Dimanche,
le Gallia y rencontre Bel Abbès en coupe d’Algérie alors bien sûr, les
supporteurs y supputent.
--Putain, juste
sur Bel Abbès y sont tombés ! Pendant, ce temps, l’ASSE elle joue à Mascara. Ma parole, il y a
combine.
--Qué
combine ! Tu crois qu’aller gagner à Mascara, c’est facile ?
Moi
rien que les écoute. Je souris. Je repense à cette famille qui emménagé cette semaine dans mon immeuble en
provenance du Maroc. Leur fille est belle comme un cœur. Le père est rabbin et
la mère est déjà, cul et chemise avec ma mère qui lui a porté une assiette de
gâteaux de bienvenue. Depuis, elle a qu’une idée en tête : voir son fils
convoler en justes noces avec la fille du rabbin.
--Mon fils, tu t’rends
compte, la fille d’un rabbin !
Je
reçois cela comme une plaisanterie. Je réponds sur le même tempo.
--La vérité, je préfèrerais la fille d’un
milliardaire !
Man,
qu’est-ce que j’ai pas dit !
--Bouh, mon
fils ! tch’as pas honte de te moquer d’un homme de dieu !
Où
j’ai dit du mal ? Où ?
Ma
mère, quand on parle de mon avenir, elle est pas à prendre avec des pincettes.
Un mot de travers et illico presto, elle sort le bureau des pleurs.
C’est
vrai qu’elle est belle cette petite avec ses cheveux noirs, ses yeux en amandes
bleus et son teint mat. Et bien sûr, des creux et des bosses là, où il
faut !
--Richard, tu es
capable de faire la coupe au rasoir ?
Jeannot,
toujours il est à la dernière mode. Même s’il faut se mettre une plume là où je
pense, il est capable de le faire pourvu qu’on le remarque !
--j’te fais même
la coupe de champagne si tu payes!
Envoyez
la monnaie.
--Alors, tu me
coiffes à la Marlon Brando ?
--Tu préfères
pas à la Yul Brynner ?
--Allez arrêtes
de plaisanter avec ton rasoir à la main !
Yvon,
le jeune apprenti y s’approche pour admirer le travail de l’artiste.
--A quoi ça
sert, la coupe au rasoir, m’ssieu ?
--Zarmah, ça
fait plusse mieux que la tondeuse.
--M’ssieu,
qu’est-ce que ça veut zarmah ?
--Soit disant
dans le langage judéo-arabe!
--Alors, à vous
entendre, la coupe au rasoir, ça sert à rien ?
--C’est du
zbérote ! Ça sert seulement à me remplir les poches !
--Qu’est-ce que
ça veut dire zbé…..comme vous dites ?
-- J’ai
l’impression que non seulement tu vas apprendre ton métier ici mais en même
temps, tu étudieras le langage judéo-arabe ……...... faire du zbérote ou faire
du cinéma, c’est kif kif bourricot.
Jeannot
qui n’avait pipé mot de peur de faire déraper mon rasoir se mêla de la
conversation.
--Putain,
Richard, dis-lui la vérité ! La coupe au rasoir, c’est pas n’importe quel
coiffeur qui peut la réussir. Manier la tondeuse, tous les coiffeurs, y peuvent
le faire mais savoir manier le rasoir, y a que les artistes qui le
peuvent ! Comme Vincent de la rue
Rosetti. Maintenant, si tu es incapable…..,
--Continues et
j’te fais le sourire kabyle! Je lui coupe la parole, faussement
énervé.
--Le sourire
kabyle…. ?
S’enquit Yvon très étonné du parler de son patron.
--Le sourire
kabyle, c’est trancher la gorge d’une oreille à l’autre !
L’étonnement
du petit apprenti déclencha le rire du salon.
--Ne t’inquiète
pas, fils, c’est une façon de parler ! Comment je gagne ma vie si j’égorge
mes clients ?
La
clientèle, qui vient simplement se faire couper les cheveux, n’aime pas poireauter au milieu des palabres, des rires
et des plaisanteries douteuses. Elle préfère faire les cent pas sur le trottoir
en grillant une cigarette ou s’assoir à la Grande Brasserie qui touche le
salon.
Charge
à Yvon d’aller prévenir le client que son tour arrive. Mais attention, s’il a
une seconde de retard, je respecte le vieil adage : Premier arrivé,
premier servi.
La
Grande Brasserie est un café si renommé que j’ai sauté à pieds joints sur
l’occasion sitôt connue l’envie de monsieur Ferrari de vendre son fonds de commerce. La banque a mis la main à
la poche, assurée par la proximité de la Grande Brasserie qui attire la
jeunesse comme des mouches à miel. Autant dire que la clientèle des buveurs d’anisette, c’est un réel vivier pour les commerces
environnants.
Je
rentre tout content de ma journée. Châ, châ, je suis fatigué mais c’est une
bonne journée assortie d’une bonne recette. Pour mon malheur, je me laisse choir (chof, le langage châtié) sur la chaise longue en lâchant un ouf de
fatigue et de satisfaction.
--Dis mon fils,
le travail c’est bien beau mais…….. j’ai
pas envie que tu me tombes dans un lit !
Ma
mère, presqu’elle m’engueule !
--Mais man, plus
je fais des clients, et plus je gagne de l’argent, donc plus je me fatigue,
c’est normal !
--Peut-être, mais
ta santé, monsieur le coiffeur, elle passe
avant tout ! Tu aurais pas pu faire comme Tonton Robert et
travailler à l’EGA, non ? Jamais, y bouge de sa chaise !
Purée,
les mères de chez nous ! Y en a qui diraient quelles plaies, moi je dis
quel bonheur !
Une
mère d’Algérie, si le mauvais sang y
fait pas partie de sa panoplie, on est capable de l’expulser du pays,
alors ! A partir du moment où j’ai assimilé cette donnée fondamentale,
plus rien ne peut m’arriver. Je dis Amen à tout et puis, je passe à autre
chose.
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