L'adoption de la "décision" du Conseil exécutif de
l'UNESCO du 15 avril dernier a provoqué beaucoup d'émotion parmi les soutiens
juifs d'Israël, d'autant qu'à la différence de plusieurs grands pays
occidentaux, la France (1) a voté en sa faveur.
Ces soutiens ont retenu avant tout le
négationnisme qui sous-tend en filigrane le texte de cette décision, d'un bout à
l'autre. En effet, des noms arabes y sont attribués à tous les lieux hautement
symboliques de la tradition juive (le Mont du Temple, le Caveau des Patriarches,
la tombe de Rachel, etc.) et il n'est fait mention nulle part d'un lien antique
des Juifs avec Jérusalem ou avec la "Terre d'Israël."
Le texte de la décision du 15 avril a été rédigé
par les experts de l'Autorité palestinienne et il a été présenté à l'UNESCO par
six pays tous arabo-musulmans à l'exception du Liban. (2) Les soutiens juifs
d'Israël ne doivent pas attendre que les Palestiniens, les grands experts
contemporains de la guerre idéologique, diplomatique et juridique, leur fassent
le cadeau de se préoccuper de la vérité ou même de la vraisemblance quand ils
rédigent leurs libelles. Ils ne doivent pas attendre de leurs ennemis
implacables, ni de leurs faux amis, la reconnaissance loyale de leur identité et
de leurs droits. Quand très justement Benjamin Netanyahou demande en préalable
aux Palestiniens de reconnaître Israël comme l'État du peuple juif, il les met
au pied du mur. Il les oblige en creux à avouer par leur refus qu'ils visent
exclusivement la disparition de l'État juif de la région et non une quelconque
coexistence.
La force de la Tradition juive ne dépend pas du
consentement de Ramallah ni de Paris, mais de la conviction intime de ceux qui
s'en réclament. La légitimité et la matérialité de la présence juive à
Jérusalem, la pérennité du pouvoir juif en Israël, ne découlent ni de la
reconnaissance de l'Autre, ni de la force des textes juridiques qui les
établissent. Elles doivent tout à l'unité du peuple, à la capacité de défense et
de dissuasion de l'État juif, à son aptitude à passer des alliances, et à sa
contribution indispensable à la modernité du monde dans son
ensemble.
Le narratif arabo-palestinien qui nie l'existence
d'un temple juif antique à Jérusalem, qui prétend que Jésus était palestinien,
ou qui affirme que les Juifs "installent de fausses tombes" dans les cimetières,
est une construction cousue de fil blanc. Elle veut asseoir l'idée que les Juifs
sont de purs étrangers qui ont inventé une fable pour prendre leur terre aux
autochtones. Un tel "récit" provoque plutôt l'amusement du Juif , du chrétien,
du théologien musulman, de l'historien, de l'anthropologue, etc (3) D'ailleurs,
rien dans le Coran, a fortiori dans les Évangiles, ne donne le moindre prétexte
à ces divagations. Il serait donc tout à fait réducteur de limiter la portée de
la décision de l'UNESCO à un antagonisme ou à une négation cantonnés à la sphère
religieuse. La lecture de la décision du 15 avril doit être fondamentalement
politique, et justement, ne pas tomber dans le piège de la provocation
religieuse qui est tendue.
De ce point de vue, la décision de l'UNESCO met à
jour de cruelles vérités.
1)
Le texte présenté sous l'intitulé "Palestine occupée" se caractérise par son
extrême violence. Israël est qualifié de "puissance occupante" à chaque
paragraphe. Les mensonges grossiers pullulent au point qu'il serait dérisoire
d'en mentionner quelques uns. Les accusations plus acerbes les unes que les
autres saturent l'espace rédactionnel. En un mot ce texte donne la preuve
aveuglante que les Palestiniens (4) n'ont pas la moindre intention d'entrer dans
un processus diplomatique de négociation, ni d'envisager le moindre compromis.
Celui qui cherche une issue pacifique met entre parenthèses une part de ses
rancœurs et tente d'imaginer les bénéfices d'un futur arrangement. Rien de
semblable quand on accuse le partenaire potentiel d'installer de fausses tombes
dans les cimetières, d'attaquer les écoles, de tuer les enfants, de violer ce
qui est sacré, etc. Pire encore, quand on gomme systématiquement le nom du futur
partenaire et ceux qu'il a donnés aux lieux, et aux lieux saints en particulier.
On apprend donc avec ce texte que les Palestiniens rompent tous les ponts de la
négociation avec Israël.
2)
La France a voté sans équivoque en faveur de la décision présentée le 15 avril.
Il est très important de noter que de grands pays occidentaux, le Royaume Uni,
l'Allemagne, les Pays Bas et les États-Unis ne se sont pas abstenus mais ont
voté contre (5).
Or ce vote intervient en pleine "initiative de
paix française." La France a pris à son compte la relance du "processus de
paix." Suite à l'échec des négociations Kerry en avril 2014, les États-Unis ont
décidé de ne pas initier un nouveau cycle diplomatique, à l'approche des
élections présidentielles de novembre 2016. La France s'est empressée de remplir
ce vide, en proposant deux conférences internationales, des négociations et une
résolution du Conseil de sécurité.
Mais il est inscrit à la première page de
l'abcdaire de la diplomatie que la qualité première de l'intermédiaire ou du
facilitateur est l'impartialité, feinte peut-être, mais toujours affichée. C'est
indispensable s'il veut obtenir un minimum de confiance de la part des
protagonistes et être considéré comme fiable par les tierces parties. Or par son
vote d'un texte effroyablement haineux et destructeur, négationniste et hostile
à tout compromis, la France plonge dans le camp de la partie palestinienne
incarnée par Mahmoud Abbas et consorts, la tête la première. Par ce vote le
France a donc perdu toute vocation à piloter un processus diplomatique
authentique visant à un compromis. C'est la seconde leçon de l'épisode de
l'UNESCO.
3)
Mais ce n'est pas tout! On a vu que la France a voté pour la décision alors que
trois grands pays de l'Union européenne, l'Allemagne, le Royaume Uni et les Pays
Bas on voté contre. De plus l'Italie et la Grèce se sont abstenues. De l'autre
coté, l'Espagne et la Suède ont voté pour. Cela signifie que sur cette question
essentielle de politique internationale, le vote français a profondément
fracturé l'Union européenne. On aurait pu imaginer que la diplomatie ait pu
aboutir à une solution médiane comme l'abstention collective. Mais non, la
France a tenu à son vote, quitte à faire voler en éclats la supposée solidarité
européenne. Elle tenait donc davantage à son soutien à l'extrémisme palestinien
qu'à l'Europe. Cela donne des indications sur la cohésion actuelle de l'Union
européenne, et sur l'importance de ce paramètre dans la politique extérieure
française. Mais cela nous apprend aussi que la France ne pourra pas attendre un
appui effectif de ses grands partenaires européens pour la réussite de son
"initiative de paix." Encore une initiative du pouvoir de François Hollande qui
prend dès le début un tour chaotique.
4)
Pire encore! Les trois grands pays européens qui ont voté à l'inverse de la
France étaient en cohérence avec États-Unis. Or on sait que les États-Unis se
méfient des flottements du hollandisme, ce qui n'est pas tout à fait surprenant.
Mais aussi ils sont ravis de la prééminence croissante de l'Allemagne dans
l'Union européenne. Ils tiennent à ce que l'Europe garde un minimum de cohésion
et ils misent sur la stabilité et la prospérité de notre grand voisins de l'Est
pour en assurer le leadership. Ces votes germano-américains convergents, et
l'auto isolement de la France, sont le signe navrant d'un effacement croissant
de Paris sur la scène européenne.
D'autant que le prix politique élevé que
l'Hexagone est amené à payer bénéficie une petite phalange de jihadistes
vieillissants qui se remplissent les poches d'euros et de dollars à longueur de
temps, dans leur palais de Ramallah.
La France fera un jour le bilan de son addiction
"palestiniste" pluri-décennale, régimes de gauche et de droite confondus.
Malheureusement, elle se rendra compte que l'addiction se paie cher et qu'elle
aura été menée très bas.
Jean-Pierre Bensimon,
le 28 mai 2016
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