mardi 25 août 2015

Extrait de "LE COIFFEUR DE BAB EL OUED" de Hubert Zakine


Ce matin, j’en peux plus. Pour me calmer, ma mère, elle m’a même donné un carré de sucre imbibé d’eau de fleur d’oranger, comme quand  j’étais petit.
--Dis-moi, à quoi ça te sert de rester éveillé ? Le coq, tu montes, tu descends il chantera pas à minuit !
--Qué, le coq manman! Tu vois pas que je suis anxieux ?
-- Le jour, y va pas se lever plus tôt pour autant ! Alors, écoute ta mère et va te coucher !
Aouah ! A qui tu parles ? Demain, j’étrenne un salon de coiffure racheté à une gloire du quartier. Gloire de la tondeuse et du rasoir qui avait coupé les cheveux en quatre de plusieurs générations des oualiones de Bab El Oued. Mais également gloire et icône du CCBEO, le club cycliste local qui participait aux grandes compétitions nationales.
Pour la circonstance, j’ai pas lésiné sur les moyens et  j’ai fait un ramdam pas possible pour rameuter ma future clientèle. Et surtout, j’ai promis une coupe gratuite pour les dix premiers clients, une  sorte de pendaison de la crémaillère à la sauce pataouète, arrosée de gomina et d’eau de Cologne bon marché. Purée, j’me fais un de ces mauvais sangs ! C’est que tous les profiteurs, y vont se battre pour décrocher le pompon et  bénéficier de la  bonne aubaine.
--Une coupe gratuite, dé ! Et pas à la bol de loubia !
 Comme tous les samedis matins, dès neuf heures, la Grande Brasserie elle fait peau neuve. Y sont tous là, les buveurs de kaouah dans le traditionnel verre à la turque, les commerçants du coin qui tapent un bain de jouvence auprès de l’amitié d’enfance, les joueurs de flippers qui secouent le billard comme un prunier et font Tilt à chaque partie, tout un monde bon enfant, habitué du lieu avant d’entreprendre leur journée.
Je parade au milieu des profiteurs en répétant comme un samote que je vais devenir le roi des coiffeurs de Bab El Oued.
--Le roi des cornichons, ouais !  Reprennent en chœur mes amis qui me souhaitent bonne chance à leur manière.
Car, ici,  la dérision et le persiflage étaient monnaies courantes et celui qui s’en offusquait, mieux, il allait se jeter au Kassour.
Au contraire, il pouvait se vexer s’il était pas l’objet de cette marque d’intérêt de la part des copains.
Moi, je me prépare à une ruée vers l’or en ouvrant mon salon. Aussi, pas bête, j’avais distribué des numéros aux dix fortunés et des remises de 50 % pour les autres clients. Une sacrée journée à rendre fartasses tous les profiteurs. Pour la circonstance, j’aurai le renfort de l’ancien propriétaire du salon.
Neuf heures ! Aya Zoumbo, comme des gobieux, pire que Fort Alamo, ils ont essayé de resquiller.
--Soumlah ! Ça sert à rien de vous exciter. Le numéro 1 y passera avant le numéro 2 etc…. !
 
 

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