dimanche 15 mai 2016

Extrait de ECRIRE AFIN D'EXISTER que j'écris actuellement..

Roland avait mis les petits plats dans les grands pour combler son épouse. Il avait réservé une table à Cassis dans un restaurant italien dont la terrasse surplombe le port. Edith et Colette rivalisaient de grâce et d’élégance. Dire qu’elles étaient jolies ne suffit pas, elles étaient belles. Simon décida d’oublier son handicap pour se comporter en ami prévenant et parfois se surprit à faire le joli cœur.
--Cela fait longtemps que je n’avais plus vu le véritable Simon ! Tenta Colette.
--C’est mon cadeau d’anniversaire, ma belle ! répondit Simon en envoyant un petit baiser à l’épouse de Roland qui enchaina :
--Je te crois mais je pense que la présence d’Edith n’est pas étrangère à cette métamorphose !
--Je rends simplement hommage à la beauté !
--Putain, tu redeviens toi-même !
Roland n’en revenait pas. Simon draguait Edith. Il reconnaissait ses petits regards en coin, sa façon de fermer les yeux en souriant, son sourire qui fit craquer plus d’une demoiselle, son regard qui se perdait dans les nues pour finalement s’arrêter sur le visage d’une belle, oui, il draguait à mort ! Le naturel lui revenait au galop. Il avait raison. Edith semblait séduite.
Il sera bien tant de se poser quelques questions sur la réaction de cette jolie fleur lorsque se tairont les clameurs et que la solitude le renverra dans les cordes. Il sera alors un boxeur sonné ou bien, réagira-t-il de la meilleure des façons en relevant le gant de la vie.
Edith était belle et intelligente. Cette fille taisait sa souffrance avec élégance. La tristesse de son sourire illuminait la douceur de son visage. Par instant, Simon percevait le bonheur dans les regards échangés entre Roland et Colette, alors, il imaginait comme serait délicat l’amour de deux êtres abîmés. Aimer et être aimé. Oublier la déchirure. Panser ses plaies. Et vivre ! Revivre mais Edith était trop bien pour un oiseau blessé dont l’aile atrophiée le clouait au sol.
Simon revenait à la réalité en refermant le livre de l’avenir à deux. Le rêve s’évanouissait. Il avait fantasmé sa vie et, à présent, le masque de la félicité était tombé.
--Tu comprends Roland, rêver c’est bien beau mais au bout du bout, le rêve passe et tu restes démuni face à la réalité.
--Arrête de déconner ! A t’entendre, ta vie elle est finie. Regarde Edith, elle te plait, ne dis pas le contraire ! Et selon moi, tu lui plais, alors pourquoi tu renoncerais à…..
--Je renonce à rien mais c’est pas la peine de se faire du cinéma. Elle est trop bien pour un canard boiteux comme moi. Etre assis….. même couché à ses côtés, ça peut aller mais tu me vois me promener à son bras, d’ailleurs je pourrais même pas…….
Roland sursauta.
-- Tu pourrais pas la niquer ??
--Eh badjij, je parle pas de niquer ! Je pourrais pas me promener en lui donnant la main.
--Pourquoi ?
--Putain, tu es de gaz ou quoi ? Tu oublies que j’ai qu’une main valide et elle me sert à tenir la canne?
--Ah oui !
--Et oui, tonton ! La vie est ainsi faite, aujourd’hui bli-bli, demain cacahuète !
Roland sourit en écoutant ce proverbe arabe qui lui rappelait bien des souvenirs.
--Et si, malgré tout, elle se trouvait bien avec toi, si elle te trouvait à son goût, qu’est-ce que tu ferais ?
Simon laissa passer un moment puis, se mit à chanter une chanson d’Eddie Constantine :
--Si c’est comme ça, dans ce cas-là, je garde mon sang-froid, ok, je prends la chose du bon côté !
--C’est bon à savoir, tu dis pas non, c’est tout ce que je voulais savoir.
--Roland, ne mets pas la charrue avant les bœufs. J’avance à pas de loup sans me faire d’illusions ! Pour le moment, je tente de me reconstruire même si je sais que la reconstruction risque de s’écrouler à tout moment. Je fais en sorte qu’un tremblement de terre ne m’anéantisse pas. C’est grâce à ma famille que je suis encore debout. Et bien sûr à ta présence auprès de moi !........ mais ne crois pas que je vais t’élever une statue pour autant ou sinon tu risques de t’envoler !
Après bien des réflexions sur son avenir, mille discussions avec sa mère et ses frères, avec Roland et surtout avec lui-même, il se rendit à l’avis unanime que la vie méritait plus d’investissement de sa part. Et surtout, que sa vie amoureuse n’était en rien finie. Il ne comptait plus sur un possible retour de flamme de Suzy mais Edith avait réveillé en lui un sentiment qu’il croyait à jamais anéanti : l’envie de séduire.
Séduire comme un canard boiteux certes mais tenter la chance d’attirer un regard féminin autre que compatissant, à présent, il savait. Edith l’avait regardé sans le plaindre, sans la condescendance qui sied si bien aux bonnes âmes qui ne comprennent pas qu’elles enfoncent plus qu’elles ne soutiennent ceux qui souffrent.
Elle avait ouvert la porte de l’espoir et tant pis si elle ne lui donnait pas la main, un autre sourire illuminera son existence. De cela, il en était à présent certain.Il sera toujours handicapé mais fini de s’apitoyer, terminée la peur du lendemain et même si le temps n’efface pas le souvenir-chagrin, d’autres bonheurs lui feront de l’œil.

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