SUITE - 2 -
On voudrait préparer des lendemains rendant inéluctable l'évacuation totale des Français de l'Afrique du Nord que l'on n'agirait pas autrement.
Les Français d'Algérie, qui avaient quelque droit de s'enorgueillir de l'oeuvre accomplie par eux et surtout par leurs ascendants — dont les tombes garnissent les cimetières du bled africain — vont-ils être acculés à cette extrémité ?
Certains, déjà, songent à cette solution, combattue par beaucoup. Leur laissera t-on le droit de se défendre auprès de leurs frères de France, odieusement trompés sur la situation exacte existant au sud de la Méditerranée ? Leur permettra t-on de souligner l'injustice criante que l'on commet à leur égard et qui risque — en compromettant gravement la situation de notre pays sur la plateforme, désormais historique, qui a sauvé la civilisation dans le duel gigantesque qui vient de prendre fin — de diminuer à jamais la position de notre nation dans le concert européen ?
Trop de mensonges effrontés ont été répandus. Un malentendu grave, doit disparaître. Comment ? En disant la vérité, la vérité simple, la vérité vraie. Or, la vérité est toute à l'honneur des Français de l'Afrique du Nord, dans le drame de mai 1945, dont on cherche à détruire les archives.
Elle montre des faits d'évidence que l'on doit mettre en pleine lumière, dans un souci de justice impartiale.
Le premier de ces faits est que, partout où les Français isolés ont eu quelques instants, si courts soientils,
pour organiser leur défense, ils l'ont fait avec une crânerie, un courage et une persévérance qui font honneur à notre race.
La deuxième des constations est que, malgré la propagande nocive, ouvertement déclenchée dans les milieux autochtones, malgré les menaces qui ne leur ont pas été épargnées (et qui continuent à s'exercer), des indigènes sont restés fidèles aux amitiés françaises.
La troisième est que l'armée a sauvé la situation, malgré les faibles moyens dont elle disposait. Tout l'honneur en revient à ses chefs, aux officiers, sousofficiers et soldats qui, résolument, parfois isolément, se sont jetés, sans souci du danger, en rase campagne, au milieu de milliers d'insurgés, qu'ils ont mis en fuite, arrêtant ainsi le plus atroce des carnages. Parmi ces soldats, ces héros, étaient des indigènes. Certains ont payé leur dévouement de leur vie.
Ces exceptions doivent être constatées, soulignées dans un sentiment d'équité, dont nous ne devons jamais nous départir, même dans les plus graves des conjonctures. Nous employons ce mot « exceptions » par comparaison avec la masse des émeutiers, réunis en maints endroits, sur un simple mot d'ordre, et donnant l'impression d'une unanimité totale dans l'attitude des révoltés. Cet entraînement du milieu a reçu, chose inouïe, la collaboration spontanée, les directives, pouvons nous dire, de fonctionnaires indigènes locaux qui, grâce à nous, avaient été élevés aux grades sociaux les plus enviables, beaucoup à la dignité de citoyens français, certains même ayant pénétré notre civilisation au point d'épouser des femmes françaises.
Nos observations seraient incomplètes si nous ne rendions hommage aux nombreux fonctionnaires français qui, sentinelles avancées de notre civilisation, dans le bled algérien, ont su vaillamment faire face à leur devoir, en courant les plus grands périls, aux côtés des colons.
Il y a eu quelques défaillances regrettables, heureusement très rares, de personnalités administratives. Constatons le fait, simplement pour mémoire. Il ne fait que souligner davantage la belle attitude prise par la presque unanimité de ceux qui, ayant la responsabilité du pouvoir et de l'ordre, à l'intérieur et dans les
villes menacées, ont su rester dignes des fonctions dont ils étaient investis.
Ces constatations faites, entrons dans le vif du récit des événements qui ont marqué les journées tragiques de mai 1945, en Algérie, en élaguant, de partipris, tout détail douteux ou qui ne nous serait pas confirmé par des témoins dignes de foi.
LE DRAME DE SETIF
C'est à Sétif qu'a jailli la première étincelle qui amis le feu à la petite Kabylie, en mai 1945.
Sétif, devenue un centre commercial important, collectant les grosses productions d'une région où les colons, depuis de nombreuses années, ont appliqué les formules scientifiques de la culture des céréales, était administrée par un maire débonnaire et conciliant estimé de tous : M. Deluca, avoué, nommé, depuis
quelques mois, Président de la Délégation provisoire. M. Deluca succédait à un maire élu, le Dr Masselot, Administrateur pondéré et équitable, jouissant également de la sympathie générale. On peut donc dire que les municipalités sétifiennes ne donnaient aucune excuse au mécontentement des indigènes.
Mais Sétif était un centre d'agitation antifrançaise, où des incidents nombreux s'affirmaient comme tendancieux et visant directement l'autorité française.
Déjà, cette cité avait été le théâtre d'un drame évocateur d'un état d'esprit particulier.
Une émeute à caractère militaire avait, été esquissée le 1er février 1935. Il s'en était fallu de peu que l'affaire prît une importance des plus grave. On lui avait donné une couleur antijuive, ce qui n'a pas été démontré, cette traduction pouvant cependant s'expliquer par les troubles qui, le 5 août 1934, avaient ensanglanté les rues de Constantine et dont les détails horrifiants sont encore présents à la mémoire de tous les Algériens.
Malgré les démentis officiels, il est établi que les incidents de février 1935, à Sétif, ont eu pour acteurs principaux des soldats indigènes, précipitamment sortis de la caserne pour venger les camarades engagés dans une querelle de maison close. Il y eut des morts : un militaire et un agent de police français, M. Colas, tombé au cours de l'assaut forcené d'un poste de police. Des civils venant renforcer le groupe de perturbateurs, l'émeute gagna la ville et des pillages de magasins se sont produits. Il fallut une intervention
énergique pour mettre fin à la manifestation.
Ces événements n'avaient pas manqué d'avoir une répercussion dans tout le département — notamment à Canrobert, AïnBeïda, Guelma. Un rapport officiel donne ces conclusions précises : « Il n'est pas exagéré de dire qu'à cette heure, l'autorité française est méconnue. Partout, dans les villes comme dans les campagnes, les indigènes sont exaltés au point d'être convaincus qu'ils constituent une force, avec laquelle nous devons désormais compter. L'ordre public est à la merci du moindre incident ou d'un faux bruit quelconque. Il est juste temps de réagir si l'on ne veut pas que la situation, grave aujourd'hui, devienne sans issue demain. »
1935... on n'a pas réagi. Et les événements de 1939-44 n'étaient pas faits pour décourager les fauteurs de troubles.
C'est à Sétif qu'habitait Ferhat Abbas, le pharmacien nanti de nombreux mandats électoraux, devenu le chef de l'organisation ayant pour programme la disparition de tous les Français d'Algérie, puis le député siégeant à la Constituante de 1945. C'est à Sétif qu'avait été rédigé le manifeste du 3 février 1943, résumant, en des phrases impératives, les prétentions du nouveau parti xénophobe issu de l'ancien parti du Dr Bendjelloul, conseiller général du chef-lieu.
Nous aurons à revenir sur l'action agressive des « Amis du Manifeste », alliés au parti populaire algérien (P.P.A.) et soutenus par le groupe des Oulémas, prenant ses mots d'ordre en Orient, et créateur des Médersas occultes, installées peu à peu dans tous les centres urbains et ruraux du département de Constantine et des groupes de scouts, jeunes musulmans entraînés pour les assauts futurs.
A SUIVRE
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