mardi 10 décembre 2019

LES PETITS FIANCES DE BAB EL OUED de Hubert Zakine

Suite de LES PETITS FIANCES DE BAB EL OUED que j'écris actuellement

Aujourd’hui, Gaétan, le coiffeur qui est en même temps, l’oncle
de ma dulcinée, m‘apprend que Nicole elle va mieux. Pendant qu’il me tape la coupe à la bol de loubia (non, j’exagère), il me sonde.
--Attention, fils, si jamais tu te conduis pas bien avec ma nièce, je t’arrache les yeux !
Ca lui va de parler ! Le dragueur de Bab El Oued, c’est lui et personne d’autre. Mais, la vérité, s’il m’arrache les yeux, plus rien, je vois alors, je sais à quoi m’en tenir : Nicole, je la respecte ou sinon, je perds mon regard de velours ! Ce qu’il ne sait pas, c’est que si ça tient qu’à moi, je signe des deux mains pour que notre romance, elle se termine par un mariage.Ca y est, vous dites que je connais que dalle sur les filles, sur la vie et le mariage. Que je suis bon qu’à jouer au foot dans les rues, à respecter ma mère et croire que la vie c’est du cinéma. Qué, vous croyez que vous avez affaire à un babao de la pire espèce ou quoi ? Bien faire et laisser dire, c’est ma devise ! Je sais une seule chose, c’est que je tiens à Nicole comme à la prunelle de mes yeux et, bien que je vais faire tourner bien des têtes, (dixit ma mère) ça m’en touche une sans faire bouger l’autre ! C’est Nicole que je veux et personne d’autre !
Petit à petit, mes amis et Roland le premier, y comprennent que je suis mordu jusqu’au sang et que j’y peux rien. Aussi, ils me lâchent la grappe et redeviennent mes amis pour de bon. Enfin, je les retrouve comme avant, au jardin, au cinéma, sur l’avenue des bons copains, à taper le match du siècle, à rire sans arrière pensée, à mater les filles sans penser à mal, à être tout simplement des chitanes de notre âge, un point, c’est tout ! Et quand arrive quatre heures, je peux aller conter fleurette à ma dulcinée sans qu’ils en prennent ombrage. Putain, ce langage que j’emploie, dé ! Ma parole, si ma mère elle me lit, à tous les coups, elle croira que j’ai copié !
C’est l’été et maintenant, à moi la belle vie, la mer, la rigolade, les amis et Nicole qu’elle vient plus tôt au jardin. A moi également, les commissions chaque jour que dieu fait. Ca c’est ma mère qui le dit alors, moi, je répète comme une arapette.
Nous autres, les jeunes, on parle un français teinté de pataouète qu’on pratique sans même le faire exprès. Voltaire et Rousseau, on connait pas. D’ailleurs, à Bab El Oued, qui c’est qui les connait à ces deux là ? Pas la peine de chercher midi à quatorze heures, on a appris à parler le pataouète comme d’autres, ils apprennent le piano ou la cornemuse. La musique de la rue, elle est entrée dans notre vie sans nous demander notre avis. Le premier son qu’on a entendu, c’est l’accent de nos mères et, bien sûr, elles avaient une façon de parler qui avait rien à voir avec le parlerdu parigot.
D’ailleurs, celui qui parlait pointu, il était vite catalogué comme une tapette ou un pathos. Au fait, je me demande si Nicole elle a mon phrasé ou si elle parle comme une chochotte ? Demain, ma parole d’honneur, l’air de rien, je tape une enquête sur sa façon de s’exprimer. Houla, si je mens !
Elle habite à la frontière de Bab El Oued, dans le quartier de la marine. La vérité, ça m’étonnerait fort qu’elle parle avec des cacahuètes dans la bouche. Aouah, C’est pas son genre. Dès qu’elle aurait ouvert la bouche, je m’en serais aperçu ! Et mes amis, ils se seraient moqués d’elle. Et moi avec !
Toujours est-il qu’elle accepte un deuxième baiser sans un chaperon mais toujours dans l’entrée de maison Toututil. Ce Toututil, on va s’en rappeler à vitam aeternam. On s’est embrassés comme des grands et nos langues elles s’ont joué les exploratrices. Quand on est sortis de l’immeuble, c’était comme si on avait fait Pâques avant les Rameaux. Elle m’a regardé, m’a souri et elle à pris ses jambes à son cou pour rejoindre sa mère qui discutait avec sa grand-mère. Ni vu, ni connu, la classe ! Moi, je m’assois sur le rebord de la pharmacie qui fait face à la bonbonnière et j’attends les amis qui font l’andar et venir sur l’avenue des bons copains.

Il faut pas croire que ma vie elle est cadencée par ma dulcinée. Je vis comme un garçon de mon âge, entre les copains, les commissions pour ma mère, le foot des rues et la famille. J’vous dis, comme d’habitude ! Le matin, je tape le bain à Padovani quand c’est pas un match contre un autre quartier ou quand ma mère, elle a besoin de moi et l’après-midi, je fais le zazou en attendant Nicole. Parfois, quand il me tombe un œil et si j’ai des sous, je vais au cinéma avec les amis comme un garçon de mon âge. A savoir comment Nicole, elle vit quand elle est chez elle ? J’aimerais l’emmener au cinoche ou aller me balader mais, comme toutes les filles d’Alger, elle obéit au doigt et à l’œil à sa mère. Raïbah, les filles ! Nous autres, les garçons, nos mères, elles ont vite fait de nous voir descendre à la rue pour pas nous « avoir dans les jambes », ce qui retarderait leur ménage. Et ma parole, on obéit illico presto tellement, la rue, elle nous attire comme les abeilles par le miel.


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