mardi 3 novembre 2015

Extrait de OPERATION PLUME SERGENT MAJOR de Hubert Zakine


4 Novembre 1942

 Les enfants de l'opération plume sergent major avaient pris leurs marques dans leur nouvel environnement qui se limitaient à la rue principale de Cherchell. Ils ne se comportaient pas en "chitanes" mais cela venait tout doucement. Toutes les interdictions étant faites pour être transgressées, leur besoin de gesticuler ne résista pas aux recommandations dictées par la prudence. L'après-midi s'annonçait ennuyeuse. Portés par une impérieuse envie de voir la grande bleue, les plus téméraires grimpèrent derrière un GMC qui se dirigea vers le boulevard front de mer. Tout au bout de la rue principale, la mer s'allongeait sous leurs yeux, récompense suprême pour des enfants privés de leur méditerranée "Bab El Ouedienne" Mais il était dit qu'il ne fait pas beau désobéir à sa mère en ces temps incertains car en sautant du camion, Richard rata la marche et son bras droit heurta violemment le bitume se brisant inévitablement.

Heureusement, les enfants alertèrent le conducteur du GMC qui stoppa le véhicule pour conduire Richard à la caserne Dubourdieu flambant neuve. Norbert et Pierrot coururent jusqu'à l'hôtel Césarée pour prévenir la mère de Richard. Totalement affolée, elle appela son époux qui, bien sur, ne se trouvait pas là et, le temps d'enfiler ses chaussures, elle alla prévenir Papa Ayache qui s'empressa de l'accompagner à la caserne, charge laissée à Pierrot et Norbert de garder les petits frères de Richard.

--Je leur avais bien dit de rester au jardin! Se lamenta maman Atlan.

--C'est pas à vous que je vais apprendre que les garçons n'aiment pas obéir!

La caserne était un établissement moderne de plusieurs blocs de forme rectangulaire où les officiers de réserve étaient formés avant d'être envoyés au front.

Richard séjournait dans une chambre spartiate où étaient alignées des literies retournées en attente d'être à nouveau occupées.

Maman Atlan risqua de se trouver mal en voyant le bras plâtré de Richard. Le médecin-chef de la caserne confirma que tout s'était bien passé et qu'il pouvait rentrer chez lui. Déjà, maman Atlan prenait le ciel à témoin:

--Mais comment tu t'es fait ça? Tu pouvais pas resté au jardin comme je te l'avais demandé, non!

Puis s'adressant à papa Ayache:

--Ces enfants, y vont me faire mourir à petit feu!

Papa Ayache, habitué aux désobéissances de ses élèves qui heureusement n'avaient pas toujours ce tragique dénouement, tempéra le découragement maternel de maman Atlan et posant sa main sur l'épaule de Richard dans un geste protecteur, lui dit:

--Allez rentrons à l'hôtel et que ça te serve de leçon, une bonne fois pour toutes!

Recommandation accompagnée par un discret clin d'œil qui scella la complicité du vieux maitre et du jeune "chitane".

La grande famille de l'opération plume sergent major accueillit Richard et sa mère le plus discrètement possible mais l'exubérance des gens de Bab El Oued ne saurait se suffire d'un accueil mitigé lorsque la santé d'un enfant était en jeu. C'est tout juste si on n'entendit pas de you-you dans les rues de Cherchell, ce jour-là! Mais le petit regard malheureux que lança Edith fut sa plus belle récompense!

--Ca te fait mal?

--Plus maintenant mais tout à l'heure, la purée!

S'il avait osé, il lui aurait dit combien lui avait du bien son visage tourmenté lorsqu'elle le vit, le bras en écharpe. S'il avait pu en rajouter afin de se faire plaindre davantage, il l'aurait fait mais l'intérêt de la jolie Edith fût si sincère qu'il préféra en resté là.

Il aurait toujours le temps d'émouvoir les copains de l'école Rochambeau par un récit exagérément dramatisé de sa malencontreuse aventure.

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