lundi 12 mars 2018

MES LIVRES



Extrait de L'ETE DE MES QUINZE ANS de BIBI

Avec Roland, on se balade avenue de la Bouzaréah, on tape l’andar et venir comme on dit à Bab El Oued. Rien qu’y parle et moi, rien que j’l’écoute pas. Je continue de rêver. Putain, peut-être j’suis amoureux ? Ça rend si babao que ça, l’amour ? Purée, alors tous les gens qui se marient, c’est des babaos ? Aouah,  c’est pas possible ! Y a un bin’s que je comprends pas. Je peux pas en parler à Roland, y va se moquer de moi. En plus, y va se bidonner et il aura raison. Aussi, j’ai besoin de penser déjà aux filles ? C’est que ça me travaille, hein ! A savoir si mes frères y sont amoureux, les pauvres !


 Allez, j’arrête de penser à ça ! D’abord parce que Roland y parle dans le vide et aussi parce qu’il évoque le match qui se profile à l’horizon : ASSE-GALLIA. Autant dire Moïse contre Ramsès, les indiens contre les cow-boys, David contre Goliath, Docteur Jekyll contre Mister Hyde. Ça m’en toucherait une sans faire bouger l’autre si Roland il était pas du Gallia et moi de l’ASSE. Alors, imaginez le dilemme ! Si on n’étaient pas intelligents, rien qu’on se battrait comme des chiffonniers. Les supporters des rouge et blanc y se régalent d’avance de la tannée que vont prendre les coqs algérois qui disent rien mais que total ils en pensent pas moins. Bien faire et laissez dire, c’est leur devise. Ça leur sert à rien de vendre la peau de  l’ours avant de l’avoir tué.  Si jamais, le Gallia y l’emporte, les saint-eugénois y vont avoir les oreilles qui sifflent pendant des semaines alors mieux je reste sur une prudente réserve. Et comme Roland, il a oublié d’être r’mar, lui aussi, y préfère rester mon ami et pas m’énerver.

Aussi, il avait besoin d’être du Gallia, ce parote? Tu sais ces gallistes, hein ! Enfin, ça fait rien, c’est mon ami même s’il supporte le Gallia. Total, j’t’en prie, comme son cousin il était supporteur du Gallia, alors lui, comme un badjej, il est du Gallia. Si son cousin, il avait été de l’équipe de Tataouine, il l’aurait suivi. J’lui dis pas à Roland ou sinon, la guerre de cent ans, elle reprend illico..

Depuis la maternelle, nous deux, on est Sécotine et compagnie. Tout ça parce que nos mères elles étaient copines depuis l’école de filles de la rue Marengo. A cette époque, y se prenait pour Hopalong Cassidy. Tout ça parce que son père, il lui avait acheté une panoplie de cow-boy avec chapeau, étoile de shérif, ceinture pistolets et tutti quanti. Mon Roland, du jour au lendemain, il était passé du petit enfant sage à la terreur du Far West. C’est qu’en plus, il était pas content quand je préférais taper dans une balle que tuer les indiens ! Vers six, sept ans, il a rangé son lasso et ses révolvers pour s’intéresser aux écolières de la rue Rochambeau mais comme y rougissait quand sa voisine elle lui parlait, y préférait raser les murs quand il était seul. Il devenait normal à partir du moment où on était deux…..ou douze……ou vingt-quatre –je pourrais aller jusqu’à deux mille, remplir des pages et des pages si j’étais samote-.
Il a arrêté de rougir devant la petite Camille-les –gros-tétés. Tellement qu’il avait envie de les regarder de près, qu’il a laissé tomber sa timidité.
--On dirait qu’elle a deux ballons de foot à la place des tétés!
--Tu sais une fille, c’est pas seulement deux tétés, hein !
--Qué j’m’en fous du reste !

Yaré Roland ! J’en connais qui passent toute l’après-midi à suivre les filles dans la rue  pour mater. Des obsédés, j’vous dis ! Bouh, j’espère que Roland y va pas  devenir comme eux ou sinon on va me prendre pour un vicieux. C’est vrai, on dit pas qui se ressemble s’assemblent. Ouais, je sais si j’avais envie de faire du genre, je dirais : ne dit-on pas qui se ressemble, s’assemblent. Zarmah, je sais pas. Zarmah, je suis un illettré ; oh, je suis pas né de la dernière pluie, moi ! J’ai  usé mes culottes sur les bancs de l’école Rochambeau, tout ça pour dire que je suis pas la moitié d’un plouc ! Regarde les, ces lecteurs qui comprennent pas que j’écris en pataouète de la rue, qu’on parlait avec une syntaxe qu’elle s’en foutait du tiers comme du quart du français grammatical. Si j’ai envie d’écrire dans la langue de Cagayous plutôt que celle de Lamartine, j’ai le droit, non !

Purée, qu’est-ce que j’ai à m’énerver tout seul  alors que  personne, il a protesté. Même pas, j’ai reçu une lettre anonyme pour m’invectiver (quand j’suis énervé, je parle français !), même pas une lectrice, elle m’a fait le moindre reproche, je me perds en conjectures (chof, comme j’écris quand je veux !). Allez va, plus rien, je dis. Même, si je trépigne parce que ma langue natale, mon parler Bab El Ouédien qui se parle avec les mains, avec le cœur et avec cet accent qui ressemble à aucun autre, il a rien à envier aux dialectes pathos. Mieux, je respire profondément pour me calmer ou sinon, j’fais un malheur ! Total, je fais zbérote ! Putain de bon acteur que j’suis ! C’est pas vrai, j’suis pas en colère et puis, la vérité, le livre, même pas il est sorti, alors comment le lecteur y peut le critiquer ? J’suis malin, hein ! Ecrire des pages et des pages pour rien dire, la classe !

J’suis comme les politiques qui parlent pour des prunes aux poires que sont les électeurs. Ces hommes et ces femmes, qui nous bassinent à longueur d’années, y feraient mieux d’aller se faire cuire un œuf que de tenter de nous prendre pour des bananes. Fermons la parenthèse culinaire.

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