vendredi 8 janvier 2016

NOUVEL OUVRAGE DE HZ

Les premières pages de mon nouvel ouvrage :TOUS POUR UN, UN POUR TOUS.
 
Samuel était le dernier enfant de la fratrie Saada. Et le seul célibataire. Ce qui faisaitt le désespoir de sa mère. Contrairement  à ses frères qui  la remplissent  de fierté. Médecin et avocat, ils respectèrent  le désir de leurs parents à l’instar de leur sœur qui réussit brillamment ses études de pharmacienne. Samuel, quant à lui,  se laissait vivre au gré de ses envies, ses amours et ses humeurs
Du haut de ses vingt-quatre ans, suffisamment beau pour jouer, de temps à autre, au gigolo, il s’offrait aux caprices d’une jolie femme, épouse de diplomate en mission à l’étranger. Follement amoureuse de ce jeune homme au parler fortement imprégné de parfum judéo-arabe, elle profitait du moindre instant que voulait bien lui accorder Samuel. Car le dernier des Saada se voulait totalement indépendant pour profiter de la vie qu’il s’était choisi.
Seule sa famille avait de l’importance à ses yeux. Un appel de sa fratrie lui faisait abandonner tout pour accourir. Inutile d’évoquer ses parents. Il se jetterait au feu pour leur éviter le moindre souci. Il cachait bien son jeu pour l’amour de ses parents et surtout de sa mère, mamma juive qui veillait sur ses petits comme une louve sur ses louveteaux. Sa mère   qui prenait  son frère ainé en exemple pour indiquer à sa fratrie le chemin à emprunter. Tout au long des jeunes années de ses quatre enfants, elle avait été tout à la fois le ministre de l’économie et des finances, de l’éducation et du temps libre, du travail et des sports de la famille Saada. Son époux Prosper avait gardé de son Algérie natale un goût prononcé pour l’amitié qu’il retrouve au cercle de jeux Haussmann dans le quartier de l’Opéra tenu par deux amis d’enfance. Hannah et Prosper vivaient dans un bel appartement porte d’Auteuil où se réunissaient toute la famille les soirs de shabbat. C’était leur fierté d’avoir conservé, par-delà l’Algérie, les coutumes de là-bas. Us et coutumes religieuses que chaque membre de la famille se faisait un devoir de respecter à la lettre pour l’amour de leurs parents.  En sera-t-il ainsi lorsque le lourd convoi emportera l’ancienne génération ? That’s question ?
Mais la superstition judéo-arabe régnant en maîtresse absolue dans la maison, nul n’évoquait un avenir sombre. La fratrie se composait de trois garçons et une fille qui oubliaient les chamailleries d’enfance pour une entente de tous les instants,  entente qui  ravissait les parents et, surtout, la maman au comble du bonheur quand tout son petit monde riait à gorge déployée. Chaque soirée de Shabbat, c’était le même rituel et, si par hasard, Sam le célibataire   arrivait en retard, il avait droit aux remontrances d’usage :
--Quand même, tu attiges, hein ! Regarde, tes frères et te sœurs……..! Si tu avais une femme, tu serais toujours à l’heure !
Prosper, en chef de famille, la kippa bien posée sur sa tignasse blanchie par les années, fit signe à tout le monde de prendre place autour de la table où trônaient deux pains juifs confectionnés par Hannah qui refusait que sa fille et ses belles-filles s’en chargent.
--Quand je serais vieille, c’est vous qui les ferez mais en attendant, grâce à d.ieu, j’ai encore la force de faire shabbat chez moi!
Cette soirée se passa comme toutes les vendredi soir entre religion, festin et rigolade. Car le Shabbat, bien qu’était  absente la charge émotionnelle de l’héritage algérien, possèdait un relent des réjouissances d’antan. C’était  un concert de fou-rires et de tape-cinq sous le regard ravi mais critique de leur mère qui ne se prive pas, pour autant, de se conduire en maitresse-femme.
---Qu’est-ce que tu as, mon fils ? Tu aimes plus le manger de ta mère ? Tu veux me vexer ?
--Mais manman, j’en peux plus ! Arrête !
--Après je te donnerai un alka selzer ! Mais reprends-en un peu pour me faire plaisir !
Suzy, l’épouse de Guy, savait très bien que son mari finirait par céder afin de ne pas chagriner sa douce qui semblait avoir oublié que ses enfants avaient grandi. Aussi, elle le laissa se débrouiller sans venir mettre son grain de sel dans la discussion.
--Voilà, les enfants une bonne semaine qui commence !
Prosper, en chef de famille décréta que le temps était venu d’aller au salon «taper la belote » avec ses fils qui, déjà, fanfaronnaient.
--Aujourd’hui, je me sens imbattable !
--Arrête, on va vous donnez une de ces tléras !
--Comme d’habitude…. avec la bouche !
Prosper Saada côtoyait les anges quand il était entouré de sa famille. Lui revenaient en mémoire tous les moments privilégiés de là-bas, lorsqu’il emmenait ses fils au stade de Saint Eugène voir l’équipe locale, l’ASSE, se frotter aux autres clubs de la capitale. Moments merveilleux comme les promenades avec ses enfants au square Bresson pour un tour sur les célébrissimes bourricots. Et cerise sur le gâteau, la petite fée qui avait ensoleillé le foyer familial en comblant le désir de son épouse qui désirait une fille. Il avait été en Algérie, un époux heureux, un père heureux, un homme comblé par la vie. Son premier atelier de confection et sa première voiture, ses amis d’enfance et le football de son pays, autant de souvenirs conservés jalousement dans sa mémoire endolorie. S’il fut douloureux, l’exode n’entama pas ce bonheur. Lorsque la nostalgie du pays se faisait par trop  envahissante, il posait son regard sur sa famille et remerciait le ciel d’avoir épargné son trésor durant les années de braise et de feu. La trilogie de sa vie se résumait en trois mots dont la première lettre débutait par un F : famille, fatalisme oriental et football. Le mot famille incluait ceux qu’il désignait comme ses frères d’amitié car disait-il : l’amitié est une forme d’amour dont est exclue la sexualité. Il adorait glisser dans ses propos quelques sciences bien apprises pour donner l’impression d’être savant. Mais il savait se montrer humble devant le savoir de ses enfants qui le déconcertaient parfois. Il se défendait en répétant qu’il sortait de la casbah dans un temps où le savoir travailler de ses mains était reconnu.
Ce qui ne l’avait nullement empêché de réussir dans le commerce  de gros en Algérie comme en métropole. Aucun de ses fils ne désirant reprendre l’affaire familiale, il la confia à  son frère cadet avant de la lui vendre.
 
--Oh, mon fils, quelle surprise ! Tu travailles pas et puis pourquoi cette tête d’enterrement ! Tu as des soucis ? S’enquit, inquiète, sa mère auprès de Samuel.
--Qu’est-ce que tu vas chercher, là ?
--Il a un jour de plus qu’hier ! Plaisanta Prosper, toujours heureux quand  un de ses enfants venait déjeuner à la maison. Cela n’était pas le cas de sa femme dont l’instinct de mère venait de tirer la sonnette d’alarme. Sam avait la tête des mauvais jours et cela contrariait la maitresse de maison. Bien sûr, elle était heureuse de recevoir son fils mais elle avait vite décelé une pointe de mauvaise humeur chez Sam. Son père qui prenait tout à la rigolade, ne s’apercevait de rien. Lui suffisait la présence de son fils. Comme à son habitude, Sam entra dans la cuisine avec l’intention de picorer les plats finement décorés qui n’attendaient que d’être mis à table. Sa mère le suivit et lui prouva une fois de plus que l’inquiétude faisait partie de sa vie.
--Dis-moi, mon fils ! Ne me laisse pas me tourmenter, allez, raconte à ta mère !
Sam prit une olive noire, la mit dans sa bouche, se lécha les doigts et mentit.
--J’avais une copine mais elle part vivre en Israël.
--Et alors, une de perdue, dix de retrouvées. Pourquoi, mon fils, c’était sérieux ?
--Non, mais je commençais à m’attacher à elle !
Prosper une bouteille de Martini à la main, les surprit, avec des phrases toutes faites.
--A chaque jour suffit sa peine, mon fils ! Le soleil brillera à nouveau dans ton cœur. Dis-moi, Hannah, où il est le tire-bouchon ?
Sam  ne put s’empêcher de sourire en entendant son père changer de sujet sans se rendre compte de son insouciante étourderie.

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