Le
dimanche matin, c’est un jour particulier. Comme chez tous les coiffeurs, y a ceux
qui peuvent pas venir en semaine, (zarmah,
ils ont pas le temps !) mais surtout ceux qui viennent pour parler du
match de l’après-midi, du dernier canus qu’ils ont levé ou du bloc qu’ils espèrent tomber en allant danser
au Santa Lucia. Inutile de dire que la bosse de rigolade, elle est pas
loin !
Moi,
je me prépare à couper les cheveux en quatre aux supporters surexcités. Rien
que j’écoute. Je fais pas de commentaires pour que la température elle brise
pas le thermomètre. Mais des fois, j’entends de ces couillonnades que le
ciseau y me démange.
Quand
le client y sort du salon, y fait gaffe à la spécialité du faubourg : la coupe étrennée par une grande
claque sur le derrière de la tête et ce,
par surprise. Tous les éléments mâles de Bab El Oued, qui viennent de
rencontrer une tondeuse, ils y ont droit. Ya pas, même s’ils rasent les murs, zarmah on les voit pas, dans l’heure qui
suit, ils ont droit à une schkobe. Un
jeu de malade instauré par un dérangé du ciboulot.
Voir
et être vu, c’est la démarche de la jeunesse en goguette alors que les adultes
y préfèrent jouer les sentinelles en attendant la ruée vers l’or blanc de
l’anisette qui accompagne la khémia.
Dès qu’apparaissent les premières
assiettes de tramousses, anchois, zitounes, escargots, pois chiches,
petite friture et une multitude d’apéritifs pour les morfals, on entend plus
une mouche voler. Même les querelles sportives, elles sont oubliées. La gobia, elle remporte le match haut la
main. C’est qu’il faut se dépêcher pour aller manger parce que dès, 13 heures,
c’est une autre ruée en direction du
stade de Saint-Eugène.
Moi,
après avoir fait un peu de gymnastique avec ma
joyeuse divorcée, je vais au Majestic voir
un film avec Tyrone Power et Kim Novak Tu
seras un homme, mon fils ! Amman, le monde. Le balcon du Majestic, il
est bondé. Oh, purée, la mère et la fille du rabbin, elles se trouvent à ma
gauche, deux rangées devant moi. Je suis en compagnie de la petite blondinette
qui se barricade les tétés mais je m’en
fous car Edith Chemoul, elle occupe toutes mes pensées. Je vais même pas regarder
l’écran, des fois qu’elle tourne la tête vers moi. Le film il commence. Purée,
je suis subjugué par Edith et par la musique du film. Demain, j’achète la bande
originale ! Peut-être que je vais lui offrir le disque. Le film y se déroule et
moi, sur mon ile déserte, je construis des châteaux en Espagne ! Kim
Novak, elle aussi, c’est un canus.
Les
femmes, elles versent des torrents de larmes et nous, les hommes, on fait comme
si ça nous en touche une sans faire bouger l’autre, mais total, j’en connais
qui jouent en catimini les Marguerite
Gauthier.
En
sortant du cinéma, c’est la ruée au Café Riche pour voir les résultats sportifs
ou chez Grosoli pour taper la tranche napolitaine, le créponné ou ça qu’ils veulent, c’est pas moi qui paye.
L’ASSE
il a battu le Gallia 1 à 0. L’honneur est sauf ; sur l’ensemble de la
saison, c’est match nul.
Ça
m’embête que la fille du rabbin elle m’ait vu avec miss tétés interdits. Mais,
j’ai pas dit mon dernier mot. Je vais lui jouer le coup de sminfin couffin en lui offrant le disque. Elle pourra pas mieux
faire que de me remercier pour cette délicate attention. Y a que la foi qui
sauve ! A dieu va !
Les
spectateurs, y rentrent sagement chez eux en passant par le jardin Guillemin qui range son manège dans un
brouhaha de fin de journée.
Comme
tous les dimanches soir, le quartier y respire au balcon. Les commentaires sur
le football y vont bon train et les chauvins y trouvent matière à s’énerver.
Demain sera un autre jour et adda ma canne
et mon chapeau !
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