mardi 4 août 2015

Extrait de MIRACLE A MANHATTAN de Hubert Zakine


Il rentra chez lui en flânant,  sous une petite pluie fine qui réveilla en lui, l’envie de sillonner Canal Street et les berges de l’Hudson  au bord de Manhattan.  Comme jadis au bras de sa jeune femme, quand la nuit se déclinait pour les amoureux. Son regard se posa sur un jeune couple qui parlait d’éternité. Blottis l’un contre l’autre, ils prolongeaient l’instant gracieux du rêve. Reflets sur l’eau dans la nuit de Manhattan, reflets d’un visage de femme qui sourit, reflets de sa déchéance. Ont-ils tort ou raison ceux qui rangent les souvenirs dans des cases hermétiquement fermées ? Ont-ils tort ou raison ceux qui forcent le barrage de leur propre déraison et prônent la vie ? Ont-ils tort ou raison ceux qui désertent les cimetières pour rejoindre le cortège des vivants ? La nuit porte conseil dit-on mais, avec les lueurs de l’aube, reviennent les fantômes du passé. Au hasard de sa promenade, il fut surpris pas les premiers sursauts d’une aurore rougissante.

Le magasin de Papa Napoli accueillait déjà  les premières livraisons. Il le salua en lui faisant un signe de la main et s’engouffra dans son immeuble qui s’éveillait à peine. Déjà, la musique de la rue  fredonnait l’air des petits métiers. Il ne prit pas le temps de se déshabiller et s’effondra sur son lit pour un sommeil réparateur qui dura une bonne partie de la journée. Afin de remettre en ordre le cabaret mis sans dessous dessus par les fêtards du dixième anniversaire, le patron de Samuel avait donné congé aux animateurs du Blue Note. Il en profita pour se ressourcer auprès de Papa Napoli, sorte de père spirituel  qui savait calmer son mal de vivre par son humeur toujours égale.

--Bon giorno Samuel. Alors, cette soirée d’anniversaire ?

--Beaucoup de succès, beaucoup de monde de la haute. Mais vous savez bien, que moi, les gens de la haute…….Et ce n’est pas tout, mon patron m’a présenté l’héritière des cinémas Majestic.

--Et alors ?

--Alors, ses parents avaient l’air très intéressés.

--Elle est jolie, la petite ?

--Plus que jolie !

--Tu sais, fils, tôt ou tard, il faudra bien que tu te ranges ! Alors un peu plus tard ou un peu plus tôt. Surtout si la mignonne est riche et belle.

--Vous parlez comme dans un livre ouvert……………

--Samuel, l’amour de ta vie est au ciel. Tu n’y peux rien mais, l’homme est ainsi fait qu’il est capable d’aimer plusieurs fois dans sa vie. Et parfois, sans même qu’on y prenne garde. A mon époque, les mariages étaient arrangés par les familles. C’est après que l’amour venait. Et la plupart du temps, ils duraient bien plus longtemps qu’aujourd’hui.

--Sans doute mais je  suis un  être humain pas une machine. Je ne peux pas  dire amen à tout le monde.

--Ça va, celui qui a parlé s’est envolé.

--Ce n’est pas pour vous que je dis ça, papa Napoli, vous le savez bien !

--Tout le monde, ce sont les gens qui te veulent du bien, mets-toi çà dans ta petite tête ! Ah, elle n’est peut-être pas israélite ?

--Si, si !

-- Alors……… La balle est dans ton camp et tu sais que si tu as besoin des conseils de papa Napoli, je suis au magasin ! Allez, déguerpis, laisse-moi travailler !

 

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