Alger, à cette époque, bouillonnait d'esprit et d'initiatives artistiques. Outre Robert RANDAU et Jean POMIER, le mouvement littéraire algérianiste compta dans sa mouvance de nombreux écrivains.
C'est avec Abdelkader FIKRI que RANDAU publie en 1933 «Les compagnons du jardin» où un aréopage représentatif débat sans tabou de toutes les questions qui agitent la société algérienne.
Louis LECOQ, né à Alger en 1885; Charles HAGEL, également né en Algérie en 1882. LECOQ et HAGEL écrivirent régulièrement ensemble, notamment le recueil de nouvelles : «Broumitche et le Kabyle».
L'incontestable talent de Louis LECOQ le fit connaître rapidement des milieux littéraires parisiens. Il mourut prématurément en 1932 à l'âge de 47 ans. Charles HAGEL lui-même décéda à 56 ans en 1938. Ces deux disparitions firent défaut, non seulement à l'algérianisme, mais à l'ensemble de la littérature française.
A leurs côtés, nous trouvons les noms de Paul ACHARD, auteur de «L'homme de mer», saga maltaise haute en couleurs (1931), Charles COURTIN qui écrivit «La brousse qui mangea l'homme» (1929), et René JANON avec «Hommes de peine et filles de joie» (1936).
N'oublions pas également Laurent ROPA, quittant avec ses parents Malte pour l'Algérie à l'âge de deux ans; correspondant de la Revue «Afrique» et auteur de «Le chant de la Noria» en 1932.
Nous sommes au cœur des années 30. A tous points de vue, le ciel européen et africain commençait de se charger de terribles nuages. Tout comme en Europe, le second conflit mondial y exerça ses ravages et son rôle d'accélérateur de destins. LECOQ et HAGEL disparus, POMIER commençait de vieillir, tandis que RANDAU avait atteint un grand âge, et Louis BERTRAND s'éteignait à son tour loin des préoccupations algériennes.
L'algérianisme s'étiole dans la guerre et l'après-guerre. Le «méditerranéisme»élargit les perspectives.
Déjà Albert CAMUS et Emmanuel ROBLES ainsi que quelques autres étaient pris dans les vertiges parisiens de l'après-guerre. CAMUS, comme Gabriel AUDISIO ne cesseront ensuite de réguliers retours au pays, avec toujours autant d'amour pour cette terre et les peuples qui avaient ensemble à y vivre. Comme devait le dire CAMUS à Stockholm en recevant son prix Nobel «C'est un Français d'Algérie que vous couronnez». A l'image de ses héros, lui aussi devait connaître une mort absurde et prématurée.
Exceptés la prémonitoire pièce «Le Malentendu», et le roman «L'Etranger», son livre le plus profondément «algérianiste» reste sans conteste son dernier manuscrit, d'ailleurs inachevé. «Le Premier Homme», œuvre posthume, fut publié en effet trente-quatre ans après sa disparition. Peut-on y lire une analyse de la fatalité ?
Durant la guerre de 1954/62, le mouvement algérianiste se trouva naturellement amené à une nette mise en veilleuse de ses manifestations désormais inadaptées. Les armes étouffant l'esprit. Oeuvre tardive, mais totalement pénétrée de l'esprit algérianiste, «Cette haine qui ressemble à l'amour», du grand Jean BRUNE est publiée en 1961.
Jean POMIER est mort, à la fois chez lui dans sa ville natale de Toulouse, et en exil loin de cette Algérie qui l'a fait fondateur de l'Algérianisme. Ce mouvement était-il disparu avec ses créateurs et les espoirs des Français d'Algérie ? N'était-ce pas un défi que d'imaginer une culture se perpétuant coupée du terroir qui lui a donné naissance ?
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