En parlant de ceux qui savent pas lire, y’ en a deux qui sont devenus des zombis et en plus, y se tapent tous les jours des bains avec les romains (aux Bains romains bien sur ) Leur horizon, y s’arrête à la poitrine de leurs conquêtes. Eux qui bavaient devant des photos de Martine Carol sur papier glacé, les voilà aux prises avec des vrais tétés. Y meurent de peur de voir le carrosse se transformer en citrouille alors y profitent, y profitent, y perdent ni une seconde ni une miette. Les pauvres, les filles, elles doivent avoir les tétés endoloris, j’vous dis pas.
Nous autres avec ma petite chinoise, quand on tape pas le bain, on tape la forêt de Baïnem en long en large et en travers. Zarmah, on est des botanistes en herbe. Total, on cherche à s’isoler des uns et des autres pour nous déclarer notre flamme. Mais cette année-là, des imbéciles y z’ont déclaré la guerre à la forêt et les flammes elles z’ont ravagé cette espace magnifique qui borde le littoral et sert de pique-nique gigantesque lors des fêtes traditionnelles algéroises.
Et voilà que notre forêt de Baïnem elle brûle sur des kilomètres et des kilomètres et les cabanoniers de la Pointe Pescade, des Horizons Bleus, de Bains Romains, de Baïnem et de Baïnem-falaises y se croient au Sahara avec les pieds dans l’eau. Sans parler des risques encourus car seule une route elle sépare la mer de la forêt. Certains parlent déjà de rentrer sur Alger mais à l’idée d’abandonner leur cabanon et leurs amis, la raison elle reprend vite le dessus sur l’inquiétude. La Méditerranée, pour une fois on la trouve trop chaude dans cette ambiance suffocante. Seule une petite virée en pastéra ou en lamparo aurait pu nous procurer un chouïa de fraîcheur mais personne ne veut rater une miette du spectacle. Les pompiers y luttent contre les flammes tout en se faisant chouchouter par les femmes alors que l’horizon bleu il est passé au rouge vermillon. Mieux qu’un décor de Cécil b.De Mille.
Quand la nuit, fatiguée de cette journée elle est arrivée, le rouge et le noir c’était plus une œuvre de Stendahl mais celle du F.L.N.
L’apocalypse et les feux de l’enfer y s’associaient pour que la chaleur de la nuit elle nous oblige à dormir sur la terrasse ou sur la plage. Les adultes, après un court conciliabule (purée, ce mot, ya pas un bab el ouédien qui le comprend,dé ! Ce doit être mon cerveau qui bouillonne à cause de la chaleur !) y s’emparent de la terrasse et les jeunes, on descend en bas la mer.
Jeannot, loufteau dans l’âme, rien d’autre y propose de faire un feu de camp. Pas assez celui de la forêt ! Tu sais, y en a hein ! Si y trouvent un r’mar plus r’mar qu’eux, y le tuent pour rester en tête des r’mars. ( cuilà qu’il a rien compris, c’est pas grave, moi non plus !) Tant pis ! on restera dans le noir avec la lune comme seule source de lumière. Tant pis ou bien tant mieux, si Colette elle s’éloigne pas trop de moi.
Chacun y prend une couverture que la vérité avec la s’rannah due à l’incendie qui nous enveloppe, je vois pas à quoi elle sert sinon pour les petits et petites canaillous aux mains pleines de doigts qui tricotent.
Ma petite chinoise toute la nuit elle m’a cherché des noises. Et va z’y que je me colle. Et va z’y que je me décolle. Et je t’embrasse. Et tu m’embrasses ! Achno, jamais elle dort ? Si je la retiens pas, demain elle accouche ! Mais la vérité, je laisse pas ma part aux chiens. Mes mains, d’un sans-gêne, j’vous dis pas. Et dire qu’à l’école, mes doigts y z’en touchent pas une en travail manuel !Là, un vrai sculpteur. Y faut dire que le corps de Colette, çà a rien à voir avec la pâte à modeler de l’école, hein !
Luc, la tapette, avec ses lunettes de bichelaouère, y tente de faire la mata mais y voit que dalle. D’abord l’obscurité, elle est notre alliée et ensuite, circulez y a rien à voir tellement on joue la discrétion. Le sommeil petit à petit y nous ferme les yeux et la nuit elle fait le reste.
Au petit matin, les yeux balala mais heureux comme au lendemain d’une nuit de noces, on s’est dit un « bonjour » qui taisait un kilo de promesses du genre « tu perds rien pour attendre » ou « la prochaine fois, on fait pâques avant les rameaux » ou à savoir quoi mais on s’est compris souâ-souâ. L’esprit et le corps alanguis par la chaleur de la nuit, on n’a immédiatement posé les yeux sur l’horizon incandescent qui nous avertissait que l’incendie de la forêt de Baïnem y s’en donnait toujours à cœur joie. Les femmes, elles nous ont délégué auprès des pompiers pour leur porter café et galettes que ma mère et ses sœurs c’est les championnes toutes catégories.
Ma petite chinoise, déjà elle est en maillot.
--« On va se baigner ? ».
Comment tu veux résister à une invitation pareille. Surtout que sa proposition elle a évité les oreilles de Luc.
En moins de temps qu’y faut pour le dire ou l’écrire, on se délasse dans l’eau transparente qu’elle vire au rouge au fur et à mesure que le soleil y baille en sortant de son lit.
« Tch’as été coquin cette nuit, hein ! »
Purée l’aplomb ! Elle m’avait pris au lasso et elle m’avait plus lâché de la nuit. La vérité, timide comme je suis, calculateur sur les conséquences (vous savez, la baffe ou le mariage) jamais au grand jamais j’aurais osé jouer l’explorateur mais le terrain y semblait tellement accueillant et propice aux sondages…..
Et puis ô, ya pas que moi qui a joué l’explorateur hein ! Je connais une drôle d’exploratrice moi aussi. Ses mains, le concerto à quatre mains, elles ont joué. En fait, personne y se plaint et on demande qu’à recommencer.
Dans la méditerranée qu’elle aussi elle est accueillante et cuite à point, on redevient de jeunes adolescents sages sous le regard des adultes qui nous surveillent en sirotant leur café au lait quand un sifflet, reconnaissable entre tous, nous crève les tympans. C’est mon père qui me demande de monter comme si que sa vie elle en dépendait. Je bats le record du monde du 100 mètres nage n’importe comment. Je grimpe huit à quatre les escaliers qui mènent à la terrasse.
--« Tu viens à la pêche avec nous ! »
D’habitude, rien qu’à l’idée de me retrouver avec mon père, mon frère et mon cousin sur le lamparo de mon oncle, je saute sur l’armoire, je tape cinq avec les poissons, je fais couler les robinets en signe d’allégresse comme le ferait Jerry Lewis. Mais là, j’hésite. Une fille comme ma petite chinoise, tu la laisses une minute, trois cents gobieux y lui sautent dessus. Quand on est petit, on manque de confiance en soi. Surtout avec la bande de morfals qui m’entoure. Pourtant, j’adore ces parties de pêche avec mon père et la smala. Si je refuse, je trahis quelque chose de sacré : la famille. Je deviendrais un renégat, un juif errant, un moins que rien. Un quatuor transformé par ma désertion en un trio miteux. Une chaise elle a besoin de quatre pieds, non ? Sans ça, c’est une chaise colbate comme celle de Doudou, le moutchou du jardin Guillemin, que sara-sara y se casse la figure. Ô et puis combien y sont les trois mousquetaires ? Quatre mon z’ami !
Aouah ! je peux pas leur faire çà ! Si jamais les gardes de Richelieu, y leur cherchent des noises, y seront que trois avec leurs épées en bois. La vérité, Richelieu, qu’est-ce qui vient faire dans cette histoire ? J’me l’demande !
Attendez moi j’arrive ! Tous pour un et un pour tous.
Et tant pis pour ma petite chinoise. Même si j’me fais un de ces mauvais-sang pace que je vois bien qu’elle boude. C’est bizarre comme les filles elles ressemblent à leurs mères quand elle ont l’œuf. Au lieu d’être contente, heureuse, joyeuse, satisfaite que je fais plaisir à mon père, aouah, elle préfère me taper la tête d’enterrement. Elle me tape même le chantage.
--« Je vais aller aux Bains Romains ! »
Raouèd et radaouèd, comme elle disent ma mère et toutes les femmes de la casbah d’Alger.
Allez, encore une fois Ramsès y ressort des catacombes. Je lui répond du tac au tac :
--« Alors dis lui de se teindre les cheveux puisque tu aimes que les bruns ! »
Ba ba ba ! Humphrey Bogart il aurait pas fait mieux.
Quand même, quand même elle voit bien que çà m’en touche pas une sans faire bouger l’autre de me trouver entre le marteau et l’enclume. Alors, elle s’approche de moi et en m’embrassant sur la joue elle me rassure :
--« C’est pas vrai, je reste ici ! »
Le roi des caïds c’est moi, c’est plus Fernandel. Zsa Zsa Gabor, elle me mange dans la main.

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire