Sam
se demandait alors s’il se comportait de la sorte lorsqu’il faisait partie des
bien-portants, des vivants, des nantis. Ceux qui marchent droit dans leurs
bottes, ceux qui prennent la vie à bras le corps, qui chantent l’espoir sur
tous les tons et qui empruntent la route enchantée qui mène au bonheur.
Sans doute. Pensait-il trop à son métier, à sa carrière, sans un regard pour l’autre, trop préoccupé à photographier la mort. Oui, il faisait partie de ce monde qui détourne le regard pour ne s’intéresser qu’à l’image argentique. Lui, le petit pied noir de Bab El Oued, désirait vaincre le sort qui frappa son peuple. Alors, faire la nique aux professionnels parisiens, être reconnu de la presse nationale et parfois internationale, lui était indispensable. Son comportement ressemblait à une revanche. Sam était semblable à tous ceux qui recherchent leur vérité, à prouver une valeur que nul ne conteste. A s’offrir une expérience qui ne viendra qu’avec les années. Mais le temps court trop vite pour s’arrêter en chemin.
Sans doute. Pensait-il trop à son métier, à sa carrière, sans un regard pour l’autre, trop préoccupé à photographier la mort. Oui, il faisait partie de ce monde qui détourne le regard pour ne s’intéresser qu’à l’image argentique. Lui, le petit pied noir de Bab El Oued, désirait vaincre le sort qui frappa son peuple. Alors, faire la nique aux professionnels parisiens, être reconnu de la presse nationale et parfois internationale, lui était indispensable. Son comportement ressemblait à une revanche. Sam était semblable à tous ceux qui recherchent leur vérité, à prouver une valeur que nul ne conteste. A s’offrir une expérience qui ne viendra qu’avec les années. Mais le temps court trop vite pour s’arrêter en chemin.
Il
est trop tard pour philosopher. Trop tard pour refaire le chemin inverse. Sa
mère ne disait-elle pas : il
faudrait deux vies. Une vie pour apprendre et une vie pour la
vivre !
Seul
dans sa tour d’ivoire, il lui restait tout le temps pour emmagasiner ses souvenirs. Souvenirs
d’une enfance lâchée dans les grands espaces des plages ensoleillées d’Alger et
souvenirs de sa course effrénée à la notoriété.
Mais à présent, cette escalade vers les sommets lui laissait un goût
amer sur les lèvres. Vivre intensément ne dure qu’un temps. Alors, penser à
reculons. Faire tourner la ronde des heures dans le sens inverse des aiguilles
d’une montre.
--Tu penses
trop !
Lui reprochait Roland. Vis le moment présent
pour pouvoir regarder le passé sans amertume ! Si tu te retournes trop
souvent, tu oublieras de vivre.
--Oui,
tonton ! Rétorquait
ironiquement Sam. Tu parles comme un
philosophe. Puis redevenant sérieux, il lâchait le fond de sa pensée. Aller de l’avant avec une seule jambe, je
sais pas si tu le sais mais c’est pas facile et même, je peux te l’affirmer,
c’est difficile. Laissons faire le temps car c’est mon plus sûr allié. Si je
parviens à le dompter, ce que je doute, je pourrais entreprendre sinon, j’irais
où le vent m’emmènera. Chez Tazz ou chez Azrine !
Cette
expression effleurant des lieux imaginaires que les enfants d’Algérie
employaient pour désigner un endroit improbable fit sourire les deux amis. Parfois,
Sam oubliait son handicap pour redevenir l’enfant de Bab El Oued qui maniait la
dérision à tout propos. Et cela comblait
d’aise Roland qui comptait sur leur complicité pour atténuer le malaise que
ressentait son ami mais, au-delà de son engagement, il savait que la vie ne peut attendre l’oiseau
de toutes les couleurs qui lui redonnerait foi en l’avenir.
Il
en parlait fréquemment avec son épouse qui fut la voisine algéroise de Samuel et lui gardait
une grande tendresse. Elle imaginait
combien la vie auprès d’un handicapé pouvait être compliquée mais faisait néanmoins
le forcing auprès de ses amies afin de
leur présenter Sam.
--Mais tu me dis
toi-même qu’il est handicapé !
--Handicapé,
c’est un bien grand mot ! Une mine lui a esquinté le bras et la
jambe !
--Une
paille !
--Mais il a des
qualités. Il était photographe de presse, il est pas mal du tout, intelligent,
……
Mais
c’était toujours la même rengaine……il est handicapé, presqu’un pestiféré.
Lorsque,
par hasard, Roland évoquait une rencontre avec une fille, Sam répétait
invariablement : lâche-moi la grappe,
va ! Il s’était fait à cette idée : il ne serait plus comme
avant. Sa seule question : comment surmonter cette épreuve ? Pour qui
et pourquoi……. trouver une raison de vivre qui en vaille la
peine …….
--Et pourquoi tu
n’écrirais pas ? Lâcha Roland. Souviens-toi,
tu avais toujours le premier prix de Français à Condorcet ! En plus,
écrire avec un ordinateur, tu as besoin d’un doigt.
--Ouais mais
j’ai pas l’âme de Victor Hugo ! Et puis écrire quoi ? La vie de
Pépète en prison !
pensa-t-il en songeant à ce personnage Bab el ouédien sorti de l’imagination
d’Auguste Robinet.
--Non,
sérieusement, tu pourrais écrire des histoires de là-bas. Comme Marcel Pagnol
avec la Provence.
--Bardah ! Rien
que Marcel Pagnol tu as trouvé ! Et j’aurais le prix Goncourt ! Allez,
arrêtes de dire des …balivernes !
Roland
était satisfait. Sam reprenait du poil de la bête. Le mot balivernes en était
la preuve. Petits, ils s’amusaient à tour de rôle, à chercher un mot savant
pour dire des choses simples. D’ordinaire, il aurait dit :
conneries !
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