Il
rentra chez lui en flânant, sous une
petite pluie fine qui réveilla en lui, l’envie de sillonner Canal Street et les
berges de l’Hudson au bord de Manhattan. Comme jadis au bras de sa jeune femme, quand
la nuit se déclinait pour les amoureux. Son regard se posa sur un jeune couple
qui parlait d’éternité. Blottis l’un contre l’autre, ils prolongeaient
l’instant gracieux du rêve. Reflets sur l’eau dans la nuit de Manhattan,
reflets d’un visage de femme qui sourit, reflets de sa déchéance. Ont-ils tort
ou raison ceux qui rangent les souvenirs dans des cases hermétiquement
fermées ? Ont-ils tort ou raison ceux qui forcent le barrage de leur
propre déraison et prônent la vie ? Ont-ils tort ou raison ceux qui
désertent les cimetières pour rejoindre le cortège des vivants ? La nuit
porte conseil dit-on mais, avec les lueurs de l’aube, reviennent les fantômes
du passé. Au hasard de sa promenade, il fut surpris pas les premiers sursauts
d’une aurore rougissante.
Le
magasin de Papa Napoli accueillait déjà les premières livraisons. Il le
salua en lui faisant un signe de la main et s’engouffra dans son immeuble qui
s’éveillait à peine. Déjà, la musique de la rue
fredonnait l’air des petits métiers. Il ne prit pas le temps de se
déshabiller et s’effondra sur son lit pour un sommeil réparateur qui dura une
bonne partie de la journée. Afin de remettre en ordre le cabaret mis sans
dessous dessus par les fêtards du dixième anniversaire, le patron de Samuel avait
donné congé aux animateurs du Blue Note. Il en profita pour se ressourcer
auprès de Papa Napoli, sorte de père spirituel
qui savait calmer son mal de vivre par son humeur toujours égale.
--Bon giorno Samuel. Alors, cette
soirée d’anniversaire ?
--Beaucoup de succès, beaucoup de
monde de la haute. Mais vous savez bien, que moi, les gens de la haute…….Et ce
n’est pas tout, mon patron m’a présenté l’héritière des cinémas Majestic.
--Et alors ?
--Alors, ses parents avaient l’air
très intéressés.
--Elle est jolie, la petite ?
--Plus que jolie !
--Tu sais, fils, tôt ou tard, il
faudra bien que tu te ranges ! Alors un peu plus tard ou un peu plus tôt.
Surtout si la mignonne est riche et belle.
--Vous parlez comme dans un livre
ouvert……………
--Samuel, l’amour de ta vie est au
ciel. Tu n’y peux rien mais, l’homme est ainsi fait qu’il est capable d’aimer
plusieurs fois dans sa vie. Et parfois, sans même qu’on y prenne garde. A mon
époque, les mariages étaient arrangés par les familles. C’est après que l’amour
venait. Et la plupart du temps, ils duraient bien plus longtemps
qu’aujourd’hui.
--Sans doute mais je suis un
être humain pas une machine. Je ne peux pas dire amen à tout le monde.
--Ça va, celui qui a parlé s’est
envolé.
--Ce n’est pas pour vous que je dis
ça, papa Napoli, vous le savez bien !
--Tout le monde, ce sont les gens qui
te veulent du bien, mets-toi çà dans ta petite tête ! Ah, elle n’est
peut-être pas israélite ?
--Si, si !
-- Alors……… La balle est dans ton
camp et tu sais que si tu as besoin des conseils de papa Napoli, je suis au
magasin ! Allez, déguerpis, laisse-moi travailler !
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