessus vaut mieux qu’un beau par dessous, ma parole !
- Antiquité, ma grand mère, elle s’habille cette fille : l’officiel des antiquaires , même plus y côte la robe et la fille, alors !
- L’école et toi, vous êtes pas passés par la même porte : je connais pas un élève qu’il a pas reçu cette constatation marquée de bon sens dans les gencives.
- Ce petit, il est en nage : les enfants pataouètes y transpiraient pas. Y z’étaient en nage. Même si savaient pas nager.
- Ce petit (c’est le même) y va me tomber dans un lit : après avoir été en nage, il attrape une congestion et y tombe dans un lit.
- Y faut avoir tué son père et sa mère : ma mère la pauvre c’est çà qu’elle a dit quand elle a su qu’on allait habiter la banlieue parisienne. Avec le train et tout ! Bou arlékoum, nous z’autres !
- Quel cassement de tête: la femme pataouète c’est la reine du mauvais sang, du cassement de tête, quoi !
- Ton mari, tu devrais l’envoyer chez ROUBI : cuilà que sa tête elle jouait aux tchic-tchic, on l’envoyait chez Roubi, l’asile d’aliénés de chez nous.
- N’en toucher pas une : quand c’était le cas, au lieu de récolter des applaudissements, le chanteur ou le footballeur, y recevait des tomates.
- Se noyer dans un verre d’eau : rien à voir avec GOTVALLES ! Ce babao, tout, c’est pire que chercher une aiguille dans une botte de foin ! Il est pas dégourdi pour un sou. Ou alors, c’est un fainéant.
- Ces cheveux, y te mangent la figure : le contraire de fartasse. quand les cheveux tellement y sont longs que ça lui donne une mine de papier mâché.
- Y vaut pas trois sous espagnols, cuilà : une misère çà coûte !
- Donne lui sa mère , j’connais son père: encouragement claironné lors d’une bagarre tête contre tête dans une entrée de maison. Et même dans une sortie !
- Y connaît ni son père ni sa mère : y a des moments dans la vie où la colère elle est mauvaise conseillère. Tête baissée on fonce. Plus personne on connaît. Rien qu’on cogne.
- Çà m’en touche une sans faire bouger l’autre : cuilà qui réussit, y passe illico presto à « incroyable mais vrai » ! ou alors il en a qu’une !
- Faire la chaîne au cinéma : le pataouète il est poli, bien élevé et tout et tout. Alors y tape la chaîne pace que si y tapait la queue ça voudrait dire autre chose, alors !
- Taper cao : faire l’école buissonnière à la mode de chez nous.
- Faire Manca oura : kif kif bourricot
- Se faire morfler l’œil : se faire dobzer dans une entrée de maison ou ailleurs. Seul le résultat y compte.
- Avoir un appétit d’oiseau : c’était le début du mauvais sang pour une mère de chez nous pace que son fils c’était pas un morfal. « y faut manger mon fils! »
- Cette petite, c’est un poivron piquant : cette fille, elle est mauvaise comme la galle.
- Un coup de sminfin coufin : un coup de téméniek, un coup de zouzguèfe, vous êtes pas plus avancés ? un coup de Trafalgar, une feinte, oh vous avez compris ouais ! Comme la grande Zohra. Tiassardo !
- Coup de t’méniek : kif kif bourricot ( d’Espagne )
- Coup de zouzguefe : kif kif bourricot ( de la montagne )
- Pas un y rachète l’autre : quand tous les moutons du troupeau y valent pas cent sous.
- Fagoté comme l’as de pique : cuilà qui s’habille à Bab Ej Did plutôt que chez DIOR ! Le gavatcho dans toute sa splendeur.
- Avoir un trou qui fait de l'air : adressé à celui qu’il est toujours jamais content
- Marque dommage : tant pis!
- Que le Bon Dieu y me crève les oreilles pace que si y me crève les yeux, plus rien je vois !

ETC......ETC.....................


A SUIVRE LE CHAPITRE 22

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