lundi 23 mai 2016

extrait de ECRIRE AFIN D'EXISTER que j'écris actuellement.

Histoire d'un blessé de la vie qui écrit pour exister. Roman historique de la conquête de l'Algérie qui se confond avec la conquête d'une lectrice.

1839

En 1838, Diégo Agullo a ouvert deux points de vente rue Randon et rue de la Lyre.
La rue Bab El Oued se pare de nombreuses boutiques, damant le pion à la rue des Consuls. Ouvert en 1838, le café d’Apollon sur la place Royale devient le nec plus ultra d’une société choisie.
La rue Bab Azoun voit l’installation d’un salon de coiffure flambant neuf que Luigi Garguilo accueille avec circonspection. Concurrents mais pas adversaires car ce sont deux compatriotes arrivés en 1836 de Torre Del Gréco qui répondent au chant des sirènes françaises et investissent leur maigre capital. Le droit d’ainesse jouant à fond, le salon de Luigi conserve sa clientèle, l’augmentant, au passage, par l’apport de nouveaux immigrés de la baie de Naples. Mais toute initiative est synonyme de succès tant la demande dépasse l’offre.
C’est le cas pour Jonas qui reçoit des commandes de petit mobilier de l’hôtel des Ambassadeurs l’obligeant à enrôler deux ouvriers. La perte de la clientèle du Dey d’Alger est rapidement compensée par la vente de nombreux sièges aux gargotes, bars et cabarets de la blanche capitale -- en 1837, on en dénombre près de cent soixante –
Le 14 Octobre 1839, La France francise El Djezaïr par la grâce du ministre de la guerre, le général Schneider. ALGER est le nouveau nom des possessions françaises en Afrique du Nord. Alger est en conformité avec le dessein de la France. Luigi, Diégo et Jonas sont heureux d’avoir emboité le pas de la grande nation. Ils ne sont pas français mais leur cœur est bleu-blanc-rouge. Ils ont fait le bon choix et remercie le ciel de leur avoir permis de franchir la méditerranée pour un avenir meilleur.
La femme de Luigi lui donne un fils en Septembre 1939. L’Algérie nait en Octobre. Luigi est fier que son fils et son pays soient nés la même année. Il s’ancre définitivement en ce pays et, depuis il ne jure plus que par cette terre nourricière que le hasard a mis sur son chemin.
Quant à Jonas, il voit enfin la fin d’un tunnel moyenâgeux où l’avait enfermé l’ottoman. Il peut à présent s’habiller de couleurs claires, travailler sans avoir à payer une dîme pour droit de vie, vivre tout simplement.
Pour Diégo, un sou est un sou. Le travail ne lui fait pas défaut et prendre des risques ne lui fait pas peur. Il écume les villages autour d’Alger pour trouver des points de ventes en laisser sur place. Ses espadrilles de très belle facture lui apportent plus de clients qu’il ne peut fournir. Aussi, il décide d’acquérir deux nouvelles machines à coudre spéciales grosses aiguilles et charge son frère Manuel et sa sœur Conchita de les faire tourner.

*****

Simon aimerait bien inviter Edith pour un déjeuner, voire un diner. En tête à tête. Il lui faut l’aval de Roland pour lui donner du courage.
--Tu veux l’inviter seule ?
--Non, pas seule ! J’inviterais aussi Ali Baba et ses quarante voleurs! Eh, bien sûr, seule! Si je veux la connaitre un peu mieux et voir si ça peut coller, j’ai besoin d’être seul avec elle. Et surtout, si un bancal comme moi ça lui fait pas peur ! Tu vois, il suffit que j’en parle pour m’apercevoir que je suis fou! Qu’est-ce qu’elle en a à foutre d’un handicapé. Allez, va, celui qui a parlé, il s’est envolé, ada ma canne et mon chapeau !
--Oh, oh, oh ! soumlah ! Si cette idée te trotte dans la tête, ne la jette pas aux chiens ! Sinon, tu feras jamais rien. Va au bout de ton rêve ! Et si jamais, c’est une chimère, tu auras au moins essayé ! Qu’est-ce que tu risques ? C’est pas toi qui disais, qui tente rien n’a rien ! Alors, prends-toi par la main et téléphone-lui, fonce !
--Qué, je fonce ! Demain il fera jour et comme la nuit porte conseil !
--Putain tu es devenu une gamate, Hein ?
--Va te faire une olive !
Simon respirait à nouveau. Il n’était plus désespéré. Une page de sa vie s’était refermée, un autre chapitre dont il ignorait la fin s’offrait à lui. Serait-ce une route fleurie ou un cul de sac ?
Tenant sa vie entre ses mains, il était le seul maitre à bord. A lui de choisir la vitesse. TGV ou omnibus. Il hésitait. Roland avait sans doute raison de lui conseiller d’appeler Edith. Il prit le téléphone, le soupesa en réfléchissant sur l’opportunité d’un tel coup de fil. Puis soudain, après avoir lâché un Et merde qui s’adressait autant à son courage qu’à sa crainte de recevoir une fin de non-recevoir, il composa le numéro d’Edith. Le cœur battant comme celui d’un collégien, ce qui l’étonna pour le moins, il attendit le petit déclic.
--Allo !
--Bonjour Edith !
--Bonjour, qui est-ce ?
--Ce n’est que Simon !
--Quelle bonne surprise !
--C’est Roland qui a insisté pour que je te téléphone…..
--Il a bien fait mais pourquoi il voulait que …..
--Je lui ai demandé de tes nouvelles…
Simon avait trouvé l’angle d’attaque.
--Et ?
--Et il m’a dit qu’autrefois j’aurais pas pris de gants pour t’inviter à déjeuner
Il s’aperçut de sa précipitation, aussi il ajouta : enfin si tu es libre !
--Avec Roland et co……
--Non, seulement toi et moi !
--Pourquoi ? Qu’est-ce que tu cherches ?
La question était directe, la réponse le fut tout autant.
--Je cherche celle qui me regardera comme un homme et pas comme un infirme ……je ne te cache pas que j’ai longtemps hésité…….tu es trop jolie pour …….enfin tu comprends ?
--Non je ne comprends pas ! J’ai la tête sur les épaules et les contes de fées, ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants, j’ai passé l’âge. Si je devais refaire ma vie, l’enveloppe physique m’importera moins que la gentillesse, la douceur, l’intelligence…….
--Mais quand même, Quasimodo…..
--Tu n’es pas Quasimodo à ce que je sache. Colette et Roland m’ont suffisamment vanté tes qualités pour avoir envie de mieux te connaitre. Et un repas, ça n’engage à rien !
--Alors, tu acceptes ?
--Pourquoi, tu attendais un refus?
--C’est le premier rendez-vous féminin depuis mon accident aussi je craignais que tu trouves un prétexte pour te sortir de ce guêpier.
--Le moins qu’on puisse dire, c’est que tu n’as pas confiance en toi !
--Chat échaudé craint l’eau froide !
--Pourtant, Roland t’a décrit comme……
--Roland t’a parlé d’un homme qui n’existe plus ! Et justement, parce que la vie m’est passée dessus qu’à présent, j’avance à pas de loup.
--Tant pis pour toi, tu vas devoir me payer un repas pour me présenter le nouveau Simon !

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