vendredi 6 juillet 2018

FRANCO ET LES PIEDS NOIRS

Les péripéties de ce départ sont peu connues et pourtant on frôla l’incident international. Le consulat général d’Espagne à Oran avait prévu un rapatriement direct sur la péninsule, et la communauté de ce pays avait été prévenue de ce possible départ.
Aussi, la dernière semaine de juin 1962, les Espagnols résidant dans les villages de la province d’Oran firent route sur la capitale en convois protégés, avec leurs voitures chargées au maximum, camionnettes et camions bourrés de ballots, de caisses, de meubles, de petites machines agricoles, etc., bref, tout ce qui pouvait être emporté sans pourtant avoir la certitude de parvenir à l’embarquer.
D’autres, partis individuellement, n’arriveront jamais, car ils auront été arrêtés sur les routes, détroussés, voire égorgés par des bandes « incontrôlées » qui faisaient déjà régner leur loi à l’intérieur des terres.

Les 29/30 juin 1962, l’Espagne du général Franco vient au secours des Pieds-Noirs en affrétant ferrys :
- le Victoria ,
- le Virgen d'Africa

pour accoster le long des quais d’Oran il aura fallu longuement 1 parlementer avec les autorités françaises réticentes et même donner à la France un ultimatum, risquant un grave incident international. Le 30 à 10 h du matin, malgré l’opposition de de gaulle, le général franco donne l’ordre a ses capitaines d’embarquer les pied-noir, faisant fi de la pression imposée par la France.
Franco prévint de gaulle qu’il était prêt à l’affrontement militaire pour sauver ces pied-noir abandonnés sur les quais d’Oran et livrés à la barbarie du FLN.

De gaulle est également informé que l’aviation et la marine de guerre espagnoles sont en route jusqu’aux eaux internationales, face à Oran. Face à la détermination du général franco, la France cède et le samedi 30 à 13h, ces 2 bateaux espagnols ont pu embarquer 2200 Pieds-Noirs, 85 voitures et un camion.

Lors de rembarquement, les courageux capitaines espagnols durent s’opposer a la montée d’une compagnie de crs sur leurs bateaux (propriété espagnole), des crs qui voulaient lister tous les Pieds-Noirs embarqués à destination de l'Espagne.

Les capitaines espagnols avouèrent n’avoir pas compris l’attitude arrogante des autorités françaises dans une situation aussi dramatique. Contre vents et marées politiques, finalement à 15 h 30, les quais d’Oran, noirs de monde se vidèrent.
Les bateaux espagnols prirent enfin la mer malgré une importante surcharge. De l’arrivée jusqu'au départ des ferrys espagnols, une liesse, joie et larmes, s’était emparée des pied-noir aux cris de « viva Espana ! » et « viva Franco ! »


Aux arrivants s’ajoutent leurs compatriotes de la ville, et bientôt près de 3.000 personnes s’agglutinent près de l’usine thermique du port d’Oran, sur des terrains vagues vite transformés en véritable camp de réfugiés où l’on dort dans les voitures où à même le sol, des couvertures servant de parasol, vue la chaleur du mois de juin.

La, il n’y a pas d’eau, pas de buvette, et il faut se déplacer vers les zones d’embarquement, déjà surpeuplées, afin de s’approvisionner au minimum, ou bien aller jusqu’au vieux quartier de la Marine pour obtenir certains aliments, surtout pour les plus petits. Une véritable entraide s’établit immédiatement entre tous, mais un profond sentiment d’inquiétude s’amorce aussi, pour ne pas dire de la peur, sur ce que l'avenir peut réserver. Tous ont préparé une valise par personne au cas où les autorités A les empêcheraient d’emporter tous leurs autres biens, les obligeant alors à abandonner tout le reste sur les quais du port où les véhicules se comptent déjà par centaines. Et cela sera perdu à tout jamais. Dans un climat aussi tendu, on craint la non-venue des bateaux espagnols et de se retrouver ainsi à la date fatidique du premier juillet sur le port, livrés sans aucune protection à la merci des bandes de vandales qui déferleront sûrement sur la ville. C’est angoissant et on craint le pire à la veille de cette indépendance qui fait trembler...

Mardi 26 juin
La nouvelle a couru comme une traînée de poudre : les navires arrivent, en effet, en fin de journée. Du boulevard Front de Mer on peut les apercevoir, immobiles au large, en eaux internationales où ils doivent attendre l’autorisation d’entrer au port. Dès lors, l’ambiance a viré de bord : la peur se transforme en espoir. Mais ce sera, hélas, pour bien peu de temps.

Mercredi 27 juin
Les deux bateaux, le Victoria et le Virgen de Africa, en provenance des Baléares et frétés par l’Etat espagnol, demeurent toujours ancrés au large. Mais que se passe-t-il donc ?
Eh bien les autorités françaises, sur ordre de Paris, refusent l’accès aux deux navires !
La France avait déjà rejeté les aides américaine, italienne, grecque et espagnole pour faciliter l’évacuation, mais là, l’Exécutif français est intransigeant :
« pas de panique », la France estime pouvoir assurer toute seule ces départs de « vacanciers » (sic), et il ne faut surtout pas donner l’impression d’une fuite généralisée, d’un sauve-qui-peut face à la peur à cause d’une politique qui, en vérité, ne garantit plus rien. C’est l’échec total des fameux d'Evian.

c’est l’échec absolu des prévisions de l’homme « providentiel » qui a fini par agir en démolisseur de l’Empire Français.

Pendant ce temps, toutes les démarches du consulat, ainsi que du ministre espagnol des Affaires Etrangères, sont vaines. Il leur est répondu qu’aucun navire étranger ne pénétrera dans un port d’Algérie pour embarquer des " réfugiés ".

Jeudi 28 juin
Les bateaux espagnols, toujours à l’horizon depuis trois jours, demandent la permission d'envoyer un canot afin de ramener du ravitaillement pour des équipages venus simplement pour un aller-retour immédiat, vu la pénurie de vivres survenue a bord.
Celle-ci est accordée, et le canot reviendra du port avec l’aide essentielle du consulat pour ce maintien en eaux internationales.
Entretemps, le moral des réfugiés sur les quais est au plus bas, l’espoir faisant place au découragement.
Toutes ces familles n’arrivent pas à comprendre ce refus aussi incohérent qu’inhumain, puisque ce départ pour l’Espagne ne peut en rien gêner la politique de la France.



Jo Torroja
L’ECHO DE L’ORANIE 358.







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