samedi 1 juin 2019

MA MERE LA PAUVRE OU RAIBAH MA MERE de HUBERT ZAKINE

je suis en train de terminer MA MERE LA PAUVRE ou RAIBAH MA MERE. Quelques extraits en avant première rien que pour vous (zarmah, je fais de la pub)

En 1959, la catastrophe ! Mon frère ainé, soutien de famille et orphelin de père, il a eu droit à zboub ! Raïeb, il croyait qu’il allait passer à travers le service militaire, que nenni ! Ma mère, la pauvre, toutes les larmes qui lui restaient, elles ont envahi ses yeux ! Tous les copains du quartier, ils l’ont accompagné à la gare d’Alger, départ pour Blida où il est parti pour Guelma. Même pas il sait où cest Guelma !
Le mauvais sang de ma mère, j’vous dis pas. Tous les jours, raïbah, elle lui écrivait deux lettres et elle nous obligeait à mettre son assiette à table. On avait beau essayer de la raisonner, aouah, tous les jours, en mettant la table, on avait pas intérêt à oublier Jacky. Et si jamais, elle recevait pas une lettre par jour, qu’est-ce qu’on prenait Paulo et moi !
--Mais man, il est peut être parti en opération ?
--Et alors, c’est une raison pour oublier sa mère !
Si je lui parlais des fellouzes, des guet-apens et tout et tout, elle serait capable d’aller voir De Gaulle pour lui tirer les oreilles à ce grand escogriffe.
Petit à petit, la vie sans Jacky mais pas sans son assiette, elle s’y fait. Sans Jacky, peut-être mais l’omniprésence de mon frère ainé nous obligea à redoubler d’obéissance parce que ce commandant en chef, y nous recommandait dans chacune de ses lettres de soulager ma mère, la pauvre. Comme si on avait besoin de lui pour nous le rappeler !
Paulo, lui maintenant, il se croit investi d’une mission sacrée : surveiller mes études. Mes études larzéze ! Total, à part la comptabilité qu’il apprend chez mon cousin, rien y comprend. Pour lui, l’algèbre, c’est du chinois et la géométrie, de l’hébreu. Zarmah, y mate mes devoirs et mes notes. Ma mère, elle est contente et, c’est le plus important.
Ma mère, elle fait de la politique sans le savoir. Sara, sara, elle nous sort des « tiassardo De Gaulle ! ». Elle est sûre que c’est un oiseau de mauvais augure pour l’Algérie. Sans savoir pourquoi ! Sans doute, l’instinct de conservation commun à toutes les mères de famille mais plus prononcé chez une femme habituée aux coups de boutoir de la vie comme ma mère.
La vérité, bercés par une confiance aveugle et naïve en notre bonne étoile, on se contente de vivre au jour, le jour. Et puis, on est optimistes de nature, les têtes d’enterrement, très peu pour un enfant de Bab El Oued. Ne dit-on pas que le rire est le bruit le plus caractéristique du faubourg ? Purée, comme je parle bien ! En plus, je philosophe sans avoir l’air d’y toucher.
Revenons à ma mère, la pauvre. Rien qu’elle écrit à mon frère et qu’elle lui envoie des colis.
--C’est qu’il doit mourir de faim, le pauvre chéri !
--Mais man, l’armée, elle lui donne à manger.
--Le manger larzèze ! Vous croyez quand même pas qu’il mange comme à la maison, non ?
--Ah, c’est sûr qu’au menu, il doit pas avoir souvent du méguéna ou de la t’fina !
--Moquez-vous de votre mère!
Pour qu’elle soit rassurée, il aurait fallu que mon frère fasse son service à la caserne salpêtrière….Et encore !
Pour finir l’année en beauté, toute la famille elle se donne rendez vous chez ma tante qu’elle habite rue d’Isly. La rue Marengo, c’est bel et bien fini. La belle histoire d’amour entre les juifs et la casbah, c’est mort et enterré. Zarmah, la rue d’Isly, les beaux quartiers, et puis quoi encore ? Ma mère, elle répète « Si le FLN, il avait pas existé, jamais, au grand jamais, les Durand y seraient partis de la casbah». Reste les souvenirs attachés à leur enfance qui ne s’effaceront jamais, aux rues Marengo, Salluste, Randon, Akermimouth, Boulabah, (je pourrais citer le plan de la casbah mais j’ai pitié de vous). L’air de rien, quand ma mère, elle évoque son enfance, ça lui fait un bien fou.
" L’enfance est un paradis qui perdure dans les mémoires pour ne conserver que le merveilleux ! ".
Quand je vous dis que ma mère elle est pas ordinaire ! J’ose pas la qualifier d’extraordinaire mais c’est tout comme.
Doucement, mais sûrement, 1959 y va chez sa mère pour nous présenter 1960, son gui et sa chanson : « bonne année, bonne santé, mets la main dans le porte monnaie ».
Ma mère, déjà, elle parle de départ. Y faut dire qu’une de ses sœurs elle est partie vivre à Paris. Alors, obligé, elle la tarabuste pour qu’elle vienne la rejoindre. N’importe quoi ! Le Paris des "dragueurs" ou des "tricheurs" c’est du cinéma.
Nous autres, on peut pas vivre loin de Bab El Oued, ses cafés, son avenue de la Bouzaréah, ses plages, ses jardins et ses matches ASSE-GALLIA. Et ma mère, vous la voyez sans ses voisines, ses sœurs, ses frères et ses amies ? Et notre jardin Guillemin où on a appris à marcher, à courir, à jouer au foot et même à se taper gadins sur gadins sans pleurer pour pas passer pour une gamate. Aouah, Paris, c’est pour les pathos, pas pour les enfants du soleil.
Purée, y en a qui sont déjà partis comme si l’Algérie, c’était mort et enterré. Ma mère, on doit lui remonter le moral surtout que Jacky, ça fait deux jours, qu’elle a pas reçu une lettre. J’vous dis pas, le mauvais sang.
Purée, déjà qu’un de mes oncles, il était parti vivre à Marseille en 1956, la famille, heureusement qu’elle a pas eu l'envie de l’imiter ou sinon, elle se réduirait à la portion congrue.
Quand je parle pied noir, je débite des phrases sans réfléchir comme si Azrine me les dictait. J’ai l’impression de parler aux amis, aux cousins, à ma mère, enfin à tous ceux qui me comprennent sans faire une règle de trois. Comme elle dit ma mère : tu peux pas t’appliquer, un peu ? Aouah, je préfère à la va comme j’te pousse !

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