mardi 14 décembre 2010

BAB EL OUED ENCORE ET TOUJOURS

Le faubourg de Bab El Oued fut fondé par des immigrants venus en espadrilles ou pieds nus avec pour seules richesses leurs filets de pêche ou leurs chèvres mais surtout leurs bras.

Rudes à la besogne, courageux, opiniâtres, ils furent une précieuse main d'œuvre pour les premiers entrepreneurs ; Maçons, plâtriers, peintres, carreleurs, menuisiers, charpentiers, cordonniers, bourreliers ou encore forgerons, ils participèrent activement à l'essor de la colonisation.

Pour se loger ils battirent leurs premières maisons dans le style mahonnais, simples demeures composées de deux pièces où s'installèrent dans les dépendances d'une carrière qui fut baptisée " La Cantéra " (la carrière en espagnol).

En quelques années, les petites maisons se multiplièrent et s'étalèrent jusqu'à la porte de l'Oued.



Ainsi vit jour le quartier de Bab El Oued, le plus coloré, le plus bruyant, le plus populaire où l'espagnol, le mahonnais, I'italien, le maltais et le français étaient parlés par les différentes communautés très liées entre le pataouète la " langue vivante " de Bab El Oued.

Au Nord-Ouest de la place du Gouvernement, la rue Bab El Oued dans le prolongement de la rue Bab Azoun, était une rue commerçante très animée, avec ses arcades majestueuses sous lesquelles grouillait un peuple haut en couleur et en voix.


Au milieu de cette artère à l'angle de la rue de la Casbah s'élevait l'église Notre Dame des Victoires, ancienne mosquée bâtie par Ali Bitchinine (Piccinini), renégat italien et corsaire opulent qui fut amiral des Galères et chef des raïs, qui avait été affectée au culte catholique dès 1843.

L'extrémité de la rue Bab El Oued aboutissait sur une place où se faisaient face la caserne Pelissier occupée par le Génie et le Grand Lycée d'Alger construit en 1867. C'est à cet endroit que jadis se trouvait la Porte du Ruisseau (Bab El-oued).

Au-delà de la caserne Pélissier, le Jardin Marengo avait été aménagé sur ordre du colonel Marengo, par les condamnés militaires sur les pentes abruptes des anciens cimetières

Il était très agréable de s`y promener au milieu des parterres de fleurs et sous les arbres aux essences variées ou encore admirer son kiosque recouvert de faïences émaillées qui jadis abritait un buste du duc d`Orléans. Le nouveau théâtre d'Alger, le Kursâal bâti à côté de la caserne Pélissier sera détruit en 1928 par un gigantesque incendie et jamais reconstruit.
Au-delà s`élevaient à gauche les anciennes fortifications et à droite l'école primaire supérieure de garçons.

On aboutissait ainsi au Bd Farre rebaptisé Bd Guillemin à qui l'on doit les plantations d`arbres des glacis, cascades de jardins dévalant de la rue Mizon aux bains Matarèse en bord de mer.

Au Nord s'étendait jusqu'au large boulevard militaire tracé sur la partie basse de l'enceinte bastionnée le quartier Nelson, bâti à la place de l'ancien arsenal d'artillerie.

Dans son square bordé de palmiers, le monument dédié à la mémoire du peintre Nelson Chiérico faisait la fierté du quartier ainsi que son cinéma construit en bordure du square et inauguré en 1930 : le Majestic était le plus grand cinéma d'Afrique du Nord.

Le Bd Front de Mer surplombant le rivage avait condamné l`accès à la côte, différents rochers n'étant plus accessibles que par la mer.

L'un d'entre eux, I`île aux chats, devait son nom à la prolifération de ces mammifères jetés du boulevard par leurs propriétaires voulant s`en débarrasser
Nourris par des personnes de bonne volonté qui leur lançaient chaque jour de la nourriture composée essentiellement de têtes de sardines, les chats se multipliaient en toute liberté ou presque. Les tempêtes faisant office de régulateur...

La S. P. A locale se battit longtemps contre les adeptes de l`île aux chats en organisant une surveillance et finit par faire cesser cette pratique.

Le quartier Guillemin commençait à l'avenue de la Bouzaréah qui se terminait place des Trois Horloges, cœur historique de Bab El Oued qui était à l'origine le quartier des carriers.

La place des Trois Horloges, la Basseta comme on l`appellait, une déformation de l'espagnol balseta signifiant lavoir, était officiellement la place du Tertre, le lavoir du début ayant laissé la place à la bibliothèque municipale.

Mais demander à Bab El Oued la place du Tertre aurait laissé perplexe plus d'un " indigène " du quartier.
Entre la Basseta et l'hôpital Maillot, ancienne maison de plaisance du Dey, d'où son premier nom d'hôpital du Dey, sera bâtie l'église St Joseph sur une esplanade qui deviendra la Place Lelièvre.

En bordure de rivage, I'avenue Malakoff abritait les ateliers de réparation des Chemins de Fer sur Route d'Algérie aménagés par la suite en dépôt des trams et trolleys d'Alger.

Au-delà de la Salpétrière et de la Consolation, quartier populaire, sur un éperon rocheux s'élevait un fort turc bâti en 1580 par le corsaire Djaffar connu sous le nom de Fort des Anglais.

Sur ce versant du massif de la Bouzaréah s'étendaient les cimetières européens et israélites dominés par la basilique de Notre Dame d'Afrique.

De l'avenue de la Marne à la Consolation le long de l'avenue de la Bouzaréah, les rues Rochambeau, Franklin, Eugène Robe, Montaigne, Léon Roches, etc..

"Trois Horloges, Square Guillemin, Bugeaud, Padovani
 ont gravé leur empreinte sur mon cœur et ma vie
 afin que dans mes yeux ne se lise l'oubli.
 il s'appelait Bab El Oued et c'était mon pays." (H.Z)


Jean Marc LABOULBENE

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