jeudi 5 mai 2016

Extrait de ECRIRE AFIN D'EXISTER (titre définitif) que j'écris actuellement......



L’été s’était enfui. La plage, redevenue terrain de jeux pour les oiseaux marins, s’ennuyait ferme. Délaissées des touristes, les terrasses des cafés faisaient leur toilette. Côtoyer la foule bigarrée des grandes métropoles, à présent, indisposait Simon. Il préférait le calme à  la fureur d’une station balnéaire. L’enfant d’Alger n’aimait plus l’été. Aimer est un bien grand mot pour un solitaire. Mais était-il  encore capable d’aimer ? Tout lui paraissait tellement dérisoire que le mot aimer ne résonnait plus avec la même sonorité qu’auparavant. Aimer un enfant, une femme, un objet, un paysage ne mérite pas le même investissement affectif. Aimer sa mère, son père, sa famille semble un escalier qu’il est aisé de franchir mais la forme d’amour diffère selon l’âge et l’objet de ce sentiment si difficile à cerner. Etait-il encore capable d’aimer ? Lui seul le  savait, l’espérait peut-être. Mais sitôt qu’il se posait la question, le verdict tombait telle une sentence de mort. Avait-il envie d’aimer? De souffrir mille morts. Car aimer c’est souffrir. Et dans l’état de dépendance où il se trouvait, il ne pourrait être confronté à une autre  épreuve.
Jamais, il n’avait côtoyé le mal d’amour et à présent, qu’il ne pouvait se défendre, comment absorberait-il cette souffrance ?
L’amour c’est bon pour les bien-portants. Pas pour les malades.

*****

C’est vrai qu’elle était jolie Edith. En d’autres temps, Samuel se serait bien laissé tenter mais à présent, il s’interdisait de demander la lune. Bien qu’il restait un homme dans tous les sens du terme, ses besoins ne  se limitaient aucunement en un appétit sexuel non satisfait mais en un échange avec une femme joliment compréhensive. Parler, échanger, avoir une compagne à ses côtés pour voir un film, rire pour les mêmes blagues, lui faire l’amour sans que ce soit une fin en soi, voilà ce qui lui manquait, ce qu’il espérait sans oser  y croire tout à fait. L’espoir fait vivre, répétait sans cesse sa mère afin de se donner du cœur au ventre lorsque son moral de maman  chancelait.
En parlant de moral, celui de Simon connaissait plus de bas que de haut. Contrairement à ce que prévoyait Roland, la présence d’Edith lui avait fait plus de mal que de bien et lui avait fait toucher du doigt le fossé qui existait entre le Simon d’hier et celui d’aujourd’hui. Il n’était pas dupe.  Tout cela partait d’un bon sentiment mais les sentiments n’existent que pour ce qu’ils sont, des moulins à vent qui changent de direction à la moindre rafale. A présent, il mesurait la différence entre l’amour et l’amitié. Celle-ci se donne sans retenue ni condition, l’amour offre émerveillement ou destruction. Sincère ou capricieux, la fidélité en bandoulière, il joue avec les âmes sensibles et ne souffre pas la mesquinerie.
Simon, fort de son nouvel état d’esprit, n’attendait plus rien des femmes. Il s’en servira comme d’un adorable jouet, si tant est qu’une seule d’entre elles, s’intéresse à lui. Une seule demoiselle s’était envolée et, soudain, son ciel s’était obscurci. Alors, plus de rêve, plus d’entourloupe, plus de sentiment.

*****

--Tu sais qu’Edith a parlé à Colette !
--C’est normal. Elle a une bouche !
--Quel con ! Elle lui a parlé de toi !
--Bon ça va ! Lâche-moi avec Edith !
--Oh, tu as fini ! Tu n’as pas envie de savoir ce qu’elle pense de toi ?
--Je m’en tamponne le coquillard !
--Putain, tu fais le con ou tu l’es devenu ? Colette elle s’est donné un mal de chien pour la faire sortir de son cocon….. pour toi….
--Pour moi ?
--Ouais monsieur, pour toi ! Elle s’est dit que cette femme pouvait t’apporter une stabilité…..
--Une stabilité ? Pourquoi, elle allait m’acheter une autre jambe ?
--Ah c’est malin ! Elle voulait simplement réunir deux âmes solitaires…..
--Deux âmes solitaires ? C’est plus Colette, c’est Ménie Grégoire !
--Putain, quel con ! C’est comme quand on était petit. Tu croyais toujours avoir raison ! Rappelle-toi, il fallait toujours que tu choisisses les films….. même les filles, tu critiquais les gonzesses qui me plaisaient……..
--Pour les filles, du moment qu’elle avait des gros tétés, tu flashais sur elle. Peu importe qu’elle soit laide, grosse, blonde, brune et même chauve,  il te la fallait.
--Et je veux !......Bon,  tu veux pas lui téléphoner…….je lui ai fait l’article…..ma parole, tu lui plais !
--Je veux pas me fâcher, surtout avec toi, mais si tu continues……
--Arrête de penser qu’à toi ! Colette….et moi on l’a baratinée comme des malades.
Pour la première fois, depuis leurs disputes d’écolier, Simon avait envie de l’envoyer sur les roses. Devant son silence, Roland sortit de ses gonds :
--Tu as fini de te regarder le nombril ? On se décarcasse tant et plus et monsieur, joue les vierges effarouchées. Putain, tu te plains que tout le monde te tourne le dos mais, crois-moi, tu fais rien pour que ça change ! Bon, comme j’ai pas envie qu’on se dispute pour de bon, je raccroche !
Simon était seul. Plus seul que jamais. Il se sentait incompris. Etait-ce lui qui demandait trop aux autres ? Pourtant, il n’avait pas l’impression de trop exiger. Que demandait-il? De ne pas être tributaire de lui comme des autres. Etait-ce une fantaisie de sa part, vouloir se suffire à lui-même et ne pas devoir supporter la commisération à son encontre. Ses copains avaient déserté le rivage des bonnes intentions, soit. Il en avait fait son deuil. Son amie nageait au large de son horizon, cela le troublait mais il ne se plaignait pas, tout au moins aux autres. Non, il attendait une nouvelle fée sans toutefois l’attendre. Elle viendra un jour ou elle fera défaut, mais la vie lui avait appris que rien n’est jamais acquis. Cette phrase d’une chanson de Georges Brassens l’avait guidé tout au long de son périple de reporter-photographe. A présent, il s’appuyait sur elle afin de ne plus jamais être déçu. Roland montrait de l’agacement mais il connaissait son ami. Il lui fallait se calmer pour revenir à de meilleurs sentiments, tout au moins, le pensait-il.

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