jeudi 3 septembre 2015

extrait de "MA MERE, MES TANTES, L'ALGERIE..........ET MOI " de hubert zakine


MES QUATORZE ANS !
 
Un homme dans la religion juive mais un petit bout de zan pour mes tantes. Un bout de Zan comme avait l’habitude d’apostropher les femmes de la famille pour désigner les enfants. « On lui presse le nez, il coule encore du lait ! » commentaient-elles le désir de mes cousines pressées de jouer les femmes fatales. « Les bouts de zan ne portent pas de soutien-gorge ! ».
Pour ma part, je ne me sentais plus un enfant, pas encore un adolescent, encore moins un homme. Du moins, le pensais-je. A vrai dire, cette question était loin de m’obséder tant mon enfance déployait de palettes de séduction pour me garder dans ses filets. Même si, à l’instar de mes amis, je succombais au plaisir d’entrer dans un café pour paraitre un jeune homme, plus d’une fois, je me laissais séduire par une rencontre de football au jardin  Guillemin. Il me suffisait, en rentrant de « l’andar et venir » propre à la jeunesse du faubourg, de relever mes bas de pantalon et de suivre mon instinct.
En fait, je ne m’étais jamais réellement posé la question de savoir si la rue de mon enfance m’attirait toujours. Est-ce que j’étais toujours l’enfant des rues de mon enfance qui oubliait l’heure du déjeuner pour une partie de noyaux ?
Ou bien étais-je devenu, sans vraiment me rendre compte, un adolescent dont le duvet qui couronnait les lèvres attestait son âge ou un homme que la religion juive avait émancipé? J'élimine d'office la troisième hypothèse car j'ai bien le temps de ressembler à mes oncles. Je ne suis plus un enfant bien que mes tantes semblent considérer que je suis encore à l'école maternelle. En exagérant, je pourrais dire qu’elles regrettaient surement que je ne sois plus l’enfant obéissant de jadis. Donc je suis un adolescent en vertu de l'attirance que je ressens en croisant une jolie midinette. D'ailleurs, ma petite voisine qui passe son temps au balcon semble me trouver à son goût mais, à l'instar des filles de mon pays, elle est l’objet de toutes les attentions de ses parents. Ça ne l’empêche pas de répondre à mes sourires complices lorsque sa mère est occupée aux tâches ménagères dont raffolent les femmes de ce pays. Il faut dire que son balcon surplombe le mien et, à part l’école, elle ne sort jamais seule. Aussi, à la moindre occasion, elle s’aère l’esprit en espionnant chez moi.
Heureusement qu'au jardin, je peux laisser libre cours au jeu numéro un de la jeunesse algéroise : la drague. Loin des interdits des adultes, je me berce de douces illusions de l'amour en herbe qui pousse dans les cœurs maladroits. Et à ce jeu je ne crois pas être le moins dégourdi. Tata Rose a compris que le jeune papillon avait pris son envol d’apprenti-séducteur. L'amitié des rues se transformait et tissait sa toile sur d'autres jeux plus en rapport avec notre âge. On ne se roulait plus parterre, on montait en ville pour faire comme les grands. Au passage, on s'arrêtait au magasin de ma mère. Elle nous offrait souvent une pâtisserie chez Fille, le nec plus ultra des pâtissiers Algérois puis nous grimpions jusqu'à la Grande Poste quand nous n’allions pas au cinéma puis nous retournions à Bab El Oued, heureux de notre après-midi. Nous retrouvions, alors, la cohue bon enfant de notre jardin Guillemin et mes inquisitrices.
--D'où tu viens, mon chéri ? Me lançait tante Cécile toujours aimable au premier abord.
--On est montés en ville !
--Et pourquoi, tu es pas bien ici ?
A quoi me servirait une réponse qui n'entraînerait que remontrances ?

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