LES PETARDS DE BENSIMON
Alger, il aimait le carnaval. Le vrai, avec des chars, des défilés, des déguisements et tout ! Les confettis y voltigeaient dans les cœurs et parfois dans les estomacs quand un babao, il essayait d’en faire avaler une poignée à un copain.
Mais le carnaval, on le connaissait tous les jours avec celui que les femmes elles faisaient tout au long de la semaine
Ca commençait par une dispute avec la voisine au sujet d’une recette, ça continuait avec la fatmah pour une loubia brulée ou pour un lit mal fait. Y avaient celles qu’elles criaient les enfants par la fenêtre ou qui leur jetaient un bidon d’eau pour les faire taire, y avait celles qu’elles avaient la langue pendue pire qu’une marchande de poissons, y avait aussi les hommes qui faisaient le carnaval mais seulement pour défendre l’honneur de la famille. Alors, là, on leur pardonnait. C’est normal, hein !
Les quartiers, au moins y vivaient. C’était pas comme en France, où les immeubles y ressemblent à des cimetières interdits de visites où le chuchotement est le maître mot.
Le bruit c’était la musique de nos rues alors obligé on aimait le carnaval, le vrai, celui qui jetait les habitants dans les rues. La vie, on la vivait à mort. Les uns y parlaient fort, les autres y gueulaient pour couvrir les voix de ceux qui parlaient fort, les troisièmes y riaient comme des gargoulettes, tout le monde il était heureux. On savait qui avait que la mort qu’on devait prendre au sérieux, alors, on prenait tout à la rigolade. Quand on avait pas un sou en poche, on se moquait des passants. Ca coûtait pas cher et ça faisait pas de mal. Alors, c’est sur on trouvait tous les prétextes pour se taper une bonne tranche de rigolade.
Le défilé des chars, les confettis qui jonchaient le sol, les serpentins à jeter sur les passants, les filles qui se libéraient ce jour là de la surveillance des parents et les garçons en grappes de « chitanes » tentaient de se faire remarquer par une belle petite, les pétards qui assourdissaient les adultes et amusaient la jeunesse, c’était le jour où tout était permis. Sauf que personne n’avait estimé à sa juste valeur le poids de la chaleur dans une ville surchauffée comme Alger. Surtout pas Bensimon, notre copain de l’avenue de la Bouzaréah qui avait acheté une vingtaine de pétards et attendait le moment propice pour les faire exploser. Au passage d’un char où se pavanait une belle demoiselle, dans les jambes d’un copain particulièrement émotif, je sais moi ? Toujours est-il qu’en plein soleil, les pétards dans la poche de Bensimon y z’ont pris feu et y z’ont explosé contre sa cuisse. Personne n’a fait attention à ce bruit assourdissant et au pantalon de Bensimon qui cramait sauf nous autres, ses amis qui criaient à qui mieux-mieux, d’abord pour alerter les adultes et ensuite savoir quoi faire de Bensimon qui sentait le brulé et qui se tordait de douleur. Quand le pharmacien Moyel y s’est rendu compte du drame qui se passait devant la rampe Durando, il l’a immédiatement pris en mains et lui a nettoyé la plaie qu’elle ressemblait à une grenade qui avait éclaté au soleil. Inutile de dire que la journée elle a été gâchée et que depuis, on a une sainte horreur des pétards, ces petites « strounga » que par la suite, on a nous a présenté le reste de la famille qui explosaient à chaque coin de rue.
Je m’souviens d’un coin de rue,
Aujourd’hui disparu,
Mon enfance jouait par là,
Je m’souviens de cela,
Il y avait une palissade,
Des cailloux d’embuscade,
Tout c’qui fut et qui n’est plus
Dans mon beau coin de rue
FIN
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