j'ai remis à mon éditeur une trilogie style Marcel Pagnol (zarmah, j'suis un grand écrivain)
MES SOUVENIRS DEN FACE .
Tome 1- COMME ELLE DIT MA MERE
Tome 2- L'ETE DE MES QUINZE ANS
Tome 3- INTERDIT AUX MOINS DE SEIZE ANS
Un philosophe ça sait pas
tomber sans se fendre le crane. Je l’ai
éprouvé à mes dépens, au cabanon, en me tapant un gadin digne de Pujol le
gardien du R.C.M.C. ou de Vignal, le goal du Racing de Paris. Aya
zoumbo, ce cri, on dirait qu’il a été inventé pour moi. 5 dans tes yeux
mais 5 quand même. Cinq agrafes plantées dans mon crane par un docteur sadique comme pas un. Ma parole, il avait l’air de prendre un malin
plaisir à me torturer l’esprit en me présentant l’agrafe qu’il allait me
planter dans la tête. Tiassardo, cet assassin!
Les jours suivants, la tête
enturbannée, les amis du quartier presque, ils me portent en triomphe. Ces babaos,
y croyaient que le FLN y m’avait morflé l’œil.
Purée, ma mère ! Le
mauvais sang qu’elle s’est fait ! Elle avait pas assez de mots pour me
protéger des risques que je prenais en descendant en bas la rue.
--Reste à la maison, mon fils ! Tu risques de te
cogner, et après comment je fais si tu saignes encore ! Tu veux que toutes
les cinq minutes, j’appelle les voisins ! Et attention, ne cours pas,
restes assis au jardin.
Presqu’elle me demande de pas
respirer.
--Manman, ne t’inquiètes pas, je te jure…. je suis au
jardin……. je cours pas !
Zarmah, courir, c’est mauvais pour la tête !
A qui tu parles ?
--Oui, tu dis tout ça pour me rassurer. Mais j’te
connais, va ! Dès que j’aurai le dos tourné, tu vas faire le zigoto !
Et patati, et patata !
Parle à mon cul, ma tête est malade ou le contraire mais vous avez compris la
nuance. La pauvre, ma mère ! Mon oncle, toujours y me dit : quand tu
s’ras grand et que tu auras des enfants, tu comprendras ! Comme j’suis pas
un badjij,
je comprends mais j’ai tout le temps d’me faire du mauvais sang pour mes
enfants ! Oh, c’est moi l’enfant, le bouznika….j’ai à peine douze
ans !
Et à savoir avec qui j’vais
me marier ? C’est qu’ça commence à me démanger, les filles ! Ya
toujours la petite Annie et toutes les autres qui pointent le bout d’leurs
tétés sous nos yeux de laouères. Les films interdits aux
moins de seize ans, mes copains y matent, les yeux exorbités les photos
publicitaires qui sont affichées devant le cinéma. Y m’énervent, surtout Bozambo
et Capo
qui passeraient bien l’après-midi à les contempler.
--Allez, vous venez, ho ?
--Attends, regarde Anita Ekberg, on dirait des ballons
de football qu’elle a !
--Bon, smata…..ça
va, elle des gros tétés !
--Non, mais tia vu ?
--J’suis pas laouère !
Allez, j’vous paye des cacahuètes kermèches !
Hamdoulah, les morfals y remplacent les vicieux mais tels que
j’les connais, demain, y seront devant le Marignan en train de perdre un
dixième à chaque œil sur les tétés d’Anita Ekberg.
Tout le monde est aux p’tits
soins avec moi. Zarmah le grand blessé de guerre. Moi, je laisse faire.
D’habitude, les copains, y font même pas gaffe à moi, enfin pas plus qu’un
autre mais depuis que j’me suis fait une goffa dans la tête, ils utilisent
des pincettes pour me parler. Y sont
gentils même j’me demande s’ils deviennent pas un chouïa tapette.
Par exemple, on adore les
grillades. Pas la viande, spèce de babaos ! Une grillade,
c’est une grande baffe sur la cuisse quand on s’y attend pas. Ça fait un mal de
chien, j’vous dis que ça ! (Un mal
de chien, n’importe quoi ! Pourquoi pas un mal de girafe ou de tortue, à
savoir !) Et jamais ça déclenche une bagarre parce qu’on est tous
logés à la même enseigne. A charge de revanche ! Tout le monde y a droit
mais nos préférés, c’est les gros avec des grosses cuisses. On est pourris,
hein ? Eh bien vous croyez si vous voulez, mais je suis exempté de
grillades depuis que j’ai la tête comme une pastèque. Peut-être mes copains y
croient que j’vais me casser en mille morceaux. Les filles, j’vous dis pas.
Elles me tournent autour comme des arapettes (ouais, je sais si j’étais
un bon français, je dirais arapèdes mais moi, j’suis un pied noir bon teint,
alors, je parle comme les gens de chez moi et c’est pas la peine de
m’gonfler !).
Ouais, les petites du jardin,
elles doivent se d’mander qué j’me suis fait, pour ensuite le
raconter à toutes les autres copines, à leurs mères, à leurs
tantes…..j’pourrais citer toutes leurs familles mais comme j’suis pas une arapette
(encore celle-là) je vous parle seulement d’Annie qu’elle s’approche de moi dans
sa petite robe rouge.
--Qu’est-ce que tia fait, tu es tombé ?
La babao. Qué
j’me suis fait ? Ça s’voit pas, non ? Qu’est-ce tu veux qu’j’réponde
à ça ? Alors que je me perds en conjectures (zarmah, je parle comme
une tapette
!) tout à coup, j’ai l’illumination. Mon cerveau y s’est mis en marche tout
seul. Bien sûr, elle a trouvé l’excuse pour m’adresser la parole. Ba ba ba,
elle est forte, cette petite ! Zarmah, elle s’inquiète pour moi
total, c’est pour me draguer, la coquine ! Purée, elle est maligne. Soit
disant, (et même soit vingt ans) elle me plaint comme si elle était ma mère. Les autres filles, elles sont toutes battues à
plate couture question intelligence ! Et la vérité, question sex-appeal aussi !
La vérité, qu’est-ce que j’en ai à faire du sex-appeal à mon âge ? C’est
pour dire mais j’me prends pas encore pour un grand !
Mes copains y voient Annie me
draguer, y restent babas. Y vont tous se fendre le crane pour avoir du succès
auprès des filles. P’tit à p’tit, une nuée de demoiselles, elles nous
entourent. Putain, on dirait une manifestation, dé ! Je suis le garçon le
plus plaint de Bab El Oued. C’est à celle
qui se lamentera le plus.
--Tia mal ?
Non, ça fait un bien
immense ! C’est pour ça que le blessés de guerre on leur donne des
médailles !
--Et bien sûr, bande de sauterelles !
Ma mère, elle serait contente
de voir autant de sollicitude autour de son héros de guerre mais fissa
elle demanderait qu’on me lâche la grappe : « arrêtez, vous allez lui
porter le siare ! » (Orthographe non garantie de ce mot
judéo-arabe qui signifie : poisse)
Le siare dans le langage de
ma mère, c’est une schoukmoune maousse que même la mort elle l’efface pas, vous
voyez l’genre. Comment dire, même pas tu en parles parce que tia
peur qu’un tremblement de terre y dévaste
le pays, simplement tu y penses, patatras, la catastrophe elle arrive
sournoisement. Mais attention pas une petite catastrophe, le barrage de
Malpasset, le tremblement de terre à Orléansville….ma parole ! Alors,
c’est pour ça que les femmes d’Alger elles sont superstitieuses et ma mère,
c’est la recordwoman (chof, je parle américain) du monde
et des alentours. Obligé, tu ajoutes les superstitions de chez nous,
l’espagnole, la maltaise, l’italienne, la mahonnaise (humm, la soubressade
mahonnaise), l’arabe, la juive, tu mélanges tout ça, et au milieu, ya ma
mère ! Tia compris, ouais ?
Souvent, le dimanche, réunion
de famille obligatoire. Chez nous ou chez une de mes cinq tantes. Vous avez
remarqué : cinq comme la main de fatmah pour vous mettre comme elle
dit ma mère : cinq dans vos yeux balala. C’est pas d’ma faute si ma
mère elle a trois sœurs et deux belles sœurs ! Et en plus, j’ai quinze
cousins et deux cousines. J’vous dis pas l’ardjeb de nos fêtes familiales. Et
toutes les occasions sont bonnes, hein. Même les asguères, une fois que la
prière elle est terminée, c’est la ruée sur les petites assiettes préparées
avec amour par ma mère et ses sœurs. Et nous, les enfants, on tape le match
dans le couloir pendant que mes oncles y tapent la belote. Ça fait un tcherklala
pas possible comme on les aime chez nous.
C’est bien simple, chaque
fois que la famille elle est réunie, même pas je descends en bas la rue
tellement je veux pas perdre une miette de ce bonheur incomparable. Ça y est je
redeviens philosophe. Ma mère, elle aurait dû m’appeler Socrate. Ouais mais
Socrate, il est pas allé chez le docteur assassin pour se faire retirer
les agrafes. La mort de son âme à celui-là !
Y m’a fait plus mal en me les enlevant qu’en me les plantant dans mon crane.
Quand je s’rais grand, j’irais lui faire
la tête comme un tchic-tchic à
trois faces. Y mérite, ma parole ! Et pourtant, comme elle dit ma
mère, y a pas plus gentil que moi. Mais comme je suis pas un parote,
je sais pourquoi elle dit ça : elle a besoin que j’lui fasse des
commissions. Alors, elle devient la reine des salamalecs…..mais elle a le
droit, c’est ma mère !
Maintenant, j’ai une tête
toute neuve, sans ce turban de malheur qui me donnait l’allure d’Ali Baba.
Mais, depuis, je suis devenu une gamate. J’ai peur du gadin. Alors,
quand je joue au foot, je fais des entrechats pour pas qu’un copain y me fasse
un croche-pied, je joue comme une danseuse, j’vous dis, une vrai demoiselle.
C’est que les agrafes dans la tête, ça va une fois, hein ! Quand les
copains y disputent le match du siècle contre un autre quartier, je préfère
aller conter fleurette à Annie qu’elle me fait toujours autant d’effet. Même
pas, je la frôle et encore moins je lui touche un tété. C’est pas l’envie qui
me manque pour le dire aux copains mais j’ai la rouf. J’vous dis, je suis
devenu un péteux. Vous vouliez pas me croire. Si j’vous le dis !
Pourtant, Annie, elle a pas l’air timide et la vérité, si jamais, par
inadvertance (chof, le philosophe) ma main, elle tâte son tété, j’sais même
pas si elle s’en offusquerait (bababa, le phrasé !)
Purée, je reste assis comme
un vieux alors que les copains y jouent au foot. Annie, elle doit croire que
j’sais pas jouer. Que j’suis un babao ou un fils à pep. Aouah,
elle sait qu’avant mon gadin, j’étais un p’tit voyou. Je sais pas pourquoi j’ai
peur de me refendre le crane, j’suis r’mar, hein ! Annie, elle joue
aussi la philosophe.
--C’est un mauvais moment à passer, un mauvais souvenir que tu vas oublier.
Tu verras. Dans un mois, tu y penseras plus.
Putain, elle est plus
philosophe que moi, dé ! Sauf, qu’il s’agit de ma tête, pas d’la sienne.
C’est plus facile de philosopher avec la tête des autres. Non, mais la vérité,
elle est gentille et en plus elle a des tétés, alors !
Ça y est, le match, il est
fini et les copains y sont lessivés. Au
propre et au figuré. Rien qu’ils s’engueulent.
--Tu fais que dribbler !
--On va t’acheter un ballon pour toi tout seul !
--Va te faire…..et ce goal, c’est une véritable
passoire!
En un mot comme en cent, les
copains, y se sont pris une bonne tléra.
Je risque une plaisanterie.
--C’est normal, votre meilleur joueur il était pas
là !
Oh putain, qu’est-ce que j’ai
pas dit ?
Tous, y me sont tombés
dessus.
--Ouais, soit disant, tia peur pour ta tête, total y
avait Annie qui te faisait les yeux doux.
--Coulo que
tié !
--ma parole, j’te parle plus !
--Va à fancoule !
Et moi, je me bidonne parce
que c’est des mots et que total, cet apreum, y vont me manger dans la
main quand j’vais leur payer le ping-foot.
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