Les premières pages de mon nouvel ouvrage :TOUS POUR UN, UN POUR TOUS.
Samuel
était le dernier enfant de la fratrie Saada. Et le seul célibataire. Ce qui faisaitt
le désespoir de sa mère. Contrairement à
ses frères qui la remplissent de fierté. Médecin et avocat, ils respectèrent le désir de leurs parents à l’instar de leur sœur
qui réussit brillamment ses études de pharmacienne. Samuel, quant à lui, se laissait vivre au gré de ses envies, ses
amours et ses humeurs
Du
haut de ses vingt-quatre ans, suffisamment beau pour jouer, de temps à autre,
au gigolo, il s’offrait aux caprices d’une jolie femme, épouse de diplomate en
mission à l’étranger. Follement amoureuse de ce jeune homme au parler fortement
imprégné de parfum judéo-arabe, elle profitait du moindre instant que voulait bien
lui accorder Samuel. Car le dernier des Saada se voulait totalement indépendant
pour profiter de la vie qu’il s’était choisi.
Seule
sa famille avait de l’importance à ses yeux. Un appel de sa fratrie lui faisait abandonner
tout pour accourir. Inutile d’évoquer ses parents. Il se jetterait au feu pour
leur éviter le moindre souci. Il cachait bien son jeu pour l’amour de ses parents
et surtout de sa mère, mamma juive qui veillait sur ses petits comme une louve sur
ses louveteaux. Sa mère qui prenait son frère ainé en exemple pour indiquer à sa
fratrie le chemin à emprunter. Tout au long des jeunes années de ses quatre
enfants, elle avait été tout à la fois le ministre de l’économie et des
finances, de l’éducation et du temps libre, du travail et des sports de la
famille Saada. Son époux Prosper avait gardé de son Algérie natale un goût prononcé
pour l’amitié qu’il retrouve au cercle de jeux Haussmann dans le quartier de
l’Opéra tenu par deux amis d’enfance. Hannah et Prosper vivaient dans un bel
appartement porte d’Auteuil où se réunissaient toute la famille les soirs de
shabbat. C’était leur fierté d’avoir conservé, par-delà l’Algérie, les coutumes
de là-bas. Us et coutumes religieuses que chaque membre de la famille se faisait
un devoir de respecter à la lettre pour l’amour de leurs parents. En sera-t-il ainsi lorsque le lourd convoi
emportera l’ancienne génération ? That’s question ?
Mais
la superstition judéo-arabe régnant en maîtresse absolue dans la maison, nul n’évoquait
un avenir sombre. La fratrie se composait de trois garçons et une fille qui oubliaient
les chamailleries d’enfance pour une entente de tous les instants, entente qui
ravissait les parents et, surtout, la maman au comble du bonheur quand tout
son petit monde riait à gorge déployée. Chaque soirée de Shabbat, c’était le même
rituel et, si par hasard, Sam le célibataire arrivait
en retard, il avait droit aux remontrances d’usage :
--Quand même, tu
attiges, hein ! Regarde, tes frères et te sœurs……..! Si tu avais une
femme, tu serais toujours à l’heure !
Prosper,
en chef de famille, la kippa bien posée sur sa tignasse blanchie par les années,
fit signe à tout le monde de prendre place autour de la table où trônaient deux
pains juifs confectionnés par Hannah qui refusait que sa fille et ses
belles-filles s’en chargent.
--Quand je
serais vieille, c’est vous qui les ferez mais en attendant, grâce à d.ieu, j’ai
encore la force de faire shabbat chez moi!
Cette
soirée se passa comme toutes les vendredi soir entre religion, festin et
rigolade. Car le Shabbat, bien qu’était absente la charge émotionnelle de
l’héritage algérien, possèdait un relent des réjouissances d’antan. C’était un concert de fou-rires et de tape-cinq sous
le regard ravi mais critique de leur mère qui ne se prive pas, pour autant, de
se conduire en maitresse-femme.
---Qu’est-ce que tu as, mon fils ? Tu aimes plus
le manger de ta mère ? Tu veux me vexer ?
--Mais manman, j’en peux plus ! Arrête !
--Après je te donnerai un alka selzer ! Mais
reprends-en un peu pour me faire plaisir !
Suzy,
l’épouse de Guy, savait très bien que son mari finirait par céder afin de ne pas
chagriner sa douce qui semblait avoir oublié que ses enfants avaient grandi.
Aussi, elle le laissa se débrouiller sans venir mettre son grain de sel dans la
discussion.
--Voilà, les enfants une bonne semaine qui
commence !
Prosper,
en chef de famille décréta que le temps était venu d’aller au salon «taper la belote » avec ses fils
qui, déjà, fanfaronnaient.
--Aujourd’hui, je me sens imbattable !
--Arrête, on va vous donnez une de ces tléras !
--Comme d’habitude…. avec la bouche !
Prosper
Saada côtoyait les anges quand il était entouré de sa famille. Lui revenaient en
mémoire tous les moments privilégiés de là-bas, lorsqu’il emmenait ses fils au
stade de Saint Eugène voir l’équipe locale, l’ASSE, se frotter aux autres clubs
de la capitale. Moments merveilleux comme les promenades avec ses enfants au
square Bresson pour un tour sur les célébrissimes bourricots. Et cerise sur le
gâteau, la petite fée qui avait ensoleillé le foyer familial en comblant le désir
de son épouse qui désirait une fille. Il avait été en Algérie, un époux heureux,
un père heureux, un homme comblé par la vie. Son premier atelier de confection et
sa première voiture, ses amis d’enfance et le football de son pays, autant de
souvenirs conservés jalousement dans sa mémoire endolorie. S’il fut douloureux,
l’exode n’entama pas ce bonheur. Lorsque la nostalgie du pays se faisait par trop envahissante, il posait son regard sur sa
famille et remerciait le ciel d’avoir épargné son trésor durant les années de
braise et de feu. La trilogie de sa vie se résumait en trois mots dont la première
lettre débutait par un F : famille, fatalisme oriental et football. Le mot
famille incluait ceux qu’il désignait comme ses frères d’amitié car disait-il :
l’amitié est une forme d’amour dont est exclue la sexualité. Il adorait glisser
dans ses propos quelques sciences bien apprises pour donner l’impression d’être
savant. Mais il savait se montrer humble devant le savoir de ses enfants qui le
déconcertaient parfois. Il se défendait en répétant qu’il sortait de la casbah dans un
temps où le savoir travailler de ses mains était reconnu.
Ce
qui ne l’avait nullement empêché de réussir dans le commerce de gros en Algérie comme en métropole. Aucun
de ses fils ne désirant reprendre l’affaire familiale, il la confia à son frère cadet avant de la lui vendre.
--Oh, mon fils, quelle surprise ! Tu
travailles pas et puis pourquoi cette tête d’enterrement ! Tu as des
soucis ? S’enquit, inquiète, sa
mère auprès de Samuel.
--Qu’est-ce que tu vas chercher, là ?
--Il a un jour de plus qu’hier ! Plaisanta Prosper, toujours heureux quand un de ses enfants venait déjeuner à la maison.
Cela n’était pas le cas de sa femme dont l’instinct de mère venait de tirer la
sonnette d’alarme. Sam avait la tête des mauvais jours et cela contrariait la
maitresse de maison. Bien sûr, elle était heureuse de recevoir son fils mais elle
avait vite décelé une pointe de mauvaise humeur chez Sam. Son père qui prenait
tout à la rigolade, ne s’apercevait de rien. Lui suffisait la présence de son
fils. Comme à son habitude, Sam entra dans la cuisine avec l’intention de
picorer les plats finement décorés qui n’attendaient que d’être mis à table. Sa
mère le suivit et lui prouva une fois de plus que l’inquiétude faisait partie
de sa vie.
--Dis-moi, mon fils ! Ne me laisse pas me tourmenter,
allez, raconte à ta mère !
Sam prit
une olive noire, la mit dans sa bouche, se lécha les doigts et mentit.
--J’avais une copine mais elle part vivre en Israël.
--Et alors, une de perdue, dix de retrouvées.
Pourquoi, mon fils, c’était sérieux ?
--Non, mais je commençais à m’attacher à elle !
Prosper
une bouteille de Martini à la main, les surprit, avec des phrases toutes faites.
--A chaque jour suffit sa peine, mon fils ! Le
soleil brillera à nouveau dans ton cœur.
Dis-moi, Hannah, où il est le
tire-bouchon ?
Sam ne put s’empêcher de sourire en entendant son
père changer de sujet sans se rendre compte de son insouciante étourderie.
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