Richard,
affalé de tout son long dans une chaise longue, contemplatif comme le sont tous
les écrivains, encouragea ses amis à lever les yeux.
--Regardez le ciel ! Les
étoiles, elles nous tapent le coup de la séduction comme quand le cap Matifou
s’illuminait de milliers de lumières.
--Oh, le poète, tch’as oublié qu’on
est des illettrés. Tu parles bien avec la bouche ! Victor lui rétorqua avec une pointe d’ironie.
--Va niquer les mouches, va !
Dès qu’on parle le francaoui, tu déclares forfait.
--Obligé, de Fès où je parlais
l’arabe, vous m’avez proposé le pataouète ! Alors, je suis perdu quand tu
parles comme Verlaine.
--Va te toucher, va ! Espèce
de marocain de mes deux.
Un
éclat de rire par-dessus et la soirée se poursuivit dans la bonne humeur. Paulo
étonnait par sa disponibilité et ses réactions aux plaisanteries des uns et des
autres qui n’étaient pas avares de persiflage. A vrai dire, il n’était jamais
le dernier à lancer une boutade afin de déclencher le rire. Paulo restait tout
simplement le Paulo de Bab El Oued, le Paulo de l’enfance à l’adolescence, le
Paulo de toujours.
Ce
fut une soirée mémorable qui laissa à Richard un goût amer annonçant la perte programmée de Paulo. Il
demeura sur la terrasse comme s’il refusait que le jour se lève et avec lui, la
triste réalité qu’il fallait dominer. Il ferait semblant, il feinterait la
bonne humeur. Il jouerait la pièce de sa vie pour Paulo. Il avait, plus d’une
fois, déceler dans le regard de ses amis, la folle angoisse du lendemain. Le
courage que montrait l’amitié devant
pareil tourment encourageait sa réflexion mais, au bout du bout de la
tristesse, le visage hideux de la mort s’imposerait. Dormir pour ne plus penser
était la seule alternative de l’instant. Demain sera un autre jour.
Roland
lui apporta une couverture pour réchauffer son
cœur froid. L’abandon de la terre natale
entraina l’exil volontaire de Jacky et Roland en Israël et aux Etats
Unis. Leur départ fut une blessure qui saigna un temps mais le temps assécha
les larmes et l’affection par correspondance supplanta l’amitié physique. Et
surtout, l’avion n’étant pas fait pour les chiens, demeurait l’espoir de se
revoir. Mais Richard ne pouvait admettre la disparition de Paulo.
--Vous deux, vous nous avez quitté
pour un avenir meilleur, à Miami et à Netanya. On s’est consolé en pensant à votre bien-être mais Paulo, la putain……………Paulo !
Richard
à Paris, Victor à Marseille, Jacky à Netanya et Roland à Miami, le quintette algérois
entamera une symphonie inachevée à
quatre mains.
*****
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire