vendredi 17 mai 2019

LA PAUVRE MA MERE OU RAIBAH, MA MERE que j'écris actuellement.


Ma mère, c’est une fille Durand. Mais attention, pas une Durand comme y en a des centaines, voire des milliers en France, QUE NENNI ! Elle descend d’une très grande lignée de rabbins espagnols qui figure dans tous les bouquins traitant du judaïsme sépharade. Hé, qu’est-ce que vous croyez ? Je suis pas le fils de n’importe qui ! Son aïeul, c’était Simon Ben Semah Duran dit Rashbaz qui a réunifié le judaïsme de ce pays qui s’appellera Algérie, 4 siècles plus tard. Putain, l’érudit !
Comme tous les membres de la famille Durand, ma mère, elle en retire une fierté comme si ce grand homme, de Palma de Majorque, forcé de s’exiler en 1391, lors de l’inquisition médiévale vers une terre d’asile, avait vécu en 1950. Alors, là, je vois d’ici, tous les apprentis intelligents qui commencent à se bidonner.
--C’est pas en 1391, l’inquisition, c’est en 1492. Tu es nul ! Zarmah, tu es érudit.
Y a r’mars que vous êtes, un siècle avant la grande inquisition d’Isabelle la catholique, il y a eu l’inquisition MEDIEVALE de 1391 de Pierre le Cruel. Et TOC !
Y faut dire que les lettres de noblesse de son aïeul, à ma mère, ne s’arrêtaient pas à la seule religion. Il était tout à la fois, médecin, astronome, linguiste (il parlait cinq langues, hébreu, arabe, espagnol, hollandais et anglais) écrivain, philosophe (n’en jetez plus la cour est pleine) une sorte de petit Nostradamus, quoi ! Pour ceux qui sont balèzes de la tête, il est l'auteur de nombreux traités couvrant l'ensemble des domaines concernant le savoir juif d'Alger et d'Algérie.
Après cet intermède culturel pour comprendre ma fierté d’appartenir à cette famille, revenons à nos moutons et, surtout, à ma mère qui criait pas sur les toits qu’elle descendait des Durand d’Alger. Aouah, pour elle, descendre de la rue Marengo, çà suffisait à son bonheur et la situait bien plus que de descendre du marquis de Cagueraspaski. Quoi, vous connaissez pas le marquis ? Vous devez pas être d’Afrique du nord, alors !
Ce personnage, issu de l’imagination d’un cerveau dérangé, il était marquis de rien du tout, sauf que tous les gens de chez moi, le connaissaient. Et vous savez pourquoi ils le connaissaient ? Parce que celui qui se prenait pour un autre, il était vite cataloguer. « y s’prend pour le marquis de Cageraspaski ou quoi ? »
Ma mère, elle disait pas de gros mots sauf en arabe. Alors, nous trois, rien qu’on taisait nos mauvaises manières à la maison. En jouant aux cartes, si l’un d’entre nous, y se laissait aller, rien qu’elle nous regardait, on avait compris. Elle nous mettait pas au piquet parce que celui qu’il avait dérapé, y se mettait le bonnet d’âne tout seul. C’est aussi la raison pour laquelle, les gros mots y faisaient tant partie du langage de la rue. Bababa, l’analyse, dé !
Je pourrais écrire des pages et des pages de souvenirs de ma mère mais ma mémoire, elle se prend pour pomponette, elle s’en va et elle revient sans crier gare. Quoi, ne me dites pas que la pomponette de la Femme du boulanger, vous avez oublié ! Raimu, vous savez pas qui c’est ? Bouh, alors pour qui, j’écris ? Achno, vous avez rien appris à l’école, c’est pas possible ! La chatte qui s’prend toutes les engueulades que méritent la femme du bonlanger………Marcel Pagnol, ah, ça y est, ça vous revient ! Hé ben ! Grâce à dieu ! Raimu, il a dû se retourner dans sa tombe.
Ma mère, on l’avait emmené voir le film aux Variétés. En sortant du cinéma, les femmes et, ma mère, la première, elles reprochaient avec véhémence le manque de réaction de Raimu.
--Moi, si j’avais fait le demi-quart du dixième de ce qu’elle a fait la Ginette Leclerc, mon mari, ni une, ni deux, il m’aurait donnée une de ces tannées……
--Et tu veux que je te dise, il aurait bien fait.
--Nos hommes, c’est pas des omelettes.

Le rire, il accompagnait toutes les réunions de famille. La moquerie également et tout le monde en prenait pour son grade. Comme c’était bon d’entendre ma mère rire aux éclats, on l’avait tant de fois entendu pleurer, le soir dans sa chambre, qu’on se disait qu’enfin, elle était heureuse. Heureuse d’être entourée de sa famille et de ses enfants.
Je la revois quand elle nous passait nos casse-croute par le système de la corde qu’elle laissait glisser du quatrième étage jusqu’à nous qui avions la flemme de monter les quatre étages. Et toujours, elle le faisait avec bonne humeur ! On avait l’impression qu’on pouvait lui demander la lune et, qu’en plus, elle le faisait de bonne grâce. Ma mère, c’est une maman comme toutes les mamans, mais voilà, c’est la mienne ! Ma parole, on dirait que Mick Micheyl, elle connaissait ma mère pour avoir chanté cette chanson. Je sais, vous êtes en train de vous dire : çuilà, il est pas normal ! Si c’est être anormal d’aimer sa mère, alors, oui, je suis anormal et je dis TAZZ à tous ceux qui se croient normaux !

Qu’est-ce que j’ai à m’énerver tout seul comme ça ? Je crois que je devance tous ceux qui critiquent LA MERE. Comme on disait dans le quartier : tu peux m’insulter, j’essaie de savoir pourquoi, je m’interroge sur le pourquoi du comment mais si tu insultes, ma mère, ni une, ni deux, j’te donne !
Allez va, j’me calme !
Ma mère, toujours elle nous disait : « Si quelqu’un vous fait d’la peine, serrez-vous les uns contre les autres, vous verrez on encaisse mieux que tout seul. » Ce qu’elle savait pas ma mère, la pauvre, c’est que mon frère, il ajoutait « mais si ça vous démange, donnez-lui sa mère ! ». Et souvent, on leur donnait même si des fois, on en recevait autant qu’on en donnait. Mais, au moins, on avait la satisfaction du devoir accompli. Ma mère, elle croyait, naïvement, avoir donné le jour à trois petits anges.
La preuve, des fois, elle me demandait de l’accompagner au marché pour faire le chaouch et lui porter les paniers, trop lourds pour elle. Et elle rencontrait des voisines, des amies ou ses sœurs et, j’avais droit aux compliments des unes et des autres : « Qu’il a grandi, ton petit ! Que Dieu bénisse, comme il te ressemble….. » et patati, et patata ! Ma mère, toute fière : « et en plus, il me donne que des satisfactions ! ».
-- Et y travaille bien en classe ? »
--Un futur docteur
Moi, je suis dans mes petits souliers et comme c’est vilain de contredire sa mère, j’acquiesce.
Ma mère, raïbah, elle a pas l’habitude d’être heureuse alors bien sûr, elle attend toujours une catastrophe. C’est pas une mystique mais elle craint tellement le bon dieu qu’elle est prête à tout pour passer à travers les gouttes de l’existence. Alors quand notre tortue elle tombe du quatrième étage, elle y voit un mauvais présage. Heureusement, ma fatmah elle soigne ma Rosaline, et mon ami, deux mois après, elle gambade comme à ses plus beaux jours, ma parole d’honneur. Ma fatmah, elle est championne du monde des soigneurs de tortues.
--Ti vois, madame, ci pas un signe du destin, çà ?
En plus du ménage et de la lessive, ma fatmah elle est philosophe.

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