jeudi 17 décembre 2009

TCHALEFS D UN ENFANT DE BAB EL OUED - 5 -


COMMENT ON DEVIENT LE ROI DU QUARTIER
Moi, je croyais pas qu’un jour tous les amis et tous les copains de la rue, tous les camarades de l’école, toutes les tapettes et tous les babaos, tous les premiers de la classe, vous savez ceux que leur chemise, elle est toute repassée et leur chaussures elles brillent jusqu’au moment où un élève normal y marche exprès dessus, y me décerneraient le premier prix de la débrouillardise et le prix d’excellence de la fainéantise. Attention, question fainéantise, je laissais pas ma part aux chiens mais bardah, si quelqu’un y m’avait dit que tout le monde y me porterait en triomphe en scandant mon nom (là, j’exagère un p’tit chouïa non?) à la suite de l’évènement que je vais vous narrer, j’aurais éclaté de rire et je dirais même de fou-rire.
Mon aventure elle commence banalement par une rencontre de football au jardin Guillemin au milieu des enfants et des mères de mon quartier. Et vas-y que je dribble Solbès, et vas-y que je tape une olive à Sayag, et vas-y que je mets un caramel en direction du but où Cladéra il officiait. (Tain, Alexandre Dumas, il aurait pas fait mieux !) Va savoir, mon tir, il atterrit dans le manège qui nous pourrissait la vie depuis qu’il était venu s’installer au jardin Guillemain. Le patron, il attendait que ça ! Ni une, ni deux, ni trois, (j’ai 3257 nombres en réserve mais j’ai pitié de vous) illico presto, y se le cache mon ami comme si y voulait jamais qu’on le retrouve. Après bien des palabres, des lamentations, des « la mort de ses os » et des « va à fangoule », une idée elle germe dans ma tête de tchic-tchic à trois faces. On va chercher nos « taouètes » et on va voir ça qu’on va voir. Aussitôt dit, aussitôt fait. On dirige nos taouètes comme les indiens de Sitting Bull vers la boule à facettes lumineuses du manège. « Où tu nous rends notre ballon ou on casse tout ! ». Je sais pas si la détermination, le patron, il l’a lu dans nos yeux de laouères, toujours est-il que, par miracle, le ballon il est réapparu. Tout content, je me suis pas rendu compte que tous mes copains y s’étaient tapé la « scapa » de leur vie parce que le gardien du square il était derrière moi. Y m’attrape par le col comme si j’étais un paquet de pommes de terre et y m’entraine au poste. Rendez vous avec le tribunal pour enfants et je me vois au bagne. Ma mère, quand elle apprend ça, presqu’elle me met au pain sec et à l’eau. Le mauvais sang qu’elle se fait, c’est rien de le dire. Bou ! Y me fallait attendre une semaine avant de connaître le verdict. Même pas j’avais le droit de descendre à la rue, autant dire que j’étais un mort-vivant. Tout juste j’avais le droit de passer mon temps au balcon à draguer la petite Carmen, cachée derrière le rideau de soleil pour pas attraper l’insolation. Les copains, exprès, y venaient me siffler pour me détourner du droit chemin mais moi, stoïque comme un spartiate (au fait où j’ai trouvé qu’un spartiate, c’est stoïque ! Des fois, mieux je tourne ma langue sept fois dans ma bouche avant de sortir des sornettes comme ça ! Même pas je connais un spartiate à part les Spartiates d’Oran qui jouent au hand-ball !) J’étais obligé de rester à la maison des fois que ma mère, la pauvre, elle attrape un coup de sang. Vient alors le jour fatidique. Tan,tan,tan ! On a pris le tram qui nous emmena où le bon dieu il avait perdu ses babouches (et oui, on est en Algérie, non ?). Ma mère, raïben, elle en menait pas large et moi, j’emmenais ma mère par la main. Zarmah, je jouais le décontracté comme James Dean dans « la fureur de vivre. » total, pas une paille elle passait. En un mot comme en cent, j’avais une de ces «roufs », j’vous dis pas !
Un homme droit comme la justice y me demande d’entrer dans son bureau. A savoir ça qui s’est passé mais toujours est-il qu’y me sort un ballon de foot et y me demande pas de jongler un p’tit chouïa devant lui ? Je regarde ma mère pour être sûr que je suis bien au tribunal pour enfants et pas au stade de Saint-Eugène.
--« Allez, jongle comme il a dit le monsieur ! » Ma mère, obéissante comme pas une, elle insiste en me faisant les gros yeux : « Jongle, mon fils, jongle ! ». On dirait que je passe le concours du jeune footballeur, dé ! De bonne grâce, je m’exécute facile. Je jongle, je re- jongle. La classe, j’vous dis pas ! L’homme droit comme la justice y me prend le ballon et y me condamne à …….signer dans le club du spardégna ou il exerçait la fonction de trésorier général. Ma mère elle remercie l’homme droit comme la justice, le bon dieu, tous les marabouts de la casbah, René Coty, sa boulangère tellement elle est soulagée. Son fils, c’est un chitane mais c’est le « bebesso à sa mère » quand même, va !
Quand on est rentré à Bab El Oued, le quartier tout entier y m’a tapé le questionnement et moi, zarmah, j’ai raconté en long, en large et en travers, en exagérant un maximum mon épopée de l’après midi. Le quartier, il avait enfin trouvé son héros, enfin, ………… Son Tartarin de Tarascon.


FIN

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