mardi 22 septembre 2015

Un autre extrait de LE COIFFEUR DE BAB EL OUED que j'écris actuellement.

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L’Echo d’Alger, il annonce  un été magnifique. Et l’été sera magnifique. Tous les midis, châ, châ je retrouverais mes amis à Padovani pour taper le bain jusqu’à deux heures de l’après midi, je  déjeunerais à la maison pour rassurer ma mère puis je taperais une  sieste carabinée ou bien je m’encanaillerais  auprès de Rosa pour  battre le record établi la veille, puis pénard, je  rouvrirais le salon à quatre heures. Vous me direz : et tes frères, les pauvres, jamais y vont à la plage pour nager et mater les minettes? Moi, je réponds que mes frères y m’ont pas attendu pour draguer les gonzesses. A 15 et 16 ans, tu voudrais pas que çà les démange pas ? Bon sang ne saurait mentir, ne t’en fais pas, va, le Chabanais y vont  bientôt connaitre.

--Mon fils, tu as vu tes frères, y m’en font voir de toutes les couleurs ! Tu sais c’qu’il a fait, ce salopris de Robert ?
Je sais que ma mère elle prend tout au tragique.
--Qu’est-ce qu’il a fait encore ?
--Un coup de sang, je vais attraper, si y continue comme ça, il va pas avoir son baccalauréat !
--Pourquoi ?
-- Y veut plus aller au lycée !
Robert qui ne voulait pas couper la parole de sa mère attend patiemment de pouvoir s’exprimer.
--Les cours y sont finis ! y a que les fayots qui vont au lycée. En ce moment, c’est les examens !
Il tente de se justifier comme il peut. Je viens à son secours.
--Man, cette année, elle est terminée ! Fais lui confiance. Son année est réussie, il passe en seconde !
--Oui, c’est ça, dis aussi que je suis une imbécile !
Il faut que je la calme sinon elle va passer des nuits blanches, style qu’est-ce qu’on va faire de toi ?
--Et dans deux ans, il aura son baccalauréat ! J'ajoute.
--Ah oui ! Et qu’est-ce que tu en sais ?
--C’est mon frère et s’il est aussi intelligent que moi, les doigts dans le nez, il l’aura !
Je réponds sur le ton de la plaisanterie mais ma mère est loin d’être convaincue.
--Ne t’en fais pas, man, je gère tout !
--Purée, heureusement que tu es là ! Ah si papa il était toujours vivant………..
 
On sonne à la porte. C’est la fille du rabbin Chemoul qui illumine le palier.
--Bonjour, je peux voir votre mère ?
Sa voix, c’est un violon. Un son cristallin sort de ses lèvres qui ressemblent à un bonbon à la framboise.
J’entends ma voix murmurer une invitation qui semble une prière.
-- Entre, Manman, c’est pour toi ! Entre, entre…. !
--Eh bien, qui c’est ?
--C’est Edith, la fille de madame Chemoul ! Annonce la jolie visiteuse.
--Entre ma beauté ! Je suis en train de faire la salade russe. Qu’est-ce tu veux, ma fille ?
Ma beauté par-ci, ma fille par-là ! Purée, ma mère, elle l’a adoptée, ou quoi ?
--Maman demande si vous avez un citron ? Elle vous le rendra demain.
--Tiens, ma fille ! (purée, elle insiste, hein !)
Elle dit poliment merci, puis au revoir et elle s’engage dans le couloir. Je la suis en regardant là où c’est vilain de mater et je lui demande :
-- Je vous ai jamais vue dans la rue, vous ne sortez jamais ?
--Bien sûr que je sors mais…..je fais attention à mes fréquentations.
Et pan dans les gencives mais elle a un si joli sourire.......
-Tu as vu mon fils comme elle est belle !
--J’ai vu !
Je réponds l’air faussement détaché car je sais qu’elle va me faire l’article.
--Purée, quels beaux petits-enfants vous me feriez !
On LUI ferait ! Des, comme ma mère, y’en a pas deux ! Moi, je joue le jeu.
--Man, pourquoi tu vas pas demander sa main à sa mère ?
Elle sort de la cuisine comme une bombe.
--C’est vrai mon fils ! Aille, comme je serais heureuse, la fille d’un rabbin !
La main ouverte contre sa poitrine signifie qu’elle est aux anges. Elle parle toute seule en arabe. Je la ramène à la réalité.
--Man, tu crois que le rabbin y donne sa fille à un garçon qu’il connait à peine. Zarmah, il échange sa fille contre un citron!
--Y faut toujours que tu gâches tout !
Je me penche vers elle, je l’entoure de mes bras et l’embrasse bruyamment afin de me faire pardonner de l’avoir bernée.
Bernée, pas tant que ça ! Cette petite, elle va me trotter dans la tête. Elle me trotte déjà dans la tête  et même elle galope. Le fameux coup de foudre, il est pas loin ! Rosa, au secours ! Parce que si je lui fais le coup de la séduction, avec son père qui va vouloir me faire la leçon, qui va me surveiller comme le lait sur le feu et ma mère par-dessus le marché, adieu les folles excursions au pays de la luxure que me propose la lubrique divorcée. Je sais que cette aventure ne durera qu’un temps mais comme elle me dit la concierge qui est dans la confidence, profites mon fils, profites ! Alors, je profite et pas qu’un peu ! Il sera bien temps de songer au mariage et tutti quanti !
--Même le dimanche matin, tu ouvres, tu veux y laisser ta santé?
--Man, si j’ouvre, c’est qu’il y a des clients qui travaillent les autres jours et qui peuvent pas venir se faire couper les cheveux avant.
--Et alors, y faut que tu fasses l’esclave pour eux !
--Manman, je travaille pas gratuitement !
--Eh ben, heureusement !
Elle aura toujours le dernier mot. Je bois en vitesse mon Elesca parce que j’ouvre à huit heures pour mon cousin, qui joue au Stade Leclerc à 10 heures avec la section hand ball du Red Star. Mon cousin, y se contente pas d’être le goal du Red Star mais également celui de la sélection d’Alger. La classe, quoi ! Comme il est coiffé à la brosse, en deux temps, trois mouvements, je lui tape la coupe. Quand y sort du salon, on dirait Eric Von Stroheim.

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