jeudi 6 août 2015

Extrait de TROIS HORLOGES de Hubert Zakine

Il lui fallait reprendre le cours normal de sa jeunesse interrompue par le merveilleux intermède napolitain.
A présent, il devait se faire violence pour recommencer à vivre comme un garçon de son âge. Au delà de son apprentissage de l’amour, il avait vécu une année  prodigieuse auprès d’une déesse qui lui avait accordé des faveurs exceptionnelles pour un gamin de dix sept printemps. Il en était conscient et cette réalité l’aiderait sans doute à désacraliser Carla. Avant la colère de Padovani, Richard comptait sur la présence de Colette à ses côtés pour l’aider à remonter la pente et déserter le chemin de la solitude et la tristesse. Rita l’avait comme l’aurait fait une grande soeur, une amie, une confidente.
--Carla aurait été la première à t’inciter à continuer à vivre ! Et moi avec elle ! Tu es jeune ! Ta peine passera et tu repenseras qu’aux bons moments passés avec elle ! Et surtout ne te fais aucun reproche de rire à nouveau !
Sans Carla, sans Colette, sans José ni Norbert, les journées paraissaient bien fades. Norbert répétait sans cesse avec la lourdeur qui le caractérisait : « une de perdue, cent mille de retrouvées » mais Richard avait une seule idée en tête : reconquérir la petite Atlan. Il ne se sentait pas prêt pour entamer une autre histoire mais après le merveilleux épisode Carla, il avait besoin d’une fille qu’il connaissait, agréable à regarder pour l’aimer sans se forcer, gentille et douce, qualités que Colette délaissait par moments pour entrer en furie certes mais qui savait aimer. Alors, il se fit violence pour reconquérir Colette. Un matin, il la vit allongée sur la plage de Padovani. Il posa sa serviette délicatement et, sans un mot, espérant entendre le crissement de ses pieds sur le sable mouillé, il se dirigea vers la grande bleue. Sans se retourner, il entra dans l’eau en « tapant la pancha » si familière à la jeunesse de Bab El Oued. Il nagea sous l’eau le temps qu’il fallut pour ne pas «  boire la tasse » puis rejaillit la tête hors de l’eau. Elle était là ! Tout prêt de lui !
--Salut petite ! Tu es belle de beau matin !
--Salut !
--Tu es toujours fâchée ?
--Bien sur ! Je suis pas une girouette !
--Tu sais, Colette, cette femme, elle est morte !
--Oui, elle est morte pour le moment mais si elle revient, qu’est ce que je deviens moi ? une.....
Richard ne la laissa pas poursuivre.
--Elle est vraiment morte ! Elle a eu un accident d’auto ! C’était sur le journal !
--Tu veux dire qu’elle est au cimetière !
--OUI ! Elle est au cimetière au milieu des petits oiseaux !
--Viens, on sort de l’eau!
Sur le sable, ils restèrent silencieux, l’un à côté de l’autre, perdus dans leurs pensées. Colette se débattait avec la question de savoir si cela valait la peine d’être jalouse d’un fantôme qui pouvait, malgré tout, entraver la relation qu’elle entretenait avec Richard. Peut être fallait-il faire abstraction de sa jalousie pour conduire Richard vers l’éclaircie.
--Tu l’aimais cette femme ?
--Honnêtement, je crois que oui ! Je suis même certain que oui mais je t’aimais aussi ! Elle me disait qu’un jour, je rencontrerais une petite que j’aimerais pour de bon ! Elle savait pas que je t’avais déjà rencontrée.

--J’arrive pas à comprendre comment tu pouvais m’embrasser et ensuite te vautrer dans son lit ! Si tu m’aimais comme tu le prétends, tu aurais arrêté de la voir !
--J’ai arrêté de la voir ! Malheureusement  pour elle ! Tu sais, cette femme elle m’a enseigné toutes les choses de l’amour, je veux dire de l’amour physique ! Rien que pour ça, j’étais tout babao devant elle. Alors, peut être que je l’aimais à cause de çà ! Mais crois moi, tous les jeunes à ma place y z’auraient fait la même chose et y seraient tombés amoureux !
Il mentait et il le savait. Il éprouvait des sentiments pour Carla mais le mensonge était la seule arme qui lui restait devant l’attitude de Colette. Il désirait passer ce cap afin de reprendre sa route avec elle et tant pis si la vérité y laissait quelques plumes.
Hélas, Colette était une jeune fille bien comme il faut et son amour de midinette venait de connaître une déroute assortie de vexation difficile à supporter.
Elle demanda à Richard de lui laisser du temps afin de peser les conséquences d’une décision pris sur le coup de l’énervement et de la colère.

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